[101] A esto vos respondemos, ancienne formule des réponses que faisaient les rois de Castille aux pétitions des cortès. Cela explique la fin de la phrase, qui est aussi en style de formule.
[102] Senza che tromba ô segno altro accenasse,
dit Arioste, en décrivant le combat de Gradasse et de Renaud pour l’épée Durindane et le cheval Bayard (Canto XXXIII, str. LXXIX.)
[103] C’est de là sans doute que Boileau prit occasion de son épigramme:
Tel fut ce roi des bons chevaux,
Rossinante, la fleur des coursiers d’Ibérie,
Qui, trottant jour et nuit et par monts et par vaux,
Galopa, dit l’histoire, une fois en sa vie.
[104] Dans cette aventure si bien calquée sur toutes celles de la chevalerie errante, Cervantes use des richesses et des libertés de sa langue, qui, tout en fournissant beaucoup de mots pour une même chose, permet encore d’en inventer. Pour dire l’écuyer au grand nez, il a narigudo, narigante, narizado; et quand le nez est tombé, il l’appelle desnarigado. À tous ces termes comiques, nous ne saurions opposer aucune expression analogue.
[105] Le mot algebrista vient de algebrar, qui, d’après Covarrubias, signifiait, dans le vieux langage, l’art de remettre les os rompus. On voit encore, sur les enseignes de quelques barbiers-chirurgiens, algebrista y sangrador.
[106] Le gaban était un manteau court, fermé, avec des manches et un capuchon, qu’on portait surtout en voyage.
[107] Il faudrait supposer à Cervantes, pauvre et oublié, je ne dirai pas bien de la charité chrétienne, mais bien de la simplicité ou de la bassesse, pour que cette phrase ne fût pas sous sa plume une sanglante ironie. On a vu à la note 4 du chapitre XXXVII, de la première partie, quel sens a le mot lettres en espagnol.
[108] Cervantes avait déjà dit, dans sa nouvelle la Gitanilla de Madrid: «La poésie est une belle fille, chaste, honnête, discrète, spirituelle, retenue… Elle est amie de la solitude; les fontaines l’amusent, les prés la consolent, les arbres la désennuient, les fleurs la réjouissent, et finalement elle charme et enseigne tous ceux qui l’approchent.»
[109] Lope de Vega a répété littéralement la même expression dans le troisième acte de sa Dorotea. Il a dit également dans la préface de sa comédie El verdadero amante, adressée à son fils: «J’ai vu bien des gens qui, ne sachant pas leur langue, s’enorgueillissent de savoir le latin, et méprisent tout ce qui est langue vulgaire, sans se rappeler que les Grecs n’écrivirent point en latin, ni les latins en grec… Le véritable poëte, duquel on a dit qu’il y en a un par siècle, écrit dans sa langue, et y est excellent, comme Pétrarque en Italie, Ronsard en France, et Garcilaso en Espagne.»
[110] Nascuntur pœtae, fiunt oratores, a dit Quintilien.
[111] Ovide, Art d’aimer, liv. III, v. 547; et Fastes, liv. VI, v. 6.
[112] Allusion à l’exil d’Ovide, qui fut envoyé, non dans les îles, mais sur la côte occidentale du Pont. Ce ne fut pas non plus pour une parole maligne, mais pour un regard indiscret, qu’il fut exilé:
Inscia quod crimen viderunt lumina, plector;
Peccatumque oculos est habuisse meum.
[113] Les anciens croyaient, et Pline avec eux, que le laurier préservait de la foudre. Suétone dit de Tibère: Et turbatiore cœlo nunquam non coronam lauream capite gestavit, quod fulmine adflari negetur id genus frondis. (Cap. LXIX.)
[114] On appelait épées du petit chien (espadas del Perillo), à cause de la marque qu’elles portaient, les épées de la fabrique de Julian del Rey, célèbre armurier de Tolède et Morisque de naissance. Les lames en étaient courtes et larges. Depuis la conquête de Tolède par les Espagnols sur les Arabes (1085), cette ville fut pendant plusieurs siècles la meilleure fabrique d’armes blanches de toute la chrétienté. C’est là que vécurent, outre Julian del Rey, Antonio Cuellar, Sahagun et ses trois fils, et une foule d’autres armuriers dont les noms étaient restés populaires. En 1617, Cristobal de Figuéroa, dans son livre intitulé: Plaza universal de ciencias y artes, comptait par leurs noms jusqu’à dix-huit fourbisseurs célèbres établis dans la même ville, et l’on y conserve encore, dans les archives de la municipalité, les marques ou empreintes (cuños) de quatre-vingt-dix-neuf fabricants d’armes. Il n’y en a plus un seul maintenant, et l’on a même perdu la trempe dont les Mozarabes avaient donné le secret aux Espagnols. (Voir mon Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, vol. II, chap. II.)
[115] Ainsi Amadis de Gaule, que don Quichotte prenait pour modèle, après s’être également appelé le chevalier des Lions, s’appela successivement le chevalier Rouge, le chevalier de l’Île-Ferme, le chevalier de la Verte-Épée, le chevalier du Nain et le chevalier Grec.
[116] Les histoires chevaleresques sont remplies de combats de chevaliers contre des lions. Palmérin d’Olive les tuait comme s’ils eussent été des agneaux, et son fils Primaléon n’en faisait pas plus de cas. Palmérin d’Angleterre combattit seul contre deux tigres et deux lions; et quand le roi Périon, père d’Amadis de Gaule, veut combattre un lion qui lui avait pris un cerf à la chasse, il descend de son cheval, qui, épouvanté, ne voulait pas aller en avant. Mais don Quichotte avait pu trouver ailleurs que dans ces livres un exemple de sa folle action. On raconte que, pendant la dernière guerre de Grenade, les rois catholiques ayant reçu d’un émir africain un présent de plusieurs lions, des dames de la cour regardaient du haut du balcon ces animaux dans leur enceinte. L’une d’elles, que servait le célèbre don Manuel Ponce, laissa tomber son gant, exprès ou par mégarde. Aussitôt don Manuel s’élança dans l’enceinte l’épée à la main, et releva le gant de sa maîtresse. C’est à cette occasion que la reine Isabelle l’appela don Manuel Ponce de Léon, nom que ses descendants ont conservé depuis, et c’est pour cela que Cervantes appelle don Quichotte nouveau Ponce de Léon. Cette histoire est racontée par plusieurs chroniqueurs, entre autres par Perez de Hita dans un de ses romances. (Guerras civiles de Grenada, cap. XVII.)
¡ O el bravo don Manuel,
Ponce de Leon llamado,
Aquel que sacará el guante,