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– Alors à la question: «Qu'est-ce qui nous motive?» en récapitulant nous obtenons:

1 la cessation de la douleur

2 la cessation de la peur

3 la satisfaction des besoins primaires de survie

5 la satisfaction des besoins secondaires de confort

6 le devoir

7 la colère

8 la sexualité

8 les stupéfiants

9 la passion personnelle

10 la religion

11 l'aventure

12 la promesse de l'Ultime Secret.

–Excusez-moi de vous interrompre, mais vous oubliez l'expérience de l'Ultime Secret elle-même, qui a l'air au-dessus des autres.

– Oui, donc: 13 l 'expérience de l'Ultime secret.

Lucrèce désigne du menton le bocal contenant le cerveau de Fincher qui trône sur une colonne.

– Toute cette enquête n'aura donc servi qu'à comprendre cela…

Le journaliste dévore un bonbon.

– C'est déjà pas mal. Et puis nous sommes éclairés sur ce que nous sommes vraiment.

– Je vous écoute.

– Ce qui définit l'homme c'est ce petit quelque chose presque innommable que les machines, même les plus complexes, ne parviendront pas à imiter. Fincher appelait cela la motivation, moi, je crois que c'est entre l'humour, le rêve et la folie.

Isidore s'approche de Lucrèce et lui masse les épaules. Elle se dégage avec un mouvement de surprise.

– Qu'est-ce qui vous prend, Isidore?

– Vous n'aimez pas?

– Si, mais…

– Alors laissez-vous faire.

Il masse un peu plus doucement. Lucrèce consulte sa montre.

– Zut. On va être en retard. Allons, préparez-vous vite, il faut y aller.

147.

Musique de Mendelssohn. Tout le monde s'immobilise pour lancer le riz sur les mariés qui sortent de la mairie.

Lucrèce et Isidore affichent un air attendri.

Ils se regardent, complices. Ils sont si contents de ne pas avoir raté l'avion. Ils n'ont eu que le temps de bondir à Orly-Ouest et de saisir la navette qui part toutes les heures pour la Côte d'Azur. Juste à temps pour la cérémonie.

Leurs mains plongent, se frôlent et… lancent des poignées de riz sur les mariés.

– Elle est belle, hein? dit Micha, ému.

– Elle est sublime, approuve Isidore.

Natacha Andersen tient Jérôme Bergerac par le bras et avance avec lenteur dans sa robe blanche de mariée spécialement conçue pour dévoiler ses jambes sur le devant, tandis qu'à l'arrière des enfants portent la longue traîne. Le marié lisse sa moustache en signe d'extrême contentement.

– C'est leur troisième mariage chacun, dit Micha. C'est souvent le bon.

La mère de Natacha, un pansement sur l'épaule, applaudit avec ferveur quand le couple passe.

Quelques minutes plus tard, les limousines se mettent en branle pour conduire la foule vers le CIEL où la fête doit se poursuivre dans la grande salle nouvellement baptisée salle Samuel Fincher.

Lucrèce et Isidore s'installent à une petite table dégagée. Lucrèce avale d'un trait son Orangina light servi dans une flûte à Champagne. Pour ce mariage, elle a choisi de revêtir une de ses vestes chinoises en soie à col Mao et épaules dénudées qu'elle prise tant.

Celle-ci est blanche et bleue avec un motif représentant un papillon. Le devant est fermé par une infinité de petits boutons dorés. Elle a étiré ses grands yeux vert émeraude en les soulignant d'un trait noir de khôl en aile de corbeau et a mis un peu de rimmel sur ses cils. Pour ses lèvres, elle s'est contentée d'un brillant transparent. En guise de pendentif, elle arbore un collier de perles de jade.

– Je ne sais pas ce que vous lui trouvez tous, à cette Natacha. Moi elle me paraît plutôt fade. Et puis ses jambes sont trop maigres. Si vous voulez mon avis, elle est un peu ano rexique. Je ne comprends pas cette mode.

La jalousie de sa partenaire divertit le journaliste.

Une rivalité ancienne entre les petites rousses aux yeux verts et les grandes blondes aux yeux bleus.

