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Personne ne répondit, Bonarmo tira son épée et déclara qu’il allait l’agiter tout autour de lui jusqu’à ce qu’il rencontrât la personne qui se cachait. Mais si elle venait à eux, ajouta-t-il, il ne lui serait fait aucun mal. Même silence. Ils continuèrent d’écouter, et crurent entendre quelqu’un passer près d’eux. Le passage, en effet, n’était pas assez étroit pour qu’ils pussent le bloquer tout entier. Vivaldi s’avança vers le bruit, mais il ne vit personne sortir de la voûte du côté de Naples, où la clarté plus forte l’aurait fait aisément découvrir.

– Assurément, dit Bonarmo, quelqu’un vient de passer à côté de moi, et je crois avoir entendu des pas dans l’escalier qui conduit au fort.

– Eh bien, suivons-le, dit Vivaldi.

Et il se mit à gravir les degrés.

– Arrêtez! s’écria Bonarmo. Arrêtez pour l’amour du ciel! prenez garde à ce que vous allez faire! Vous aventurer dans ces ruines, par ces ténèbres! poursuivre un bandit peut-être jusque dans son repaire! prenez garde!

Mais Vivaldi, montant toujours:

– C’est le moine, s’écria-t-il, c’est le moine lui-même! Il ne m’échappera pas.

Bonarmo s’arrêta un moment au pied de l’escalier. Puis, honteux d’abandonner son ami, il se détermina à braver le même danger et gravit aussi, non sans efforts, les marches usées, taillées dans le roc. Quand il eut atteint le sommet, il se trouva sur une terrasse ou plate-forme qui formait le dessus de la voûte, et qui commandait des deux côtés la route aboutissant au défilé: quelques débris de murailles et de créneaux indiquaient cette ancienne position fortifiée. Bonarmo chercha des yeux son ami, et ne le vit pas. Il l’appela: seul l’écho des rochers lui répondit. Il entra dans l’enceinte du principal édifice; c’était un espace couvert de ruines, entre des murs qui suivaient les pentes de la montagne. Au sommet était une tour ronde, très élevée et très forte. Arrivé là, Bonarmo n’osa poursuivre plus avant; il se contenta d’appeler Vivaldi à grands cris et regagna la plate-forme. Il crut alors distinguer les sons étouffés d’une voix humaine et, tandis qu’il prêtait une oreille inquiète, il vit sortir des ruines un homme, l’épée à la main. C’était Vivaldi. Bonarmo courut à lui. Le jeune homme était pâle, tout agité, et respirait avec peine. Quelques moments s’écoulèrent avant qu’il pût parler ou entendre les questions empressées que son ami lui adressait coup sur coup.

– Quittons ce lieu, dit-il.

– Très volontiers, répondit Bonarmo. Mais d’où sortez-vous, et qu’avez-vous donc vu pour être si troublé?

– Ne me posez pas de questions; sortons d’ici.

Ils descendirent du rocher, et lorsqu’ils se retrouvèrent sous la voûte, Bonarmo demanda s’ils allaient se remettre en sentinelle.

– Non, dit Vivaldi d’un ton bref qui étonna son ami.

Et ils reprirent le chemin de Naples; l’un redevenu silencieux; l’autre renouvelant ses questions, et aussi étonné de la réserve de son compagnon que curieux de savoir ce qui lui était arrivé.

– C’était donc le moine? demanda Bonarmo. L’avez-vous surpris, saisi? Parlez, de grâce.

– Je ne sais qu’en penser, répondit enfin Vivaldi, je suis dans une perplexité plus grande que jamais.

– Il vous a donc échappé?

– Chut! nous parlerons de ceci plus tard; mais quoi qu’il en soit, ami, cette affaire ne peut en rester là. Je retournerai demain au même endroit, avec une torche. Aurez-vous le courage de m’accompagner?

– Ce n’est pas, je l’espère, de mon courage que vous doutez, repartit Bonarmo. Mais, avant tout, je veux savoir quel est votre dessein. Avez-vous reconnu cet homme?… Vous reste-t-il encore quelques doutes?

