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L’expression de Stefan en train d’essayer de ranimer Elena avait été effrayante. Mais Bonnie avait eu du mal à reconnaître son amie tant qui ressemblait à une poupée de cire. Il lui avait paru impossible que cette forme inerte puisse vivre un jour. C’était d’ailleurs stupide de se démener sur elle comme sur une noyée. On n’avait jamais vu de poupées se mettre à respirer, Meredith avait tenté de l’arracher des bras de Stefan en hurlant.

Bonnie l’avait entendue parler de séquelles irréversibles sans bien comprendre. Elle avait trouvé bizarre qu’ils puissent à la fois se disputer et pleurer toutes les larmes de leur corps.

Puis Stefan s’était calmé. Il était resté assis sur la route, sourd au cri de Meredith, serrant contre lui le cadavre cireux d’Elena. Son air pétrifié était encore plus terrifiant que ses pleurs.

Bonnie fut soudain ramenée à la vie par une indicible terreur. Son instinct la prévenait d’un danger imminent. Stefan avait lui aussi perçu la menace. Tous ses sens étaient aux aguets.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? avait hurlé Meredith en le voyant se raidir.

— Vite ! Partez ! avait-il répondu sans lâcher son fardeau. Mais on ne peut pas te laisser… protesta Meredith.

— Il faut partir, je te dis Bonnie, emmène-la, vite !

C’était la première fois qu’on avait demandé à Bonnie de prendre la situation en mains. Elle avait attrapé Meredith par le bras. Stefan avait raison. Elles devaient fuir sur le champ ou elles allaient y passer à leur tour. Bonnie avait entraîné son amie en dépit de ses protestations.

— Je vais l’allonger sous les saules ! avait lancé Stefan.

Bonnie n’avait d’abord pas compris pourquoi il avait dit ça. Plus tard, lorsqu’elle reprit ses esprits, la réponse lui apparut. Il leur avait indiqué le lieu ou il la laisserai tout simplement parce qu’il ne serait plus là pour les aider à la retrouver.

16.

Cinq siècles auparavant, dans les ruelles sordides de Florence, Stefan, affamé et épuisé, avait fait un serment. Celui de ne jamais se servir de ses pouvoirs pour faire du mal aux créatures plus faibles que lui.

Il allait rompre sa promesse. Il embrassa le front glacé d’Elena avant de l’étendre. Il reviendrait plus tard, s’il le pouvait. La force maléfique avait dédaigné Bonnie et Meredith comme prévu. C’était lui qu’elle voulait. Elle était tapie dans l’ombre, à guetter ses mouvements, et il ne la ferait pas attendre très longtemps.

Il bondit sur la route balayée par le vent glacial en s’efforçant de chasser de son esprit l’image de la morte. Conscient qu’il devait d’abord retrouver ses forces avant de se battre, il se concentra pour localiser la proie qu’il convoitait.

Il ne mit que quelques minutes pour retrouver Tyler et ses copains, qui n’avaient pas bougé de la baraque de chantier. Avant qu’ils aient eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait, la fenêtre vola en éclats.

Stefan était bien décidé à tuer. Il fondit sur Tyler et lui planta ses canines dans la gorge. Mais, dérangé par un des gros bras, il n’eut pas le temps de le vider de son sang. Stefan plaqua sa nouvelle victime au sol, refermant ses mâchoires sur son cou. Le goût ferreux du sang chaud le revigora en se diffusant en lui comme de la lave en fusion. Il lui en fallait encore. Il était avide de vie, et de pouvoir. Son festin avait décuplé ses forces : il assomma sans peine tous les autres avant de pomper leur précieux nectar jusqu’à la dernière goutte.

Il s’occupait de sa dernière victime, la bouche dégoulinante de sang, quand il aperçut Caroline, recroquevillée dans un coin. Son air hautain avait totalement disparu. Elle avait les yeux exorbités d’un cheval terrorisé et bafouillait des supplications inintelligibles.

