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Malko se décida enfin à remonter l’escalier. Le couloir était de nouveau vide. Ils coururent vers l’autre bout du bâtiment. Essayant de trouver une seconde entrée. De nouveau, il y eut un bruit de bottes, et ils se ruèrent dans la première chambre venue. Malko se trouva en face d’une étrange voiture, avec de gros phares et un capot vert émeraude. Des pièces de moteur pendaient du plafond. Mais la fausse voiture comportait en son centre un lit recouvert de peau de panthère. Une femme agenouillée au milieu administrait à un homme debout, appuyé sur le volant, une fellation consciencieuse.

Qui s’arrêta net devant les intrus.

Malko un doigt sur ses lèvres.

— Chut ! Silencio.

Des pas se rapprochèrent dans le couloir. On frappa à la porte. Malko pivota, prêt à tirer. Le couple n’osait plus respirer, toujours dans la même position. Une voix de rogomme hurla simplement à travers la porte qu’il fallait évacuer le Valdivia.

Malko échangea un regard avec Oliveira. C’était la fin. La D. I. N. A. les attendait dehors.

Il entraina sa compagne, laissant le couple traumatisé à vie. Après une course éperdue dans un dédale de couloirs étroits, à peine éclairés, bousculés par des couples affolés qui surgissaient de partout, ils débouchèrent dans un minuscule bureau avec une table en Formica. L’antre du patron. En face se trouvait le standard téléphonique gardé par un carabinier mitraillette à la hanche. De l’autre côté d’une cour minuscule, il y avait une sorte de cuisine et d’entrepôt de boissons où plusieurs employés s’affairaient. C’était l’entrée de service qui semblait beaucoup moins gardée. Quelqu’un surgit derrière Malko par une porte qu’il n’avait pas vue.

— Señor ?

Il reconnut Malko, vit le pistolet, blêmit, se laissa tomber derrière le bureau.

— Señor, no me mata, murmura-t-il.

Ses yeux ne se détachaient pas du pistolet.

— Où sont-ils ? demanda Malko.

— Partout, souffla le patron. Partout, señor, ils fouillent l’hôtel chambre par chambre, vous ne pouvez pas leur échapper.

Une rafale d’arme automatique claqua brusquement dans la rue, tout près, Oliveira poussa un cri. Malko se raidit. C’était sûrement Carlos Geranios.

Empoignant Oliveira, il la poussa hors du bureau. Devant lui s’ouvrait un couloir étroit et puant donnant sur la rue. Ils s’y jetèrent. Au même moment, quelqu’un surgit de la rue, fuyant les coups de feu et s’y engouffra, en sens inverse. À la lueur des réverbères, Malko reconnut le chapeau blanc et la courte silhouette de Juan Planas, le policier tortionnaire ! L’autre, à cause de l’ombre du couloir, le reconnut à son tour, une fraction de seconde plus tard. Il recula précipitamment vers la rue, portant la main à sa ceinture.

— He, señor ! cria-t-il.

Le bras de Malko se détendit, prolongé par le pistolet extra-plat. L’arme sauta dans sa main. Le chapeau blanc sembla emporté par un coup de vent, remplacé par une fleur rouge au milieu du front.

La bouche ouverte, foudroyé, Juan Planas s’écroula en arrière en un petit tas sombre, encore agité de mouvements réflexes.

Malko enjamba le corps, traînant Oliveira hurlant de peur, parvint à la sortie. Un carabinier et un civil étaient étendus sur le trottoir. Des lueurs jaillissaient d’une voiture noire stoppée au bout de la rue, à droite. Un gros fourgon Chevrolet de la D. I. N. A. était stoppé entre l’entrée de service et l’entrée principale, à gauche de Malko, ripostant au tir de la voiture noire. Derrière, des groupes de policiers et de clients du Valdivia refluaient en désordre, fuyant la fusillade.

Malko prit Oliveira par la main, lui montrant la voiture noire.

— Cours !

Il se jeta en avant. Les occupants du Chevrolet les virent. Les phares du véhicule s’allumèrent. Aussitôt, une grêle de balles jaillit de la voiture noire, pour protéger la fuite de Malko. Avec un grondement, le fourgon s’ébranla, fonçant sur eux.

