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— Ainsi, vous ne croyez pas qu’il soit nécessaire de renverser le gouvernement ?

— Exactement. Je n’ai entendu que des paroles creuses. Vous et vos complices n’avez ni connaissances, ni programme élaboré, ni projet. En dehors des permutations hiérarchiques de la classe supérieure de Ian-Iah, vous ignorez par où commencer.

Le « porte-serpent » se leva, les traits figés. Faisant un effort sur lui-même, il déclara qu’il avait encore une demande à formuler et qu’il espérait que la Terrienne ne la rejetterait pas.

— Enseignez à nos médecins comment prolonger la vie, expliquez-leur comment vous gardez vos forces et votre beauté et comment vous vivez deux fois plus longtemps que nous.

— Pourquoi voulez-vous le savoir ?

— Comment pourquoi, s’écria le dignitaire.

— Tout doit avoir un sens et un but. Une longue vie est nécessaire pour celui qui est spirituellement plus riche, qui peut donner beaucoup plus aux autres, mais autrement à quoi bon ? Vous êtes des millions à n’avoir à vous soucier de rien si ce n’est de vous-même et de vos privilèges, des millions de parasites insensibles, sans conscience, sans morale et sans devoir. Vous vous soustrayez à vos obligations directes et, en même temps, vous prenez pour vous cent fois plus que ce qui est donné à n’importe quel autre membre de la société. Au nom de quoi agissez-vous comme des pillards, parachevant l’œuvre de vos prédécesseurs qui ont épuisé les ressources de la planète et de l’humanité de Ian-Iah ? N’avez-vous pas le vertige en voyant le fossé énorme qui vous sépare du peuple ?

Le « porte-serpent » fit entendre un son indistinct, serra les poings, tapa du pied et se précipita soudain vers la porte.

— Restez !

L’ordre de la femme de la Terre, prononcé avec une brusquerie inhabituelle et une autorité irrésistible, le cloua sur place. S’excusant, il s’arrêta docilement près de Rodis. Celle-ci, d’un mouvement rapide et imperceptible – particulier aux Terriens –, passa sa main sur le vêtement du « porte-serpent » trouva une petite boite lourde dans la poche intérieure de poitrine et se tourna vers le SVP. D’une légère chiquenaude, l’enregistrement fut détruit. Puis, Rodis remit la petite boite en place. Pendant tout ce temps, le dignitaire était resté planté là, raide, et répétait à voix haute « Je ne me souviens de rien, je ne me souviens de rien du tout », ne s’apercevant pas que le souvenir de la conversation qui venait d’avoir lieu s’effaçait même de son esprit. Grâce à ses dons naturels, Faï Rodis n’avait pas eu besoin de l’IMC. Le « porte-serpent » se dirigea vers la porte, salua et disparut. Rodis coupa le son protecteur et, aussitôt, des signaux d’appel se firent entendre. L’image d’Evisa apparut. Elle était tout émue, ce qui la rendait encore plus charmante.

— Tchedi a été grièvement blessée, elle a de plus une côte cassée. Elle se trouve dans l’hôpital où je suis.

Evisa donna la liste des médicaments et des instruments qu’il fallait faire venir de « La Flamme sombre » et dit qu’elle se rendait sur-le-champ avec Norine auprès du Commandant de la ville, pour l’avertir qu’un disconef automatique allait quitter « La Flamme sombre » et convenir d’un terrain d’atterrissage.

— Est-ce que Tchedi est consciente ?

— Elle dort.

— J’arrive.

Rodis posa sa main bien à plat (signal de fin de liaison) et brancha le SVP sur le vaisseau.

Vir Norine et Evisa se rendirent dans une grande maison sur la colline, non loin de l’hôpital Central. C’est dans cette maison que se trouvait le Commandant. Des centaines de personnes allaient et venaient dans des couloirs sombres et hauts, sur lesquels donnaient des portes massives. Les petites cartes toutes-puissantes firent leur effet. On conduisit les deux Terriens chez le Commandant et même chez les secrétaires, que les simples « Cvic » et « Cvil » de la capitale ne réussissaient à joindre qu’après quelques mois d’attente.

