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— Je ne sais pas.

— Nous verrons si tu t’obstineras.

Tout en parlant, il venait de tirer de sa poche un petit revolver dont il approchait le canon du visage de la vieille femme.

— Parle, ou je te brûle un œil.

— Grâce.

— Tu l’auras voulu, dit-il.

Fantômas fit feu…

L’arme dont il venait de tirer un coup était chargée de cartouches à blanc, et la poudre en s’enflammant, en sortant, en jet brûlant, du canon approché de l’œil de Laetitia, venait bien de crever un œil à la malheureuse.

Laetitia, cependant qu’un jet de sang l’inondait et tandis que sa face torturée en un rictus d’effroyable douleur, devenait d’une blancheur de cire, hurla, en s’écroulant :

— Monstre, puisque je te dis que je ne sais pas ce qu’est devenue ta fille.

Près de Laetitia, écroulée sur le sol, Fantômas se jeta à genoux :

— Ah ! hurla-t-il, tu te moques encore de moi ? Il ne sera pas dit que Fantômas n’arrivera pas à rompre la volonté d’une vieille femme comme toi.

Le revolver se rapprochait encore une fois du visage de Laetitia.

— Regarde bien, dit Fantômas, regarde-moi bien, car bientôt…

Il y eut dans la pièce une seconde détonation.

***

Jupiter était trempé.

Lorsque, quelque temps après l’explosion du rocher qui l’enfermait dans la presqu’île, rompant toute communication entre cette presqu’île et le rivage, Jupiter était arrivé à comprendre qu’il n’était pas tout à fait mort, puisqu’il avait très peur.

— Moi être prisonnier, s’était-il dit.

Par bonheur, Jupiter savait nager. Après s’être approché avec précaution de l’extrémité de son îlot, Jupiter songeait qu’il lui était assez facile, somme toute, de se jeter à l’eau et de gagner la rive où les soldats, bien persuadés qu’ils étaient d’avoir irrévocablement emmuré le fugitif, ne veillaient pas avec beaucoup de soin.

La mer était calme, ce fut un jeu pour Jupiter que de s’évader. Par exemple, à peine avait-il reprit pied sur le sol ferme qu’il se prit à grelotter. Jupiter qui ne réfléchissait jamais longuement avant de prendre une décision s’était en effet jeté à l’eau tout habillé. Or, il soufflait un petit vent froid assez vif et le brave noir, dans ses habits trempés, frissonnait.

— Un petit temps de course, songea-t-il, me réchauffera.

Jupiter avait tant couru la nuit précédente qu’il ne pouvait évidemment s’effrayer d’avoir encore à courir quelques instants.

Le bon noir précipita sa marche, tout en sifflant et en chantonnant l’air boer bien connu :

«  O, Miefje, jy es toch so lief en jy is toch so soet » (Oh ! Manon, tu es si gentille et tu es si douce aussi…)

C’est que Jupiter était d’excellente humeur.

Ne tenait-il pas, en effet, dans sa main droite le portefeuille si mystérieusement découvert et dans lequel il avait eu la joie de retrouver les cent billets de mille francs qui lui avaient été volés quelque temps auparavant ?

— Mme Laetitia, songeait Jupiter, va en être stupéfaite.

Et à cette pensée Jupiter marcha encore un peu plus vite…

Le noir, en effet, à peine sorti de sa presqu’île, avait décidé, avec la spontanéité qui est particulière à ceux de sa race, d’aller mettre tous ses amis et connaissances, au courant des heureux incidents de la nuit.

La vieille Laetitia était pour lui une intime, car Laetitia bien souvent lui avait rendu service, c’était chez elle qu’il irait montrer d’abord le portefeuille retrouvé.

Hélas, le brave Jupiter ne s’attendait pas à l’horrible spectacle qu’il devait trouver à la ferme !

À peine avait-il ouvert la porte de la grande salle que son portefeuille lui échappa des mains, cependant que, hurlant de frayeur, il s’élançait vers un coin de la pièce…

Là, gisait, demi-morte, râlante, le corps agité de soubresauts convulsifs, la vieille Laetitia.

Jupiter, fou de terreur, se pencha sur elle, criant :

— Mais qu’est-ce que li a ? qu’est-ce que li a ?