– Oui, j’ai des doutes que la nuit prochaine éclaircira; du moins je l’espère.

– Tout cela est étrange, dit Bonarmo. Il y a quelques instants à peine, j’ai été témoin de l’horreur que vous avez éprouvée en quittant la forteresse de Paluzzi, et déjà vous parlez d’y retourner?… Et vous choisissez la nuit pour cette aventure, quand la clarté du jour vous offrirait moins de dangers!

– Les dangers ne m’effraient pas, répondit Vivaldi; mais songez que le jour ne pénètre jamais dans le lieu que je viens de visiter. À quelque heure que l’on s’y hasarde, il faut être muni de torches.

Mais alors, observa Bonarmo, comment avez-vous fait pour trouver votre chemin dans une obscurité si complète?

– Je me suis engagé dans ces détours sans savoir où j’allais; il semblait que j’étais guidé par une main invisible.

– N’importe, reprit Bonarmo, il vaut mieux y pénétrer durant le jour, bien qu’il soit besoin d’un flambeau pour y pénétrer. Car ce serait une témérité impardonnable que de retourner dans un lieu probablement infesté de brigands, à l’heure même qui leur est le plus favorable.

– Non, répliqua Vivaldi, je veux guetter encore ce qui se passera sous la voûte, avant de recommencer mes recherches, et cela ne peut se faire que la nuit. D’ailleurs, il est bon de revenir là à l’heure où je puis espérer d’y rencontrer le moine.

– Il vous a donc échappé?… Et vous ne savez donc pas encore qui il est?

Vivaldi ne répondit qu’en demandant à son ami s’il était déterminé à le suivre. Dans le cas contraire, il chercherait un autre compagnon. Bonarmo voulut prendre le temps d’y réfléchir, et promit de prévenir le comte de sa résolution. Ils arrivaient à la grille du palais Vivaldi; ils se séparèrent.

II

Vivaldi, n’ayant pas réussi à éclaircir le mystère des menaces du moine, résolut de se délivrer des tourments de l’incertitude, en déclarant ses sentiments à Elena. S’il avait un rival, elle serait sans doute assez franche pour le lui dire. Il se rendit de bonne heure à la villa Altieri. Ce fut avec peine qu’il obtint de Béatrice, la vieille servante, la faveur de l’annoncer à la signora Bianchi. Celle-ci, peu disposée d’abord à le recevoir, consentit enfin à une courte entrevue.

Il fut introduit, en attendant la vieille dame, dans la même chambre où il avait un soir aperçu Elena, à travers ses jalousies ouvertes.

Agité d’une vive impatience ou d’un enthousiasme plein de charme, il promenait tour à tour ses regards sur le prie-Dieu, d’où il avait vu Elena se lever, et sur tous les objets dont elle s’était entourée; il semblait qu’ils eussent emprunté quelque chose de la douce influence qui rayonnait autour d’elle. Les mains de Vivaldi tremblaient en touchant le luth qu’elle avait tenu; il croyait encore entendre la douce voix de la jeune fille. Il remarqua aussi un dessin ébauché, une nymphe dansant, copiée des peintures d’Herculanum, modèle de grâce et de légèreté, et reconnut cette figure pour appartenir à une collection de dessins du même genre qui ornaient le cabinet de son père, et que le marquis avait seul le droit de faire copier, en vertu d’un privilège spécial du roi de Naples.

L’imagination de Vivaldi aidait ainsi à ses illusions, et peu à peu son trouble s’était tellement accru qu’il fut tenté de quitter la maison.

Enfin, la signora parut. Elle le reçut avec un air de réserve très marqué qui redoubla son embarras; et quelques moments se passèrent avant qu’il pût exposer l’objet de sa visite. Elle écouta froidement et d’un visage sévère ses protestations de tendresse; et, lorsqu’il la pressa d’intercéder pour lui auprès de sa nièce, elle lui répondit avec dignité: