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— Chef, rien n’a été dérangé depuis la construction de notre barricade.

— Allez voir la fenêtre, alors !

La fenêtre était toujours clouée, le matelas de coton qui garnissait l’espace demeurant vide entre les vitres et les volets de fer n’avait pas été touché.

— La fenêtre est dans le même état.

— Alors, on n’est pas entré ici.

Et pour la centième fois peut-être, Juve promena ses regards sur les murailles de la pièce, les murailles qu’il avait sondées, qui étaient pleines, qui n’étaient pas truquées, sur les portes, dont l’une était barricadée, dont l’autre n’avait pas été perdue de vue pendant toute la nuit par lui, Léon et Michel, sur les fenêtres qui étaient closes.

Mais, en considérant encore une fois la chambre, Juve aperçut toujours le cadavre de lady Beltham étendu sur le lit. Et ce cadavre semblait répondre à l’interrogation que se posait Juve, semblait démentir ses paroles.

— Hélas, disait la morte dans sa rigidité sépulcrale, il faut bien qu’on soit entré ici, puisque j’ai été assassinée.

Juve sentait si bien tout ce qu’il y avait d’incompréhensible et de contradictoire dans ces constatations, que le découragement le prit.

— Bon Dieu, jura le policier, c’est à croire que nous ne trouverons jamais la clef de cette énigme !

Juve ordonna :

— Michel, vous allez rester ici, et n’en pas bouger jusqu’à mon retour. Léon, demeurez sur le pas de la porte, je vais enquêter dans le voisinage.

Juve quitta le rez-de-chaussée tragique et se livra, en effet, à une enquête rapide. La concierge, bien entendu, ignorait encore tout du drame et ne pouvait fournir aucun renseignement.

— Vous n’avez rien entendu ? demanda Juve.

— Absolument rien, monsieur l’inspecteur.

Juve n’insista pas d’ailleurs. Lui-même qui se trouvait dans la galerie séparée de la chambre de lady Beltham, par une simple cloison, n’avait rien entendu non plus, comme n’avaient rien entendu Léon et Michel.

Juve sortit de l’immeuble, siffla deux coups stridents pour convoquer d’urgence les policiers qu’il avait disposés autour de la maison, la veille au soir.

L’inspecteur qui stationnait sur le toit accourut. Deux autres agents qui s’étaient promenés dans un bout de l’avenue se rendaient à son appel. Nalorgne et Pérouzin seuls manquaient à la convocation de Juve.

— Où sont ces imbéciles ? questionna le policier.

— Chef, après deux heures d’efforts, ils ont réussi à mettre en marche leur automobile. Ils viennent d’aller l’essayer au Bois de Boulogne. Ils ont dit qu’ils reviendraient tout de suite.

La disparition de Nalorgne et Pérouzin avait bien peu d’importance, Juve ne s’y arrêta pas.

— Avez-vous surpris quelque chose ? interrogea-t-il.

Et il mit rapidement les agents au courant du drame qui venait de se dérouler.

Mais aux déclarations de Juve, si une stupeur se peignait sur tous les visages, aucune réponse n’était donnée, aucune indication n’était fournie.

Personne n’avait rien vu. Personne n’avait rien remarqué.

— C’est à devenir fou, répéta Juve.

Et, tenace comme il l’était, le policier n’était point prêt à renoncer à deviner la façon dont était morte lady Beltham.

— Je saurai, hurla Juve dans un mouvement de colère véritable, comment Fantômas a procédé ! Je le saurai, quand je devrais passer ma vie à le chercher.

Juve, à ce moment, retourna vers le petit rez-de-chaussée, puis, hésitant, s’arrêta sur le seuil de l’habitation.

— Oh oh, fit-il, est-ce que par hasard… ?

Juve traversa rapidement le trottoir de l’avenue Niel. Un fiacre passait, qu’il héla :

— Conduisez-moi à la caserne des sapeurs-pompiers qui se trouve en face du Palais de Justice.

