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— Aldo ! murmura-t-elle. Me pardonnerez-vous jamais ?

— Que je vous pardonne ? Mais quoi ?

— Si je ne m’étais pas mise en tête de vous rejoindre dans l’Orient-Express… vous n’en seriez pas là !

— Si vous croyez que je regrette ce qui s’est passé, ôtez-vous cela de l’esprit, Pauline ! Simplement nous n’avons pas eu de chance ! Comment auriez-vous pu imaginer, même une minute, que nous aurions sur le dos une véritable bande organisée ? Mais puisque vous avez dû arriver avant moi dans ce repaire de truands, je suppose que vous avez reconnu notre hôte…

Elle tourna enfin la tête vers l’homme.

— Cette mauvaise copie de César Borgia ? C’est la première fois que je le vois ! fit-elle, dédaigneuse. Depuis que je suis ici, je n’ai vu que des hommes encagoulés… et une servante muette.

— Oh non, ce n’est pas la première fois ma toute belle, grinça l’intéressé en s’approchant. Seulement cette nuit, je reprends ma personnalité qui n’a jamais été celle du toutou bien élevé qui vous amusait tant !

— Ottavio ? dit-elle, abasourdie. Ottavio Fanchetti ?

— Non : César Ottavio Gandia dei Catannei !

— Catannei ? intervint Aldo. Comme l’homme qui a loué ce château…

— … et qui est en passe de mourir, ce qui ne saurait tarder !

— Cela ne semble pas vous troubler outre mesure !

— C’est la vie ! soupira « César » avec un haussement d’épaules. Il m’a été d’un grand secours pour convaincre les croquants de ce patelin de nous louer cette demeure qui n’aurait jamais dû cesser d’être nôtre !

— Comment cela ? Narrez-nous ! Il n’y a rien que j’aime autant que les histoires fausses !

— Un peu plus de respect, mon petit prince ! Nous descendons d’un pape, nous !

— Ce n’est pas donné à tout le monde, j’en conviens. Et je ne suis pas certain qu’il y ait de quoi en être fier, mais revenons à ce château !

— Ce n’est pas compliqué ! Son bâtisseur venait de mourir, César en a eu envie et Louis XII le lui a donné en cadeau de mariage. Il l’a habité jusqu’aux fêtes de l’événement !

— Alors pourquoi n’y a-t-il pas vécu sa lune de miel ? Pourquoi La Motte-Feuilly qui est moins… flatteur ?

— Parce qu’il savait son départ proche et préférait laisser sa femme dans son cadre habituel !

— Ce ne serait pas dans l’idée, à son retour, d’y mener joyeuse vie en compagnie de quelques jolies filles… avec ou sans le masque dont il couvrait son visage quand sa vérole se montrait trop envahissante…

— Espèce de…

— Messieurs, messieurs ! coupa la voix froide de Pauline. Nous nous égarons, il me semble ! Cette joute historique est sans doute pleine d’intérêt, mais j’aimerais savoir ce que nous faisons ici ! Moi surtout, d’ailleurs. Que vous ai-je fait, Ottavio, César ou qui que vous soyez ?

Une soudaine colère lui empourpra la figure.

— Vous m’avez préféré ce bellâtre titré alors que je ne vous avais pas caché que je voulais vous aimer et faire de vous ma femme. J’aurais mis à vos pieds ma fortune et…

— Votre fortune ? Ou la mienne ? Y compris les bijoux que m’a légués ma tante d’Anguisola ? Quant à votre façon d’aimer, je n’ai pas la moindre envie de la connaître !

— Ne me mettez pas au défi ! J’ai tous les moyens de vous y contraindre ! Mon illustre ancêtre savait comment mater les filles rebelles et je suis son digne héritier…

— Espèce de salopard ! gronda Aldo qui se serait rué sur lui si Max ne l’avait retenu d’une poigne vigoureuse.

L’autre eut un vilain sourire.

— Tiens-toi tranquille, sinon je pourrais t’obliger à admirer le spectacle. Mais laissons la gaudriole de côté pour le moment ! Nous avons mieux à faire, vous êtes devant moi pour entendre votre jugement !