Le noir fit tant de vacarme que bientôt des bâtiments de la ferme où des domestiques habitaient, d’une ferme voisine même, on accourut.

Jupiter, entendant que l’on venait, se releva et, naturellement chercha des yeux sur le sol le portefeuille qu’il avait laissé choir dans son premier moment de stupéfaction…

Or ce portefeuille que Jupiter avait parfaitement vu rouler contre la muraille n’était plus là. Il avait disparu. Il s’était évanoui.

Quand Jupiter était entré, il avait tiré sur lui la porte, il en était certain et pourtant, cette porte était ouverte, grande ouverte maintenant.

Le pauvre Jupiter toutefois, avait à peine le temps d’éclater en sanglots et de commencer à se lamenter, que les événements, encore une fois se précipitèrent.

Jupiter fut bousculé par la foule de ceux que ses cris avaient attirés. Les arrivants avaient aperçu Laetitia, couverte de sang, relevèrent la vieille femme, ils la questionnèrent :

— Mais qu’est-ce que c’est ?

— Que vous est-il arrivé ?

— Qui vous a fait cela ?

Et à moitié folle de douleur, Laetitia répondit :

— À l’assassin, c’est lui, lui, arrêtez-le.

Certes, Laetitia ne se rendait point compte de l’affreuse erreur qu’elle commettait.

Ceux qui la tenaient encore dans leurs bras se hâtaient, en effet, de la déposer sur le grand lit de sa chambre, puis, d’un même mouvement, sans avoir eu besoin de se concerter, ils se précipitaient dans la grande salle, où Jupiter, toujours affolé, hurlait…

Le noir vit arriver sur lui tous ces gens dont les traits respiraient la colère, et dont les uns hurlaient : « À l’assassin » et dont les autres criaient : « À mort. À mort. »

Et Jupiter, désireux avant tout d’éviter un sort qu’il ne devinait que trop, bondit hors de la pièce, claqua la porte sur lui, s’en fut, courant à perdre haleine, droit devant lui, sur la route de Durban.

Et derrière lui, les gens, fous de rage, épouvantés par l’horreur du drame qu’ils lui imputaient, haineux contre le noir par cela seulement qu’il était noir, prirent la chasse, hurlant :

— À l’assassin. À mort. Arrêtez-le.

15 – LE TRONC D’ARBRE MYSTÉRIEUX

Il n’était que huit heures du soir, mais tout déjà semblait dormir dans Diamond House. Aux deux larges fenêtres sans contrevents, aucune lumière ne brillait et le silence le plus complet régnait sur la maison comme dans le jardin.

La nuit aurait été profonde sans quelques rayons de lune qui, éclairant la façade et les massifs d’une lueur indécise, animaient de reflets d’argent la masse sombre des bosquets et semaient des perles brillantes dans la vasque d’un petit jet d’eau.

Ces jeux de lumière donnaient au jardin de Hans Elders, un peu triste d’habitude, un air de féerie. On aurait été surpris de ne pas voir, sur un des nombreux bancs installés aux pieds des arbres, un couple d’amoureux rêveurs.

Mais non, il n’y avait personne, le jardin était désert, silencieux, le sommeil avait déjà envahi au moins depuis quelque temps le cottage du riche chercheur de diamants.

Une ombre là-bas, au pied d’un arbre ? Une combinaison bizarre de feuilles qui dessinait ainsi sur le sol, dans cette large raie de lumière, un profil humain ? Non… on avait remué. C’était un homme.

L’ombre qui rampait sur l’herbe songeait :

« Hans Elders doit empiler des écus dans son coffre-fort et la belle Winie rêver à ses amours. La belle Winie, comme elle m’intrigue cette jeune fille. Si j’en croyais ses regards transparents et son sourire paisible, ce serait la personne la plus insouciante du monde. Mais hélas, c’est aussi la fille de son vieux coquin de père, et bon chien chasse de race. Alors je ne sais que croire. Elle a parfois des allures mystérieuses qui donnent à penser. Coûte que coûte, il faut que je sache ce qui en est. Quand je devrais rester sous ses fenêtres jusqu’à demain matin, je me rendrai compte de la façon dont elle va passer la nuit. Si je ne m’abuse, sa chambre est ici, au premier étage. Il va me suffire de monter jusqu’à la première branche de ce baobab et je me trouverai à une hauteur suffisante pour voir chez elle.