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L’homme d’affaires se réveilla chez le Texan qui alla se planter sous le nez de son hôte.

— La rançon est payée à ce que je vois : vous devez les libérer. Un contrat est un contrat.

César-Ottavio secoua la tête en signe de négation.

— Personne ne partira, sauf vous et nous. Ne devez-vous pas épouser Lucrezia ? Vous l’avez largement méritée d’ailleurs… Et où vivrions-nous plus agréablement que dans votre fascinant pays ?

— Je ne me souviens pas de vous avoir invité !

— Pourquoi pas ? Nous allons être presque frères !

— Pas si vite ! Que vous ont-ils fait ?

Le beau visage se convulsa tandis que d’une main il désignait Pauline.

— Cette femme que je voulais épouser l’a préféré à moi et elle est devenue sa maîtresse…

— Jamais je ne vous aurais épousé ! riposta la jeune femme. Vous m’amusiez et vous dansiez convenablement, mais c’est à peu près tout ce que j’appréciais chez vous… Je n’aurais jamais pu supposer que vous étiez aussi cinglé que dangereux !

— Vous l’entendez ? glapit-il. Elle ajoute l’insulte à l’offense ! Mais elle va le payer ! Et très cher !…

L’explosion de fureur n’impressionna pas Wishbone. Imperturbable, il poursuivit :

— On verra ça plus tard ! Et le prince Morosini ?

— Vous n’avez pas compris ! Il m’a volé cette femme ! En outre, ses grands airs m’insupportent !

— S’il fallait trucider tous les gens qui vous insupportent, il n’y aurait pas de risque de surpopulation sur la Terre ! Passons-en à la princesse Lisa… si elle veut bien me le permettre, ajouta-t-il en s’inclinant devant elle. À l’exception de ce paquet de dollars qu’elle vous a apporté… sans beaucoup de plaisir, si j’ai bien compris, qu’avez-vous à lui reprocher ?

Lisa eut pour lui le chaud sourire auquel Aldo n’avait plus droit.

— Sans aucun plaisir, Mr Wishbone ! Et j’aimerais rentrer chez moi avec ceux que je suis venue racheter !

— S’il te plaît, Lisa, ne me condamne pas avant de m’avoir entendu ! la pria Aldo.

— Ce n’est pas ici le lieu pour en débattre ! répondit-elle froidement et sans le regarder…

Désolé, le Texan se hâta de reprendre :

— Alors que lui reprochez-vous ?

Cette fois ce fut Lucrezia qui se chargea de lui répondre :

— D’être la femme d’un homme qui par deux fois m’a insultée. Et nulle vengeance ne sera plus douce que de faire mourir sous ses yeux son épouse et sa maîtresse ! Voilà pourquoi aucun de ces trois-là ne quittera le château vivant !

Dédaignant de lui répondre, Aldo s’adressa à son frère :

— C’est elle qui donne les ordres, maintenant ? Et vous, vous restez là comme une chiffe à l’écouter pérorer ? Pourquoi d’ailleurs ne serait-elle pas le chef ? Il faut une sacrée audace pour commettre un meurtre et un vol sur un paquebot en train de sombrer et ce n’est pas vous qui avez tué la marquise d’Anguisola !

— C’est moi, en effet, revendiqua Lucrezia avec orgueil. Mon père et moi occupions la même suite et j’y restais cachée, sous couleur d’une maladie, afin que ma beauté ne m’attire aucune curiosité intempestive. Et j’ai réussi ! Vous n’imaginez pas quelle exaltation j’ai éprouvée quand, au milieu de l’enfer déchaîné, j’ai volé les joyaux de cette femme, après quoi je l’ai poignardée… Tout comme ton ancêtre Lodovico Morosini a tué et violé mon aïeule Angela Borgia qui était vierge et se refusait à lui…

En dépit de leur situation dramatique, Aldo éclata de rire.

— On dirait que vous autres Borgia – ou prétendus tels ! – n’avez pas perdu cette habitude d’écrire l’Histoire à votre façon. La nôtre est différente. Angela, dont la virginité n’était plus qu’un lointain souvenir, voulait se faire épouser et…

— Vous ne croyez pas qu’on a assez glandé ? tonna Max qui venait de rentrer après s’être absenté un instant. Je vous rappelle qu’il était prévu de quitter les lieux dès le règlement de comptes et la récolte des dollars terminée, et vous en êtes à vous chamailler sur des sujets fumeux !

