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Zalachenko tendit sa main droite intacte. Niedermann tira une arme glissée dans son pantalon, fit jouer la glissière et la lui donna. Lisbeth nota que c'était un Sig Sauer, l'arme standard de la police. Zalachenko fit un signe du menton. Sans autre forme de communication, Niedermann pivota sur ses talons et enfila une veste. Il quitta la pièce et Lisbeth entendit la porte sur l'extérieur s'ouvrir puis se refermer.

— Juste pour que tu n'ailles pas imaginer des bêtises. La moindre tentative de te lever et je te truffe de plombs.

Lisbeth se détendit. Il aurait le temps de placer deux balles, voire trois, avant qu'elle puisse l'atteindre, et il utilisait probablement des munitions qui la feraient mourir d'hémorragie en quelques minutes.

— Tu as une sale gueule, dit Zalachenko en indiquant l'anneau qu'elle portait au sourcil. On dirait une pute.

Lisbeth le fixa.

— Mais tu as mes yeux, dit-il.

— Ça fait mal ? demanda-t-elle avec un signe de tête sur sa prothèse.

Zalachenko la contempla un long moment.

— Non. Plus maintenant.

Lisbeth hocha la tête,

— Tu rêves de me tuer, dit-il.

Elle ne répondit pas. Il éclata de rire.

— J'ai pensé à toi pendant des années. A peu près chaque fois que je me vois dans la glace, je pense à toi.

— Tu aurais dû laisser ma maman tranquille.

Zalachenko rit.

— Ta mère était une putain.

Les yeux de Lisbeth se firent noirs comme de l'encre.

— Elle n'était pas une putain. Elle était caissière dans une supérette et elle essayait de nous faire vivre avec ce qu'elle gagnait.

Zalachenko rit de nouveau.

— Garde-les, tes fantasmes sur elle. Moi, je sais qu'elle était une putain. Et elle s'est vite débrouillée pour tomber enceinte, et ensuite elle a essayé de me pousser au mariage. Comme si j'allais me marier avec une pute !

Lisbeth ne dit rien. Elle regardait l'orifice du canon en espérant qu'il relâcherait sa concentration un instant.

— La bombe incendiaire, c'était astucieux. Je t'ai haïe. Mais ensuite tout cela est devenu sans importance. Tu ne valais pas cette énergie-là. Si seulement tu n'étais pas intervenue, je n'aurais rien fait.

— Conneries. Bjurman t'a engagé pour me régler mon compte.

— Ça n'avait rien à voir. C'était un accord commercial. Il avait besoin d'un film que tu détiens et moi je mène un petit business.

— Et tu croyais que j'allais te refiler le film.

— Oui, ma chère fille. Je suis persuadé que tu l'aurais fait. Tu ne devines pas à quel point les gens deviennent coopératifs quand Ronald leur demande quelque chose. Surtout quand il démarre une tronçonneuse et scie un de tes pieds. Dans mon cas, ce serait en plus une compensation appropriée... un pied pour un pied.

Lisbeth pensa à Miriam Wu aux mains de Ronald Niedermann dans l'entrepôt de Nykvarn. Zalachenko se méprit sur son expression.

— Rassure-toi. On n'a pas l'intention de te dépecer.

Il la regarda.

— Est-ce que Bjurman t'a réellement violée ?

Elle ne répondit pas.

— Quel putain de mauvais goût il trimballait, celui-là. J'ai lu dans le journal que tu es une sorte de sale gouine. Ça ne m'étonne pas. Je comprends qu'aucun mec ne veuille de toi.

Lisbeth ne répondit toujours pas.

— Je devrais peut-être demander à Niedermann de t'astiquer. Tu as l'air d'en avoir besoin.

Il y réfléchit.

— Mais Niedermann ne baise pas les filles. Non, il n'est pas pédé. Il ne baise pas, c'est tout.

— Alors il va falloir que tu m'astiques toi-même, lança Lisbeth pour le provoquer.

Approche. Commets une erreur.

— Oh non, certainement pas. Je ne suis pas pervers à ce point.