Lorsque Stefan la souleva, elle poussa un gémissement d’effroi. Il lui attrapa les cheveux sans ménagement pour découvrir sa gorge. À l’instant où il dévoilait ses canines acérées comme des dagues, elle hurla de terreur et perdit connaissance.

Il la lâcha. De toute façon, il était déjà gavé de sang. C’était la première fois qu’il sentait une telle force bouillonner en lui.

À présent, il était en mesure d’affronter Damon. Il assortit de la baraque sous la forme d’un faucon qui prit majestueusement son essor dans le ciel déchaîné. Cette nouvelle enveloppe était prodigieuse. Il était ivre de puissance. … et de cruauté. Sa vue incroyablement perçante lui fit trouver sans mal l’endroit qu’il cherchait : une clairière perdue parmi les chênes.

Indifférent aux assauts du vent, il fondit sur son ennemi avec un cri féroce. Damon, surpris par l’attaque, eut beau se protéger le visage des deux bras, il ne parvint pas à empêcher le rapace de lui entailler la chair. Il hurla autant de douleur que de rage.

Stefan ponctua son offensive par une mise en garde muette. Il n’y a plus de petit frère qui tienne. Je vais te vider de ton sang.

La voix narquoise et haineuse de Damon l’atteignit en retour comme une onde de choc. C’est comme ça que tu me remercies de vous avoir sauvés, Elena et toi ?

Le faucon replia ses ailes et partit de nouveau en piqué avec un seul but : tuer. Il visa les yeux. Ses serres lacérèrent jusqu’au sang les joues de son frère. Le bâton dont ce dernier s’était armé siffla à quelques centimètres de lui.

— Tu aurais mieux fait de nous tuer tous les deux ! lança-t-il à Damon.

— Je vais me faire le plaisir de corriger cette erreur ; répliqua ce dernier en rassemblant ses pouvoirs, même si je ne vois pas de qui tu parles. Qui suis-je censé avoir tué ?

L’innocence que feignait son frère redoubla la rage de Stefan et il fondit sur sa proie avec une hargne inouïe, Mais cette fois, le bâton ne rata pas sa cible, et le faucon l’aile pendante, s’abattit par terre, juste derrière Damon.

Stefan reprit aussitôt sa forme humaine. Son bras cassé le faisait à peine souffrir tant il suffoquait de colère, Avant que Damon n’ait eu le temps de se retourner ; il se jeta sur lui et, de sa main valide, l’empoigna par le cou.

— Tu le sais bien. Elena, murmura-t-il en lui plantant ses dents dans la chair.

L’obscurité… un froid glacial… quelqu’un appelant à l’aide… une extrême fatigue…

Lorsque Elena battit des paupières, les ténèbres se dissipèrent, mais elle était toujours glacée jusqu’aux os. Le fait d’être allongée dans la neige n’était pas seul en cause. Quelque chose, dans son corps, avait changé.

Elle se redressa. Qu’est-ce qui s’était passé ? Elle s’était endormie dans son lit… non, il y avait eu cette commémoration. Elle se revit sur scène. Quelqu’un faisait une drôle de tête. Ça l’avait fait rire, mais elle ne se rappelait plus pourquoi. Tout s’embrouillait dans son cerveau. Des visages fantomatiques dansaient devant ses yeux, des fragments de phrases résonnaient à ses oreilles. Elle ne comprenait rien.

Tout ce qu’elle voulait, c’était dormir. La neige et le froid lui étaient indifférents. Elle se rallongea, mais aussitôt, les hurlements dans sa tête recommencèrent. Quelle étrange sensation ! Ce n’était pas son ouïe qui les captait. Non, ils résonnaient dans son esprit avec une clarté stupéfiante. C’était les cris de rage et de douleur d’un être à l’agonie.

Elle surprit soudain un mouvement furtif dans l’arbre. Un écureuil. Elle perçut distinctement son odeur subtile. Bizarre. C’était la première fois qu’elle arrivait à capter ce genre de choses ! Il la fixa de son petit œil noir avant de s’élancer vers le long du tronc. La main d’Elena partit comme un éclair, ratant de peu sa proie, et ses ongles griffèrent l’écorce du saule.