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— Je suis au service de l’empereur Saturninus. Il a revendiqué la possession de cette terre. »

Olaus éclata d’un rire tonitruant. « Ton empereur peut toujours demander la lune, mon ami ! Il aura moins de mal à l’obtenir que cette terre, je te le garantis. Cette terre est à moi.

— À vous ?

— À moi. Je l’ai gagnée avec ma sueur et oui, avec mon sang. Ici je suis le maître. Je suis leur roi, leur dieu même. Pour eux je suis Odin, Thor et Freyr réunis. » Puis voyant le regard perplexe de Drusus : « Jupiter, Mars et Apollon, si tu préfères. Tous ces dieux se ressemblent. Je suis Olaus. Je règne sur cette terre. Prends ton armée et quitte ce pays. » Il cracha. « Romains ! »

« Parlez-moi de leur armée, dit Lucius Aemilius Capito.

— Je n’ai pas vu d’armée. Juste une ville, avec des paysans, des maçons, des tisseurs, des forgerons, des prêtres, des nobles, dit Drusus. Et le Danois.

— Ah oui, le Danois. Un sauvage, un Barbare. Nous ramènerons sa peau pour la clouer sur un pylône devant le Capitole comme on le ferait pour du vulgaire gibier. Mais où se trouve leur armée, à votre avis ? Vous n’avez vu aucune caserne ? Des camps d’entraînement peut-être ?

— J’étais dans le centre d’une grande ville. J’y ai vu des temples, des palais et ce qui m’a semblé être des boutiques. À Rome, du Forum, on ne voit pas de casernes.

— Ce ne sont que des sauvages à moitié nus, combattant avec des arcs et des javelots. Ils n’ont visiblement même pas de cavalerie. Ni d’arbalètes ou de catapultes. Il ne nous faudra pas plus de trois jours pour les éliminer.

— Oui. Peut-être. »

Drusus ne voyait pas l’intérêt de discuter. Son aîné était responsable de l’invasion ; alors qu’il n’était qu’un officier auxiliaire. Et cela faisait treize mille ans que les armées romaines marchaient à travers le monde sans rencontrer d’adversaires à leur hauteur. Hannibal et ses Carthaginois, les féroces Gaulois, les sauvages Bretons, les Goths, les Huns, les Vandales, les Perses, les Teutons querelleurs – tous avaient voulu s’opposer à Rome et tous avaient été écrasés.

Certes, il y avait eu quelques défaites. Hannibal s’était montré particulièrement coriace, en descendant des montagnes avec ses éléphants pour semer la terreur dans les provinces. Varus avait perdu trois légions dans les bois teutons. La force d’invasion menée par Valerius Gargilius Martius avait été littéralement décimée ici au Yucatán quelque cinq années plus tôt. Mais on doit toujours s’attendre à perdre une bataille de temps en temps. Au bout du compte, la domination du monde était inscrite dans le destin de Rome. Qu’est-ce que Virgile disait déjà ? À la puissance des Romains je ne mets de limites ni dans le temps ni dans l’espace.

Mais Virgile n’avait jamais regardé Olaus le Danois dans le blanc des yeux, le Consul Lucius Aemilius Capito non plus, d’ailleurs. Drusus oui, et il se demandait si les sept légions de la deuxième expédition pèseraient lourd contre les troupes du dieu blanc à barbe noire des Mayas. Sept légions : combien cela faisait-il d’hommes, quarante mille ? Contre un nombre encore inconnu de guerriers mayas, des millions peut-être, qui se battraient sur leur terrain pour défendre leurs fermes, leurs femmes, leurs dieux. Drusus se dit que les Romains s’étaient déjà battus alors que les chiffres leur étaient défavorables, et que cela ne les avait pas empêchés d’être victorieux. Mais jamais aussi loin de chez eux et jamais contre Olaus le Danois.

Les plans de Capito prévoyaient un assaut immédiat de la ville la plus proche. Les catapultes romaines et les béliers n’auraient aucune peine à défoncer leurs remparts qui semblaient être moins solides que ceux des villes romaines. Il était curieux que ces gens n’aient pas construit de remparts plus solides pour protéger leurs villes alors qu’ils étaient entourés d’ennemis. D’un autre côté, leurs ennemis ne devaient pas connaître l’usage des catapultes et des béliers non plus.

