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Une voix se fit entendre dans l’interphone et Sigurdur Oli se présenta. La porte émit un déclic et ils entrèrent dans la cage d’escalier. Elle était mal éclairée et il y régnait une odeur de sale. Quand ils atteignirent le deuxième étage, l’une des deux femmes se tenait sur le pas de la porte et les attendait.

– Alors, vous l’avez attrapé ? demanda-t-elle.

– Malheureusement non, répondit Sigurdur Oli en secouant la tête, mais nous voulions vous interroger au sujet de…

– Alors, ils l’ont attrapé ? entendit-on de l’intérieur de l’appartement et l’exacte réplique de la femme apparut à la porte. C’était des septuagénaires enveloppées et toutes deux vêtues d’une jupe noire et d’un pull rouge, les cheveux gris et permanentés. Leurs visages ronds ne dissimulaient pas leur espoir.

– Non, déclara Erlendur. Pas encore.

– C’était un malheureux, le pauvre garçon, dit la femme numéro un, dénommée Fjola. Elle les invita à entrer.

– Tu ne vas quand même pas le plaindre, rétorqua la femme numéro deux, qui s’appelait Birna, en fermant la porte derrière eux. C’était un sale type, une ordure qui t’a frappée à la tête. Tu parles d’un pauvre garçon, hein !

Ils s’assirent dans le salon des deux femmes, les regardèrent l’une après l’autre, puis se regardèrent mutuellement. L’appartement était exigu. Sigurdur Oli remarqua deux chambres communicantes. Depuis le salon, il avait vue sur une petite cuisine.

– Nous avons lu la déposition que vous avez faite, dit Sigurdur Oli, qui l’avait parcourue dans la voiture tandis qu’il se rendait chez les sœurs. Nous nous demandions si vous ne pouviez pas nous fournir des indications plus précises à propos de l’homme qui vous a attaquées.

– L’homme, dit Fjola. Je dirais plutôt le garçon.

– Quand même assez âgé pour nous agresser, rétorqua Birna. Il était assez vieux pour ça. Il m’a fait tomber par terre et m’a donné des coups de pied.

– Nous n’avons pas d’argent, observa Fjola.

– Nous ne gardons pas d’argent à la maison, précisa Birna. C’est ce que nous lui avons dit.

– Mais il ne nous a pas crues.

– Et il s’en est pris à nous.

– Il était énervé.

– Et très mal embouché. Il nous a traitées de tous les noms.

– Avec son affreuse veste kaki. On aurait dit un militaire.

– Il portait aussi ces espèces de chaussures montantes épaisses et noires qu’on lace sur la cheville.

– Mais il n’a rien cassé.

– Non, il a simplement pris la poudre d’escampette.

– Donc, il n’a rien dérobé, interrompit Erlendur.

– On aurait dit qu’il n’était pas vraiment dans son état normal, observa Fjola, qui s’efforçait de trouver des circonstances atténuantes à son agresseur. Il n’a rien cassé et rien pris non plus. Il nous a juste molestées quand il a compris qu’il n’obtiendrait pas d’argent. Le pauvre.

– Il était complètement drogué, grogna Birna. Le pauvre ? ! (Elle se tourna vers sa sœur.) Il y a vraiment des moments où tu n’as pas toute ta tête. Il était complètement drogué. Je l’ai vu dans son regard. Ses yeux étaient brillants et fixes. Et il était en sueur.

– En sueur ? s’enquit Erlendur.

– Il avait le visage ruisselant de sueur.

– C’était la pluie, contredit Fjola.

– Non, en plus il tremblait de tout son corps.

– La pluie, répéta Fjola à qui Birna lança un regard méchant.

– Il t’a frappée à la tête, ma petite Fjola. Ce genre de chose ne fait jamais de bien à personne.

– Tu as toujours mal à l’endroit où il t’a frappée ? demanda Fjola en regardant Erlendur qui ne put s’empêcher de constater que ses yeux dansaient de joie.