Et d’un pas solennel, il alla s’asseoir dans l’unique fauteuil.

— Notre jugement ? fit Aldo, amer. Cela signifie que votre demande de rançon est restée lettre morte…

— Mais pas du tout ! Que l’on fasse entrer la princesse Morosini ! Et qu’on avance un siège, elle paraît lasse !

C’était le moins qu’on puisse dire : livide, les traits tirés, les lèvres décolorées, Lisa, suivie d’un homme portant une mallette, pénétrait dans la salle d’un pas pourtant ferme. Elle se tenait très droite et son attitude avait une sorte de majesté.

— Lisa ! murmura Aldo, que t’ont-ils fait ? Pourquoi être venue ? Il fallait m’abandonner à mon sort !

Sans le regarder, elle haussa les épaules.

— Et laisser ces misérables s’en prendre à « mes enfants » ? Voilà ce que vous avez demandé, ajouta-t-elle en désignant le bagage. Vous pouvez vérifier ! Le compte y est : un million de dollars ! Il ne vous reste qu’à libérer vos deux captifs !

— Les deux ? s’écria Pauline, indignée. Ne me dites pas que vous payez pour moi ? Je ne l’accepterais à aucun prix !

— Que vous l’acceptiez ou non est sans importance, rétorqua Lisa. Vous m’avez pris mon mari. Alors quelques billets de plus ou de moins… Nous pouvons partir, je suppose ?…

— Oh, mais non. J’ai un mot à dire, moi aussi !

Une double porte venait de s’ouvrir permettant à la Torelli d’effectuer une entrée de reine dans une robe d’époque en velours vert dont les manches à crevés laissaient voir des bouillonnés de satin blanc semblables à ceux bordant le large décolleté de sa toilette, vraiment somptueuse, et qui accapara toute la lumière. Une manière d’énorme turban en forme de citrouille la coiffait et, en vérité, elle était belle à miracle, mais de cette splendeur ceux qui la regardaient venir ne voyaient pas grand-chose, leur attention accaparée par le fabuleux joyau qui s’étalait sur sa gorge, retenu par une chaîne de perles et de petites émeraudes : la Chimère ! La même exactement que celle dont se parait son frère… Wishbone trottait modestement sur ses talons.

Fière de l’effet produit, elle avait ralenti son allure et s’avançait gracieusement en jouant d’un éventail.

— Magnifique ! applaudit César-Ottavio en allant à sa rencontre pour lui offrir sa main, quand elle s’arrêta net.

Son regard se fixa et elle tendit un index tremblant en direction de la coiffure fraternelle.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? clama-t-elle.

— La Chimère, ma toute belle, l’authentique ! La tienne n’est qu’une… admirable copie, mais une copie tout de même ! Ainsi nous voilà assortis ! N’est-ce pas merveilleux ?

Apparemment, elle ne l’entendait pas de cette oreille et voulut lui sauter dessus toutes griffes dehors.

— Tu l’avais, espèce de démon, et tu ne me l’as pas dit ?

Il n’eut aucune peine à la maîtriser et se mit à rire.

— Je l’ai depuis la mort de Van Tilden, mais j’ai préféré te laisser l’ignorer. Tu prenais tellement de plaisir à lancer tes fiers chevaliers à la quête de ce nouveau Graal ! Un plaisir plutôt fructueux, si j’en juge ta collection de parures ! Cette beauté est je pense le présent de Mr Wishbone ? Félicitations, cher ami… mais aidez-moi donc à la faire tenir tranquille !

Le Texan ne les regardait pas. Stupéfait, ses yeux allaient d’Aldo à Lisa et à Pauline pour revenir à Aldo.

— Qu’est-ce que cela signifie ? Que… que faites-vous ici ?

— Je crois que c’est l’évidence ? lâcha Aldo en levant ses mains menottées. Nous sommes les prisonniers de cette charmante famille, Mrs Belmont et moi-même, depuis plusieurs mois, et ma femme qui a eu le grand tort d’apporter une rançon d’un million de dollars est ici depuis dix minutes… Quant à vous, je ne parierais pas sur la longueur de votre vie !