Une fois les brèches dans les remparts faites, la cavalerie se précipiterait sur les grandes places pour semer la terreur parmi la population qui prendrait certainement les chevaux pour des monstres, n’en ayant jamais vu auparavant. Suivrait un assaut de l’infanterie par chaque côté : les temples seraient saccagés, les prêtres massacrés, et surtout Olaus le Danois serait capturé. Nul besoin de s’embarrasser à le capturer pour le ramener à Rome, dit Capito : non, trouvez-le, tuez-le, décapitons d’un même geste l’empire qu’il a créé chez ces Mayas. Après sa disparition, tout le système politique finirait par se dissoudre. Les villes principales s’effondreraient et les Romains pourraient s’occuper d’elles les unes après les autres. Sans Olaus, leur discipline militaire ne tiendrait pas longtemps non plus, ils redeviendraient des sauvages incapables et recommenceraient à combattre de manière désordonnée contre la formidable discipline des légions romaines.

Le sort funeste de la première expédition n’avait apporté aucun élément digne d’être pris en compte. Gargilius Martius n’avait pas compris à quel genre de général il avait affaire en la personne d’Olaus. Capito si, grâce à Drusus ; et en désignant Olaus comme cible principale, il couperait la puissance ennemie à sa tête dès les premiers jours de la campagne. Voilà ce qu’il avait décidé : qui était donc ce Titus Livius Drusus, officier auxiliaire de vingt-trois ans, pour oser suggérer qu’il n’en serait pas ainsi ?

Dans les trois camps romains on se lança dans de formidables préparations pour le combat. Les engins de siège furent hissés à la lisière de la forêt et des chemins furent taillés à travers la jungle. Les cavaliers préparèrent leurs destriers pour la bataille. Les centurions passèrent les dernières instructions aux troupes d’infanterie. Des éclaireurs furent envoyés la nuit pour repérer les points faibles des murs de la cité maya.

Par cette terrible chaleur tropicale qui collait à la peau telle une couverture humide, les préparatifs n’en étaient pas facilités. Les piqûres des insectes ne laissaient aucun répit, de nuit comme de jour, non seulement celles des moustiques et des fourmis, mais aussi des scorpions et autres bêtes dont les Romains ignoraient les noms. On commença à signaler des serpents dans les camps, de petits reptiles rapides, verts aux yeux d’un jaune flamboyant. Bon nombre de soldats furent mordus, une demi-douzaine n’en réchappa pas. Mais les travaux continuaient. Il s’agissait de maintenir une tradition vieille de plusieurs siècles.

Jules César lui-même devait les observer, de même que l’invincible Marcus Aurelus, ou le grand Augustus, fondateur de l’Empire. Ni les scorpions, ni les serpents ne sauraient freiner la progression des légions romaines et encore moins ces ridicules petits moustiques.

En début d’après-midi, la veille de l’offensive, des paquets de nuages vinrent noircir le ciel. Le vent, déjà fort dans la journée, prit une ampleur extraordinaire, soufflant un air brûlant qui s’abattit en grondant sur eux en direction de l’est, accompagné de tels éclairs et coups de tonnerre que la terre sembla se diviser en deux. S’ensuivit une pluie torrentielle au cours d’un orage comme nul Romain n’en avait vu auparavant, menaçant de les balayer telle une main géante et de les projeter dans les terres intérieures.

Les tentes furent arrachées de leurs piquets les unes après les autres et emportées dans la tempête. Drusus, qui s’était réfugié avec ses hommes sous les chariots, observa avec stupéfaction les arbres de la plage plier sous le vent, leur pointe touchant presque le sable avant qu’ils commencent à se déraciner. Certains arbres partirent dans une sorte de danse grotesque avant d’être arrachés. Les chariots eux-mêmes furent rudement secoués, se soulevant avant de retomber lourdement sur le sol. Les chevaux lâchèrent d’étranges cris de terreur. Quelqu’un cria que les navires étaient en train de se retourner et Drusus constata effectivement que certains avaient déjà la coque en l’air, comme si une main de titan les avait renversés. Puis une vague monumentale vint s’abattre avec une puissance dévastatrice sur la face ouest des palissades, la réduisant à néant.