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Juve tout en prenant grande attention, tournait et retournait les ossements.

Et voilà qu’à un moment, comme il avait introduit ses mains sous la mâchoire, comme il pressait sur l’une des dents, avec un claquement sec, le claquement d’une boîte à ressort, le crâne s’ouvrit.

Juve pensa s’évanouir de stupéfaction.

À ses pieds, venait de rouler sur le sol, au milieu de boules de plomb qui rendaient le crâne si lourd, un rouleau de parchemin.

… Abandonner le crâne, se saisir de ces papiers précieux, se précipiter vers la lumière, dépouiller ces parchemins, c’était pour Juve l’affaire de quelques secondes.

Le parchemin qu’il tenait lui révéla le plus surprenant des secrets.

Ce parchemin, c’était l’acte de naissance d’un enfant, d’une femme du nom d’Hélène Gurn… Cette Hélène, Juve n’en pouvait pas douter, les documents qu’il avait sous les yeux, les détails qu’il lisait avidement l’établissaient sans réplique, cette Hélène, c’était la fille de Fantômas.

Juve accablé déchiffra en hâte les autres documents qu’il tenait.

Et il allait de découvertes ahurissantes en découvertes ahurissantes.

Il trouva d’abord des titres de propriété qui prouvaient que cette Hélène, cette fille de Fantômas était colossalement riche, que c’était pour elle, à coup sûr, que, depuis des années, Fantômas avait accumulé les crimes.

Détail qui fit blêmir Juve, Fantômas, pour être sûr de retrouver sa fille quand il le voudrait, avait inventé cette ruse ingénieuse :

Sur la chair délicate du bébé qu’il abandonnait, à la nuque, il avait fait tatouer par un artiste extraordinaire qu’il avait tué pour qu’il ne pût jamais révéler le secret, une minuscule tête de mort.

C’était, disait le document, un « tatouage si fin, si petit qu’à l’œil nu il était presque impossible de le distinguer. Mais il suffisait de l’examiner à la loupe pour reconnaître immédiatement les contours de la tête de mort ».

Et ce tatouage, ce tatouage mystérieux, le document ajoutait encore qu’il était reproduit agrandi de moitié et pourtant encore invisible sur le crâne même dans lequel était enfermé le parchemin.

La tache noire que tout à l’heure il avait examinée avec tant de surprise, sur le sommet du crâne c’était donc le tatouage…

Et le crâne qu’il avait cru voir la veille à la fumerie, le crâne qu’il avait aperçu entre lui et Teddy et qui pourtant n’existait pas c’était tout simplement le crâne tatoué sur la nuque de Teddy, le crâne que le vase à fleurs rempli d’eau et formant loupe, lui avait montré grossi amené à une grandeur naturelle qu’il avait parfaitement aperçu chaque fois qu’il regardait à travers le vase, qu’il ne voyait plus dès qu’il essayait de le voir en se penchant par-dessus le vase.

Mais alors ? Alors ?…

Juve titubait devant cette révélation inattendue, cette révélation stupéfiante.

Si Teddy, si le jeune adolescent qui avait été son voisin à la fumerie portait sur la nuque un crâne tatoué, c’est que Teddy était une femme, c’est que Teddy s’appelait en réalité Hélène, c’est que Teddy était la fille de Fantômas.

***

Deux heures plus tard, l’ossuaire avait repris son calme.

Les crânes que Juve avait bouleversés, avaient été soigneusement remis en place par lui. Le crâne mystérieux lui-même était retourné dormir sous la pile des autres crânes. Rien ne bougeait plus.

Hans Elders était libre de venir à l’ossuaire pour rechercher les ossements auxquels il tenait tant.

Et, bien assurément, le maître de Diamond City ne s’apercevrait pas, alors, que sous une pile de squelettes, retenant son souffle, serrant d’une main son revolver, de l’autre étreignant dans la poche de son veston son portefeuille où il venait de cacher les parchemins découverts de façon si fortuite, Juve guettait, prêt à bondir sur ceux qui viendraient toucher à la tête de mort à qui Fantômas n’avait pas craint de confier les secrets de sa fille.

26 – LE PASSÉ NE MEURT PAS

Il y avait quelques minutes à peine que Hans Elders venait de s’installer dans son cabinet de travail. Le maître de Diamond House était absorbé par une besogne assez délicate, la vérification du compte de ce qu’il devait à ses courtiers. Occupé aux additions et aux soustractions, il ne levait pas les yeux de la page blanche sur laquelle, d’une écriture appuyée et ferme, il inscrivait des chiffres à la suite les uns des autres.