Les musiciens de l'orchestre démarrent Hôtel California des Eagles.

– C'est vous la plus belle, Lucrèce. Venez. Il y a un slow, c'est la seule danse que je connaisse.

Les deux journalistes se laissent porter par la musique suave. La veste de soie blanche et bleue se colle contre le smoking de location d'Isidore.

– Ça y est, dit-il, je me souviens des sept péchés capitaux. Gourmandise. Luxure. Colère. Paresse. Avarice. Orgueil. Jalousie.

– Eh bien, la mémoire revient, remarque-t-elle avec légèreté, occupée qu'elle est à fixer le couple des mariés.

– Qu'avez-vous contre ce mariage? demande Isidore.

– Je trouve qu'ils ne sont pas assortis.

Autour d'eux, les couples se serrent et se contorsionnent lentement sur la musique.

– Dites-moi, comment avez-vous résolu l'énigme du Cyclope?

– J'étais motivé.

– Par la perspective de toucher à l'Ultime Secret?

– Non, de vous sauver.

– Me sauver!

– Vous êtes la reine des casse-pieds, vous croyez toujours avoir raison, mais je tiens beaucoup à vous, Lucrèce.

Délicatement, il se penche et embrasse la jeune femme sur la pointe de l'épaule que dévoile sa veste chinoise.

– Heu… vous.

Pour la faire taire il l’embrasse à nouveau, sur la bouche cette fois.

–Vous faites quoi, là?

Isidore passe, ses mains fraîches sous la soie et effleure le dos de Lucrèce. Après un premier mouvement de recul, elle se laisse faire, comme étonnée de son audace. La main d'Isidore descend vers ses hanches…

– Il existe une motivation plus forte que l'accession à l'Ultime Secret…

Une deuxième main rejoint la première. Lucrèce est surprise par la sensation extrêmement agréable du contact.

– L'affection que je vous porte, puisque j'ai préféré vous sauver plutôt qu'avoir accès à l'Ultime Secret.

Il l'embrasse plus longuement. Leurs lèvres se tamponnent délicatement. La bouche de la jeune femme s'entrouvre à peine pour prendre connaissance des intentions de son partenaire. Elles sont claires. Il passe la barrière de ses lèvres et de ses dents. Sa langue s'aventure à la rencontre de celle de Lucrèce, provoquant un contact électrisant. Les papilles du fond, un peu plus volumineuses, donnent l'impression d'une râpe molle. Ils découvrent le goût de leurs bouches sur toute la surface de leurs cinq cent mille bourgeons gustatifs récepteurs.

Ilest sucré.

Elle est salée.

Dans le corps d'Isidore, des hormones sexuelles mâles se déversent comme d'un barrage fendillé, laissant jaillir des jets de testostérone et d'androstérone.

Chez Lucrèce, filent plus furtivement ses propres hormones sexuelles féminines, l'œstradiol et la progestérone.

Ils s'embrassent toujours. Au premier cocktail hormonal, s'ajoute une hormone plus rare, la lulibérine, aussi baptisée hormone du «coup de foudre». Leurs sueurs changent imperceptiblement d'arômes. Le parfum Eau d'Issey Miyaké s'évapore pour laisser place à une senteur plus ambrée. Isidore émet des phéromones aux relents de musc. Maintenant ils sont connectés olfactivement.

Il la serre à peine un peu plus, comme s'il craignait de briser une porcelaine trop délicate. Elle se laisse faire, fragile pour la première fois.

– J'ai pris une décision, dit-il. Je vais essayer de passer une journée sans regarder les actualités à la télévision, sans écouter la radio, ni lire les journaux. Une journée où le monde tournera sans que je m'en préoccupe. Les gens pourront se tuer, les injustices se tramer, la barbarie s'étendre pendant vingt-quatre heures, je m'en désintéresserai.

– C'est courageux. Après, il faudra passer à quarante-huit heures. Moi aussi j'ai pris une décision: je vais recommencer à fumer mais sans culpabilité… jusqu'à demain, et après je m'arrête définitivement.