Vingt minutes plus tard, Juve était dans la cour de cette caserne, où sont installés les locaux du Laboratoire municipal.

— Puis-je parler au médecin-chef ?

— Un instant, monsieur Juve.

Deux minutes plus tard, en effet, seul avec le savant, Juve lui indiquait les détails de la mort de lady Beltham.

— Docteur, conclut Juve, la police que je représente est sur le point de se déclarer impuissante à deviner comment cette femme a été tuée. C’est à la Science de parler. Il faut qu’il y ait un mystère, et ce mystère, c’est à vous de le deviner. Peut-on tuer à distance ?

— Tuer à distance ? Non, répondit le praticien, à moins que l’on ne se serve de poison.

— Lady Beltham n’a rien pris qui n’ait été examiné dans vos services.

— Alors elle n’a pas été tuée à distance.

— Comment donc a-t-elle pu être assassinée ?

— Mais je n’en sais rien, monsieur Juve. Il faudrait pour vous répondre, que je puisse examiner le cadavre.

— Venez, docteur !

Juve s’était levé, il pressa si bien le médecin du Laboratoire municipal, qu’il le décida à l’accompagner avenue Niel, et qui plus est, à emporter dans une valise préparée pour les enquêtes criminelles certains réactifs, certains appareils qui pouvaient être utiles.

Juve et le médecin retrouvèrent naturellement toutes choses en état, comme le policier les avait laissées.

Fidèles observateurs de la consigne, Léon et Michel n’avaient point bougé.

— Voici la morte, disait Juve, en faisant pénétrer le docteur qui se découvrait, dans la chambre de lady Beltham. Voici la morte, docteur, et c’est à vous de me dire comment elle est morte.

Mais le médecin, malgré tout son savoir, devait demeurer embarrassé.

— Je ne comprends rien de rien à la façon dont cette femme a pu être assassinée, déclara-t-il après plus de deux heures d’expériences. Il n’y a aucune blessure et les réactifs dont je viens de me servir…

En parlant, le docteur s’était retourné…

— Ah çà, fit le médecin à Léon et à Michel, qu’est-il donc devenu ?

Mais Léon et Michel répondirent :

— Docteur, Juve est parti il y a quelques minutes. Il nous a fait signe de ne pas le suivre, et de demeurer à votre disposition.

Et Michel interrogea :

— Vous disiez, docteur, que les réactifs ?

— Les réactifs prouvent, murmura le médecin, qu’il n’y a pas eu d’empoisonnement.

— Alors, cette mort est inexplicable ?

— Pour le moment, oui.

Or, à l’instant même où le directeur du Laboratoire municipal déclarait que la mort de lady Beltham lui apparaissait impossible à préciser, Juve revenait dans la pièce.

Le policier était dans un piteux état. Des toiles d’araignées s’accrochaient à sa chevelure, il avait le veston plein de boue, le pantalon souillé de sable, les mains noires, les bottines boueuses.

— Eh bien ? interrogeait Juve.

Il semblait triomphant.

D’une même voix, Léon, Michel et le docteur questionnaient le policier :

— D’où venez vous ? Que vous est-il arrivé ?

Juve se laissait tomber sur un fauteuil, avec un soupir de satisfaction.

— Docteur, disait-il, savez-vous comment est morte lady Beltham ?

— Non, fichtre non !

— Avez-vous pensé à un empoisonnement par le gaz ?

À ces mots, le praticien leva les bras au ciel.

— Évidemment non. S’il y avait eu empoisonnement par le gaz d’éclairage, vous auriez senti en entrant dans la pièce une odeur caractéristique.

Et il ajouta péremptoire :

— D’ailleurs, il n’y a pas de gaz dans la pièce, l’éclairage est électrique.

Mais Juve reprit :

— Cela ne fait rien, répondez-moi toujours, Docteur.

— Que voulez-vous savoir ?

— Peut-il rester des traces d’empoisonnement par le gaz d’éclairage ? Pouvez-vous me dire, en examinant la morte, si elle a pu être asphyxiée par ce gaz ?