— Mettre les choses au clair fait partie du règlement et nous ne sommes pas à une minute près ! De quoi te mêles-tu ? grinça « César ».

— Oh, si vous le prenez ainsi, c’est à vous de voir ! Vous êtes le patron ! Mais en ce cas, nous allons avoir le regret, mes frères et moi, de vous donner notre démission. On a l’expérience des prisons françaises et, franchement, l’hôtellerie n’y est pas fameuse !… Quant à la guillotine !…

— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu débloques ou quoi ?

— Non ! Je vous signale seulement qu’il y a deux cars de flics et un certain nombre de gendarmes plus quelques notabilités qui sont en train de cerner le château…

Lucrezia courut à la fenêtre.

— Il a raison ! hurla-t-elle. Il faut déguerpir… mais d’abord se débarrasser de ceux-là qui nous ont vendus ! Va chercher des cordes, Max !

— Pourquoi ? Il suffit de leur tirer dessus…

— Oh, non ! Il y a mieux à faire ! Je veux qu’ils meurent… à ma manière. J’ai tout préparé ! Et toi, dépêche-toi de te changer ! ordonna-t-elle à César.

Elle donna ses ordres. Et le cauchemar commença pour les trois prisonniers que l’on ligota des chevilles au cou en dépit de la défense désespérée que fournirent Aldo et Pauline, déjà entravés par des menottes. Lisa, elle, venait de s’évanouir, épuisée par la fatigue et les émotions. Wishbone qui voulut se porter à son secours subit le même traitement. Il écumait de fureur.

— Foutue garce ! Dire que je pensais t’aimer !

— Tout le monde peut se tromper ! ricana-t-elle. Moi, je garderai un excellent souvenir de toi. Tu m’as vraiment gâtée… Et puis tes héritiers se montreront peut-être reconnaissants ? L’essence, maintenant !

— Vous êtes dingue ? protesta Max, indigné. Une balle pour chacun et…

— Tu oublies que tu me dois le respect et que ta vie m’appartient ! L’essence, j’ai dit… ou plutôt je vais la chercher moi-même, elle est à côté…

Elle ne disparut qu’un bref moment, mais il suffit à Max pour ouvrir les menottes d’Aldo et glisser les clefs et un couteau dans sa main sans oublier de trancher la corde.

— À la grâce de Dieu ! souffla-t-il.

— Merci !

S’il lui était donné de vivre, Aldo n’oublierait pas ce geste de compassion. Encore faudrait-il savoir à qui il s’adressait.

— Pourquoi ces cagoules ?

— Le patron – le vrai ! – le veut ! Et c’est préférable…

Lucrezia revenait chargée de deux bidons et en tendit un à Max. Son visage était à présent celui d’une démente et elle ne cessait de ricaner. Avec des gestes saccadés, elle entreprit d’arroser les tapisseries, les tabourets… La cruauté en se faisant jour la défigurait…

— Vous auriez dû changer de robe ! remarqua la voix tranquille de Wishbone. Une goutte sur vous et vous flambez avant nous ! Surtout si vous en répandez sur le sol !

En passant, elle lui décocha un coup de pied.

— Je sais ce que je fais, vieux fou ! Je veux que vous ayez le temps de voir venir la mort ! Tu te dépêches, toi ! éructa-t-elle à l’adresse de Max qui faisait semblant de dévisser son bouchon.

— Il est coincé ! Je n’arrive pas à l’ouvrir… Il est rouillé !

Elle se débarrassa du sien qui était vide et le rejoignit. Et soudain, il cria en désignant le plafond.

— Attention !

Elle leva les yeux. Alors de ses deux poings réunis il l’assomma, la retint avant qu’elle ne s’écroule, puis la chargea sur son épaule pour l’emporter.

— Tâchez de vous grouiller ! lâcha-t-il en disparaissant.

Le conseil était superflu… Déjà Aldo se relevait et se hâtait de délivrer sa femme toujours inconsciente, tandis que Wishbone s’occupait de Pauline qui, elle, n’avait pas un instant perdu son calme : elle priait… Elle sourit à Aldo.