Выбрать главу

– La Castille.

– “… et de La Castille, il contacta l'adjudant-chef Brévant et lança aux trousses de l'homme au loup Soliman Diawara, fils adoptif de Suzanne Rosselin, et Philibert Fougeray, dit le Veilleux, berger à Saint-Victor. Sa compagne Camille Forestier les accompagnant. Il égorgea successivement Jacques-Jean Sernot à Sautrey, Isère, dans la nuit du 24 au 25 juin, et Fernand Deguy à Bourg-en-Bresse, Ain, dans la nuit du 27 au 28 juin. Il aiguilla l'enquête vers un hôtel de Combes où il déposa deux ongles et un cheveu prélevés sur le corps de Massart. Il égorgea à la suite Paul Hellouin à Belcourt, Haute-Marne, dans la nuit du 2 au 3 juillet, ponctuant sa route de massacres d'ovins perpétrés à… – vous me donnerez la liste, mon vieux, je m'y perds, franchement je m'y perds -, destinés à accréditer la culpabilité de l’homme-loup. Il perpétra ses meurtres suivant un modus operandi toujours similaire, se déplaçant en moto pour tuer, protégé par l'alibi de sa présence dans le Mercanlour, où, en vertu de l'étendue du territoire désert, cette dite présence était invérifiable. Il y fit néanmoins trois brèves incursions par sécurité -je cite l'inculpé – et y préleva au cours de sa dernière visite les poils de loup qui furent retrouvés sur Paul Hellouin. Dans la soirée du dimanche 5 au lundi 6 juillet, à Châteaurouge, Haute-Marne, menacé par l'enquête menée par le commissaire Adamsberg sur le dossier Padwell, il l'attaqua au lieu-dit le Camp du Tonrlu, agression contrecarrée par l'intervention de Soliman Diawara. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg reconnaît avoir sciemment lancé un projectile en direction de Stuart D. Padwell, le visant à la tête, et provoquant une blessure constatée sans gravité, selon examen réalisé par le Dr Vian à l'hôpital de Montdidier, le lundi 6 juillet à 1 h 50 du matin. Arrestation de l'inculpé par l'adjudant-chef Lionel Fromentin, opérée ce même lundi 6 juillet à 1 h 10 du matin.” Hermel coupa l'enregistrement.

– J'ai oublié quelque chose?

– Crassus le Pelé et Augustus.

– C'est qui ces types?

– Deux loups. Laurence a dû faire disparaître le premier dès son arrivée. A moins que Crassus n'ait disparu tout seul, c'est possible. C'était le plus grand d'une meute. Augustus était un vieillard qu'il avait pris sous son aile. Pendant son équipée, il n'a pas pu le nourrir et le vieux en est mort. Laurence en a conçu beaucoup de tristesse.

– Il assassine cinq personnes et il a de la peine pour un loup?

– C'était son loup.

XXXV

Adamsberg regagna le camion à plus d'une heure du matin. Assise en tailleur sur son lit, Camille consultait le Catalogue de l'Outillage Professionnel avec une lampe de poche. Adamsberg s'assit à côté d'elle, examina la page des perceuses-ponceuses.

– Qu'est-ce que tu peux bien chercher là-dedans? dit-il.

– Du réconfort.

– À ce point?

– Tout est aléa, confusion et précarité, sauf le Catalogue.

– Tu es certaine de ça?

Camille haussa les épaules, sourit brièvement.

– On transfère Laurence à Paris demain, dit Adamsberg. Je rentre avec lui.

– Comment est-il?

– Comme les autres jours. Paisible, il trouve que les gendarmes puent la sueur.

– Et c'est vrai?

– Bien sûr que c'est vrai.

– Je lui écrirai quelque chose. Quand je serai dans la montagne.

– Tu retournes à Saint-Victor?

– Je les raccompagne aux Écarts. Je rentre aussi.

– Oui.

– C'est moi qui conduis.

– Oui, bien sûr.

– Ils ne savent pas conduire.

– Oui. Fais bien attention à cette route.

– Oui.

– Sois prudente.

– Je serai prudente.

Adamsberg passa son bras valide autour des épaules de Camille et la regarda en silenee, dans la lueur de la lampe de poche.

– Est-ce que tu reviendras? demanda-t-il.

– Je resterai là-bas quelques jours.

– Et puis tu partiras?

– Oui. Ils vont me manquer.

– Est-ce que tu reviendras?

– Où?

– Eh bien, je ne sais pas. À Paris?

– Je ne sais pas.

– Oh merde, Camille, ne parle pas comme moi. Rien n'avance, si tu parles comme moi.

– Tant mieux, dit Camille, ça m'arrange. Ça me plaît comme c'est maintenant.

– Mais après-demain, ce sera autrement. Après-demain, il n'y aura plus de bord de route, plus de camion, plus d'éphémère, plus de provisoire. Plus de bords de fleuves, non plus.

– J'en referai.

– Des bords de fleuves?

– Oui.

– Avec quoi?

– Avec le Catalogue. Le Catalogue peut tout.

– Si tu le dis. Qu'en feras-tu, des bords de fleuves?

– Je passerai voir si tu es là.

– J'y serai.

– Peut-être, dit Camille.

Le lendemain matin, Camille se glissa derrière le volant, mit le moteur en marche et recula la bétaillère pour amorcer son demi-tour dans un fracas de tôles. Alignés debout côte à côte, silencieux, le Veilleux, qui se tenait à nouveau droit, s'aidant de son bâton, Soliman et Adamsberg regardaient gravement le camion opérer sa manœuvre. Camille traversa la départementale, recula à nouveau, s'aligna sur le côté droit de la route, l'avant dirigé vers l'est, et coupa le moteur.

Adamsberg traversa lentement la route, grimpa les deux marches de la cabine, embrassa Camille, posa sa main sur ses cheveux, et revint sur le pré où l'attendaient les deux hommes. Il serra la main du Veilleux.

– Veille sur toi, mon gars, dit le Veilleux. Je suis plus derrière toi.

– Tout le monde n'a pas besoin de t'avoir dans les pattes, dit Soliman.

Soliman jeta un regard à Camille, puis serra la main d'Adamsberg.