[220] Don Juan d’Autriche fit élever ce fort, capable de contenir huit mille soldats, hors des murs de la ville, et près de l’île de l’Estagno, dont il dominait le canal. Il en donna le commandement à Gabrio Cervellon, célèbre ingénieur, qui l’avait construit. Ce fort fut élevé contre les ordres formels de Philippe II, qui avait ordonné la démolition de Tunis. Mais don Juan d’Autriche, abusé par les flatteries de ses secrétaires, Juan de Soto et Juan de Escovedo, eut l’idée de se faire couronner roi de Tunis, et s’obstina à conserver cette ville. Ce fut sans doute une des causes de la mort d’Escovedo, qu’Antonio Perez, le ministre de Philippe II, fit périr par ordre supérieur, comme il le confessa depuis dans la torture, et sans doute aussi de la disgrâce d’Antonio Perez, que ses ennemis accablèrent à la fin. (Torrès de Aguilera, f. 107; don Lorenzo Van-der-Hemmen, dans son livre intitulé Don Felipe el Prudente, f. 98 et 152.)
[221] Cette petite île de l’Estagno formait, d’après Ferreras, l’ancien port de Carthage. L’ingénieur Cervellon y trouva une tour antique, dont il fit une forteresse, en y ajoutant des courtines et des boulevards. (Aguilera, f. 122.)
[222] Gabrio Cervellon fut général de l’artillerie et de la flotte de Philippe II, grand prince de Hongrie, etc. Lorsqu’il fut pris à la Goulette, Sinan-Pacha le traita ignominieusement, lui donna un soufflet, et, malgré ses cheveux blancs, le fit marcher à pied devant son cheval jusqu’au rivage de la mer. Cervellon recouvra la liberté dans l’échange qui eut lieu entre les prisonniers chrétiens de la Goulette et de Tunis et les prisonniers musulmans de Lépante. Il mourut à Milan, en 1580.
[223] C’est le nom qu’on donnait alors aux Albanais.
[224] Le petit moine. – Le véritable nom de cet ingénieur, qui servit Charles-Quint et Philippe II, était Giacomo Paleazzo. Outre les constructions militaires dont parle ici Cervantès, il répara, en 1573, les murailles de Gibraltar, et éleva des ouvrages de défense au pont de Zuaro, en avant de Cadix. Ce fut son frère, Giorgio Paleazzo, qui traça le plan des fortifications de Mayorque, en 1583, et dirigea les travaux de la citadelle de Pampelune, en 1592.
[225] Le P. Haedo donne la même étymologie à son nom.
[226] Dans sa Topografia de Argel (chap. XXI), le P. Haedo lui donne le titre de Capitan des corsaires. «C’est, dit-il, une charge que confère le Grand Turc. Il y a un capitan des corsaires à Alger, un autre à Tripoli, et un troisième à Tunis.» Cet Uchali Fartax était natif de Licastelli, en Calabre. Devenu musulman, il se trouva, en 1560, à la déroute de Gelvès, où plus de 10 000 Espagnols restèrent prisonniers. Plus tard, étant roi ou dey d’Alger, il porta secours aux Morisques de Grenade, révoltés contre Philippe II. Nommé général de la flotte turque, en 1571, après la bataille de Lépante, il se trouva l’année suivante à Navarin, et mourut empoisonné en 1580.
[227] Les Espagnols le nomment Azanaga.
[228] Bagne (balio) signifie, d’après la racine arabe dont les Espagnols ont fait albañil (maçon), un édifice en plâtre. – La vie que menaient les captifs dans ces bagnes n’était pas aussi pénible qu’on le croit communément. Ils avaient des oratoires où leurs prêtres disaient la messe; on y célébrait les offices divins avec pompe et en musique; on y baptisait les enfants, et tous les sacrements y étaient administrés; on y prêchait, on y faisait des processions, on y instituait des confréries, on y représentait des autos sacramentales, la nuit de Noël et les jours de la Passion; enfin, comme le remarque Clémencin, les prisonniers musulmans n’avaient certes pas autant de liberté en Espagne, ni dans le reste de la chrétienté. (Gomez de Losada, Escuela de trabajos y cautiverio de Argel, lib. II, cap. XLVI y sig.)
[229] Ce maître du captif était Vénitien, et s’appelait Andreta. Il fut pris étant clerc du greffier d’un navire de Raguse. S’étant fait Turc, il prit le nom d’Hassan-Aga, devint élamir, ou trésorier d’Uchali, lui succéda dans le gouvernement d’Alger, puis dans l’emploi de général de la mer, et mourut, comme lui, empoisonné par un rival qui le remplaça. (Haedo, Historia de Argel, fol. 89.)
[230] Ce tel de Saavedra est Cervantès lui-même. Voici comment le P. Haedo s’exprime sur son compte: «Des choses qui se passèrent dans ce souterrain pendant l’espace de sept mois que ces chrétiens y demeurèrent, ainsi que de la captivité et des exploits de Miguel de Cervantès, on pourrait écrire une histoire particulière.» (Topografia, fol. 184.) Quant au captif qui raconte ici sa propre histoire, c’est le capitaine Ruy Perez de Viedma, esclave, comme Cervantès, d’Hassan-Aga, et l’un de ses compagnons de captivité.
[231] Zalemas.
[232] Le P. Haedo, dans sa Topografia et dans son Epitome de los reyes de Argel, cite souvent cet Agi-Morato, renégat slave, comme un des plus riches habitants d’Alger.
[233] Il se nommait Morato Raez Maltrapillo. Ce fut ce renégat, ami de Cervantès, qui le sauva du châtiment et peut-être de la mort, quand il tenta de s’enfuir, en 1579. Haedo cite à plusieurs reprises ce Maltrapillo.
[234] Cette esclave s’appelait Juana de Renteria. Cervantès parle d’elle dans sa comédie los Baños de Argel, dont le sujet est aussi l’histoire de Zoraïde. Le captif don Lope demande au renégat Hassem: «Y a-t-il par hasard, dans cette maison, quelque renégate ou esclave chrétienne?» Hassem. «Il y en avait une, les années passées, qui s’appelait Juana, et dont le nom de famille était, à ce que je crois bien, de Renteria.» Lope. «Qu’est-elle devenue?» Hassem. «Elle est morte. C’est elle qui a élevé cette Moresque dont je vous parlais. C’était une rare matrone, archive de foi chrétienne, etc.» (Jornada I.)
[235] Prière, oraison.
[236] Cervantès dit, dans sa comédie de los Baños de Argel (jornada III), que cette fille unique d’Agi-Morato épousa Muley-Maluch, qui fut fait roi de Fez en 1576. C’est ce que confirment le P. Haedo, dans son Epitome, et Antonio de Herrera, dans son Historia de Portugal.