Terrifiée, Oliveira, lâcha la main de Malko, voulut se serrer contre le mur pour échapper au véhicule. Celui-ci fonça, montant sur le trottoir. Malko se retourna, tendit le bras, vidant son chargeur en direction de la cabine du véhicule. Trop tard. Le fourgon continua à avancer, coinçant Oliveira entre sa paroi droite et le mur du Valdivia. Frôlé par le lourd véhicule, Malko entendit un cri atroce. Tirant toujours, il vit la tête du conducteur éclater.

Le Chevrolet continua tout droit, alla s’écraser contre un camion en stationnement.

Malko fonça sur la frêle silhouette étendue sur le trottoir, voulut la soulever, retira ses mains poisseuses de sang. Oliveira gisait sur le ventre, tête écrasée, tuée sur le coup, au milieu d’une mare de sang qui s’agrandissait. Il n’avait même pas le temps de s’occuper d’elle. Des balles sifflaient déjà autour de lui, ricochant sur le mur et l’asphalte. Il courut en zigzag vers la voiture noire. Essoufflé, il se jeta à travers une, portière ouverte. Reçut une gerbe de douilles brûlantes en plein visage, tomba sur le plancher, alors que la voiture démarrait brutalement. L’homme à côté de lui vidait le chargeur de son kalachnikov par la lunette arrière. Il cria soudain et s’affaissa comme la voiture tournait dans Vicuria McKenna.

Une balle en pleine tête, lui aussi.

Carlos se retourna, les traits hagards, avec un rictus désespéré.

— Elle est morte ?

— Oui, dit Malko.

— Chiens immondes, fit le rebelle. Je ne…

Il ne termina jamais sa phrase, une rafale claqua derrière eux. Carlos se rejeta d’abord en arrière puis sa tête plongea sur le volant sans un mot, comme s’il avait un malaise. Dans un ultime réflexe, il écrasa son pied sur le frein et la grosse Fiat stoppa brutalement, heurtant le trottoir.

— Carlos !

Malko bondit dehors, ouvrit la portière, tira le corps de Carlos Geranios. L’œil gauche resta accroché au volant, éclaté par la balle qui lui avait traversé la tête. Le corps bascula sur le trottoir. Malko entendait déjà les voitures de la police démarrer. L’avenue Vicuria McKenna s’étendait devant lui, totalement déserte.

Il reprit le volant, passa en première, fonça. Sans regarder derrière lui, sans penser à rien. Les rues de Santiago étaient vides. C’était une sensation extraordinaire que de rouler dans cette ville morte. Plus il s’éloignait du Valdivia, plus la sensation de cauchemar s’accentuait. D’abord, il roula machinalement, essayant de se remettre du choc des deux morts, du danger couru. Puis il réalisa qu’il était vivant. Il revit le corps d’Oliveira disloqué, écrasé, la tête en bouillie, la cervelle sur le trottoir. Il avait envie de hurler de haine impuissante. Sans même s’en rendre compte, il prit la direction du Barrio Alto.

* * *

Malko traversa la pelouse comme un fantôme, pistolet au poing, à peine éclairé par le clair de lune. Il avait laissé la Fiat cinq cents mètres plus loin pour gagner la maison de John Villavera à travers les jardins des autres villas. Un gros fourgon Chevrolet blanc et noir de la D. I. N. A. stationnait devant la grille du jardin. Donc il était là.

La porte-fenêtre vitrée du living-room était fermée, bien entendu. Malko fit le tour de la maison. Sans rien trouver d’ouvert. S’il cassait une vitre, cela attirerait immédiatement les policiers. Il alla jusqu’au coin du garage, aperçut la grosse Lincoln. Au fond, derrière la voiture, il y avait une petite porte communiquant avec la maison. Il attendit, guettant les hommes dans la Chevrolet. Au moment où le chauffeur allumait une cigarette, il se jeta dans le garage, s’accroupit derrière la voiture.

Puis, mètre par mètre, il gagna le fond, essaya la porte. Elle était ouverte ! Il la franchit, la referma aussitôt, le silence de la maison lui fit une drôle d’impression. Il essaya de se rappeler la topographie du bâtiment. La chambre de John Villavera était à l’autre bout du couloir, près du living.