Or, soudain, palissant, Hans Elders se redressa d’un mouvement si brusque qu’il renversait derrière lui le fauteuil sur lequel il avait pris place. Une voix métallique, étrange, hautaine :

— Bonjour.

Hans Elders qui se croyait seul, Hans Elders qui peut-être avait reconnu cette voix, en demeurait livide, muet, incapable d’articuler un mot.

Pourtant la voix reprenait, du même ton :

— Bonjour, Hans Elders, comment allez-vous ?

Alors, les yeux dilatés, Hans Elders aperçut dans le fond de son cabinet, sortant d’un recoin rempli d’ombre où jusqu’alors il s’était tenu dissimulé, un homme qui s’avançait vers lui, souriant, les bras croisés, le regard flamboyant.

— Vous, vous.

 L’homme qui venait rendre visite à Hans Elders, et dont le seul aspect semblait lui causer tant de frayeur, reprit pour la troisième fois :

— Hans Elders, bonjour.

Puis, accentuant encore l’intonation moqueuse de sa voix, il ajouta :

— Parbleu, mon camarade, vous avez l’air plus surpris que charmé de ma visite. Vous ne m’attendiez pas ? Vous n’êtes pas charmé de me revoir après plus de douze ans d’absence ?

Alors des lèvres serrées de Hans Elders, un mot siffla, un mot qu’il osait à peine prononcer, qu’il prononçait comme avec une hésitation :

— Fantômas.

Fantômas, d’ailleurs, semblait jouir, prodigieusement amusé, de l’extraordinaire frayeur qui s’était emparée de Hans Elders…

— Fantômas répéta-t-il, en imitant cette fois la voix tremblante du maître de Diamond House, comme vous dites cela, mon camarade. Il semble, en vérité, que vous n’osiez pas me reconnaître ? Voyons, Hans, quel trouble s’est donc emparé de vos esprits ? Pourquoi êtes-vous donc si tremblant ? Pourquoi manifestez-vous une crainte que rien ne justifie ? Jadis, ne vous avais-je pas juré, à l’heure où nous nous séparions dans les plaines sauvages du veld, à l’heure où tout autour de nous n’était que ruines, incendies, dévastations, à l’heure où les fermes brûlaient, de toutes parts, ne vous avais-je pas juré que je reviendrais ? Doutiez-vous de ma parole, par hasard ? Étiez-vous si absorbé dans vos occupations, que mon nom fût jamais arrivé jusqu’à vos oreilles, mon nom que j’ai su faire illustre, redoutable, respecté même ? Ainsi que je l’avais promis encore.

Des lèvres exsangues de Hans Elders, un seul mot sifflait encore. Une seule phrase qui semblait contenir à elle seule toute la terreur qui, manifestement, s’était emparé de l’âme du directeur de Diamond House :

— Fantômas, c’est vous, Fantômas. Ah, pourquoi ?

— Vous demandez pourquoi je suis revenu, Hans ?… Allons donc ! Avez-vous perdu l’esprit ? Faut-il que j’évoque à vos yeux les conventions que nous avions passées jadis ?

— Non.

— Alors, je vous le répète, d’où vient votre étonnement ?

— On vous disait mort.

— Mort ? Allons donc. Est-ce que Fantômas peut mourir ? Est-ce que Fantômas est mortel ?

Puis quittant le ton de la plaisanterie :

— Rappelez-vous Hans Elders, nous étions les meilleurs amis du monde. Et nous aurions eu des destinées pareilles si votre esprit, Hans ne s’était montré, en somme, que faible et de peu d’envergure. Car, tandis qu’alors déjà je me savais promis aux plus hautes destinées, vous, d’une ambition moins haute, vous vous estimiez satisfait de votre sort. C’est à ce moment, Hans, que je vous fis la proposition qui nous lie, que nous avons signé le contrat qui faisait de vous mon premier lieutenant et de moi l’artisan de votre fortune. C’est moi, Hans Elders, c’est moi Fantômas, qui vous ai donné l’idée géniale de cette fausse chercherie de diamants. Je m’engageais à vous trouver des pourvoyeurs, je vous promettais que les gemmes afflueraient dans vos coffres. Ai-je manqué à mes serments ? Ai-je trahi mes promesses ? Ai-je été en-dessous de la tâche que j’avais librement adoptée ? Répondez, Hans Elders.