Il était encore tôt dans la matinée quand Erlendur et Sigurdur Oli arrivèrent à Nordurmyri. Les voisins de Holberg, ceux qui occupaient le premier et le deuxième étage, les attendaient. La police avait pris la déposition du couple du premier étage, celui qui avait les deux enfants, mais Erlendur voulait discuter un peu plus avec eux. A l’étage du haut habitait un pilote d’avion qui avait déclaré être rentré de Boston vers midi le jour où Holberg avait été assassiné, il avait fait une sieste pendant l’après-midi et ne s’était réveillé que lorsque la police avait frappé à sa porte.

Ils commencèrent par interroger le pilote. Il avait la quarantaine, vivait seul et son appartement ressemblait à une décharge : des vêtements éparpillés de tous côtés, deux valises posées sur un canapé neuf, des sacs plastiques provenant de la boutique duty free de l’aéroport de Keflavik, des bouteilles de vin sur les tables et des canettes de bière ouvertes partout où il était possible d’en mettre. Le pilote lui-même vint ouvrir la porte, mal rasé, vêtu d’un maillot de corps et d’un short. Il regarda les deux hommes, les invita à entrer en les précédant dans l’appartement sans prononcer un mot et se laissa tomber sur une chaise. Ils se tenaient debout devant lui. Ne trouvaient pas de place où s’asseoir. Erlendur regarda alentour et se fit la réflexion qu’il ne mettrait même pas un pied dans un simulateur de vol accompagné de cet individu.

Pour une raison quelconque, le pilote se mit à parler de la procédure de divorce dans laquelle il était engagé en disant qu’il se demandait en quoi cela pouvait intéresser la police. Cette chienne l’avait trompé. Il était en vol. Un beau jour, en rentrant d’Oslo, cette ville ennuyeuse, ajouta-t-il, si bien qu’ils ne savaient pas si ce qui l’ennuyait le plus était le fait que sa femme le trompait ou bien celui d’être obligé de passer la nuit à Oslo, il était parti là-bas avec un vieux copain d’école…

– Nous sommes ici à cause du meurtre commis au rez-de-chaussée, dit Erlendur qui interrompit le récit embrouillé du pilote.

– Vous êtes déjà allés à Oslo ? demanda le pilote.

– Non, répondit Erlendur. Et nous n’avons pas l’intention de parler d’Oslo.

Le pilote le dévisagea, puis il regarda Sigurdur Oli et, tout à coup, il comprit de quoi il retournait.

– Je ne connaissais pas du tout le bonhomme, dit-il. J’ai acheté cette tanière il y a quatre mois, et il y avait longtemps que personne ne l’avait occupée, d’après ce que j’ai compris. Ça m’est arrivé de le croiser de temps en temps, là, dehors. Il avait l’air sympa.

– Sympa ? demanda Erlendur.

– Oui, je veux dire, c’était sympa de causer avec lui.

– Et de quoi parliez-vous ?

– D’aviation. La plupart du temps. Il s’intéressait à l’aviation.

– Comment ça, il s’intéressait à l’aviation ?

– Aux avions, dit le pilote en ouvrant une canette de bière qu’il avait dégotée dans un sac en plastique. Aux escales, ajouta-t-il en avalant une lampée de bière. Aux hôtesses de l’air, continua-t-il en rotant. Il posait beaucoup de questions sur les hôtesses de l’air. Enfin, vous savez…

– Non, dit Erlendur.

– Pendant les escales, à l’étranger.

– Oui.

– Sur ce qui se passait, si elles s’éclataient. Des trucs comme ça. Il avait entendu qu’elles faisaient de sacrées fiestas. Au cours des vols internationaux.

– Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ? demanda Sigurdur Oli.

Le pilote réfléchit un instant. Il ne s’en souvenait pas.

– Il y a quelques jours, dit-il finalement.

– Vous avez remarqué s’il recevait de la visite par le passé ? demanda Erlendur.

– Non, je ne suis pas souvent à la maison.

– Vous avez remarqué quelqu’un qui aurait traînassé dans les parages comme s’il faisait du repérage ou bien juste en train de flâner entre les immeubles ?