La vaste pièce meublée d’une table immense soulignait le rang du dignitaire gros et soigné qui, l’air très important, trônait dans un profond fauteuil. Il se leva avec un visible effort, s’inclina et retomba dans son fauteuil, montrant en silence à Evisa et à Vir des sièges en face de la table.

Vir exposa sa demande en quelques mots. Un long silence s’ensuivit. Le dignitaire feuilleta des papiers posés devant lui, leva la tête et les Terriens virent dans son regard cette même arrogance stupide qui était l’apanage de tous les « porte-serpent ».

— C’est un cas spécial. Aucun engin automatique n’a jamais survolé la ville. Je ne peux donner l’autorisation.

— Mais des vols brefs de ce genre se pratiquent sur la Terre depuis des millénaires. C’est absolument sans danger, affirma Vir Norine.

— Et si quelque chose se détraquait tout à coup ? Si le disque tombait soudain sur un lieu habité par des personnalités ?

— Comprenez que c’est impossible !

— De toute façon, il n’y a aucun arrêté à ce sujet. Il faut demander l’autorisation au Conseil des Quatre !

— Alors, demandez-la ! Il s’agit de la vie d’un être humain !

Le « porte-serpent » eut l’air indigné et effrayé, comme si le souverain tout-puissant avait été offensé en sa présence.

— Même si j’osais utiliser la liaison directe pour faire mon rapport, il est de toute façon impossible de recevoir l’autorisation immédiatement. Et je ne suis pas sûr que la réponse soit affirmative.

Evisa bondit sur ses pieds. Ses yeux étincelèrent. Vir Norine se leva également. Ils se regardèrent et se mirent brusquement à rire.

— Est-ce vrai que les commandants haut-gradés sont aptes à prendre des décisions importantes ? demanda doucement Evisa.

— Parfaitement !

— Aucune loi n’autorise l’atterrissage d’un engin automatique. Mais aucune loi ne l’interdit non plus ?

Le « porte-serpent » montra quelque désarroi, mais se reprit rapidement.

— Cela n’a pas été prévu par la loi, donc, ce n’est pas autorisé.

— Vous avez été précisément nommé pour prendre des décisions dans des situations imprévues, sinon pourquoi seriez-vous ici ?

— Je suis ici pour veiller aux intérêts du gouvernement, dit le « porte-serpent » avec arrogance.

Vir Norine posa sa main sur l’épaule d’Evisa.

— Ne perdons pas de temps. Il n’est rien de plus qu’un robot programmé. Une simple bande sonore pourrait le remplacer.

Le dignitaire se leva d’un air menaçant. L’astronavigateur tendit vers lui sa main, la paume tournée.

— À votre place ! Dormez ! Oubliez !

Le « porte-serpent » retomba sur son fauteuil, les yeux fermés, la tête penchée sur le côté. Evisa et Vir Norine sortirent du bureau, dirent aux secrétaires que le dignitaire était en conversation avec le Conseil des Quatre. La terreur sacrée qui se lut sur leurs visages montra que le Commandant de la ville dormait vraiment bien.

— Le discoïde sans pilote atterrira quand même, décida Vir Norine. Tael trouvera un emplacement. L’automate prendra toute la cargaison possible, car Tael a également demandé du matériel. Vite au SVP ! Rodis s’est mise d’accord avec Rift et Tael se trouve déjà avec elle.

Tael et ses amis installèrent une balise de rappel dans un jardin désséché, à environ 1 km de l’hôpital Central. Le disque robot couvrit en 17 minutes la distance entre l’astronef et la ville du Centre de la Sagesse. Evisa et Vir Norine prirent ce dont ils avaient besoin et coururent à l’hôpital, tandis que le groupe de Tael s’occupait de décharger le matériel qui leur était destiné. Grif Rift promit d’envoyer un autre disque dans la nuit et donna des instructions à l’automate. Les Tormansiens pouvaient soit cacher le robot dans un lieu sûr, soit le noyer dans l’océan.