Ils ne dirent rien pendant un moment.

— Qu'est-ce qu'on attend ? demanda Lisbeth.

— Mon associé revient bientôt. Il va seulement déplacer ta voiture et s'occuper d'un truc. Où se trouve ta sœur ?

Lisbeth haussa les épaules.

— Réponds-moi.

— Je n'en sais rien et, très franchement, je m'en fous complètement.

Il rit de nouveau.

— Et l'amour entre sœurs ? Camilla était toujours celle qui avait quelque chose dans le crâne alors que toi tu étais bonne à jeter à la poubelle.

Lisbeth ne répondit pas.

— Mais je dois reconnaître que c'est vraiment très satisfaisant de te voir de près de nouveau.

— Zalachenko, dit-elle, tu me fatigues un max. Est-ce que c'est Niedermann qui a tué Bjurman ?

— Bien sûr. Ronald Niedermann est un parfait soldat. Non seulement il obéit aux ordres, mais il prend aussi des initiatives quand il faut.

— Où est-ce que tu l'as dégoté ?

Zalachenko regarda sa fille avec une expression étrange. Il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, mais hésita et garda le silence. Il lorgna vers la porte extérieure et sourit tout à coup.

— Tu veux dire que tu ne l'as pas encore compris, dit-il. D'après Bjurman tu serais une enquêteuse particulièrement douée.

Puis Zalachenko éclata de rire.

— On a commencé à se fréquenter en Espagne au début des années 1990 quand j'étais encore en convalescence après ta petite bombe incendiaire. Il n'est pas mon employé... c'est un partenariat. Nous dirigeons une affaire florissante.

— Trafic de femmes.

Il haussa les épaules.

— On peut dire qu'on est diversifié et qu'on couvre de nombreux domaines et services. L'idée de notre entreprise est de rester dans l'ombre sans jamais nous faire voir. Tu n'as donc vraiment pas compris qui est Ronald Niedermann ?

Lisbeth ne dit rien. Elle ne voyait absolument pas ce qu'il insinuait.

— Ronald est ton frère, dit Zalachenko.

— Non ! fit Lisbeth, le souffle coupé.

Zalachenko rit de nouveau. Mais le canon du pistolet était toujours fermement dirigé sur elle.

— En tout cas ton demi-frère, précisa Zalachenko. Le résultat d'un divertissement au cours d'une mission que j'ai eue en Allemagne en 1970.

— Tu as fait de ton fils un tueur.

— Oh non, je l'ai seulement aidé à réaliser son potentiel. Il avait la capacité de tuer bien avant que je prenne en main son éducation. Et quand je ne serai plus là, il mènera loin l'entreprise familiale.

— Est-ce qu'il sait que je suis sa demi-sœur ?

— Bien sûr. Mais si tu t'imagines pouvoir faire appel à ses sentiments fraternels, oublie tout de suite. Je suis sa famille. Toi, tu n'es qu'un vague bruissement à l'horizon. Je dois peut-être te préciser qu'il n'est pas ton seul demi-frère. Tu as au moins quatre autres frères, et trois sœurs aussi, dans différents pays. L'un de tes autres frères est un crétin mais un autre possède un certain potentiel. Il s'occupe de la filiale de Tallinn. Cela dit, Ronald est le seul de mes enfants qui rende vraiment justice aux gènes de Zalachenko.

— J'imagine qu'il n'y a pas de place pour mes sœurs dans l'entreprise familiale.

Zalachenko eut l'air médusé.

— Zalachenko... tu n'es qu'un enfoiré ordinaire qui n'aime pas les femmes. Pourquoi est-ce que vous avez tué Bjurman ?

— Bjurman était un con. Il est tombé des nues quand il a découvert que tu étais ma fille. Il était une des très rares personnes de ce pays à connaître mon passé. Je dois reconnaître que ça m'a inquiété qu'il prenne brusquement contact avec moi, mais ensuite tout s'est arrangé au mieux. Il est mort et c'est toi qu'on a accusée.