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[Pas d'ADSL. Besoin d'infos sur un certain Dr Forbes de la fondation Santa Maria, et sur sa femme, domiciliés à Austin, Texas. 500 dollars à qui me fait la research. Wasp.]

Elle joignit sa clé PGP officielle, crypta le mail à l'aide de la clé PGP de Plague et appuya sur la touche Envoi. Puis elle regarda l'heure et constata qu'il était un peu plus de 19 h 30.

Elle arrêta l'ordinateur, ferma sa porte à clé et parcourut quatre cents mètres sur la plage, coupa la route de Saint George's et alla frapper à la porte de la remise derrière le Coconut. George Bland avait seize ans, il faisait des études à Saint George's. Il voulait devenir médecin ou avocat ou peut-être astronaute, et il était à peu près aussi maigrichon que Lisbeth Salander et pas bien plus grand qu'elle.

Lisbeth avait rencontré George Bland sur la plage la première semaine à la Grenade, le lendemain de son installation à Grand Anse. Elle avait fait une longue promenade sur la plage et s'était assise à l'ombre de quelques palmiers pour regarder des enfants qui jouaient au foot au bord de l'eau. Elle avait ouvert Dimensions et elle était plongée dans sa lecture quand il était venu s'asseoir quelques mètres seulement devant elle, apparemment sans remarquer sa présence. Elle l'avait observé en silence. Un jeune Black en sandales, pantalon noir et chemise blanche.

Comme elle, il avait ouvert un livre et s'était plongé dans la lecture. Comme elle, il étudiait un livre de mathématiques — Basics 4. Apparemment concentré sur le sujet, il commença à griffonner sur les pages d'un cahier. Ce n'est qu'au bout de cinq minutes, quand elle toussota, qu'il remarqua sa présence, et il sursauta, effrayé. Il s'excusa de l'avoir dérangée, ramassa son sac et son livre, et il s'apprêtait à quitter l'endroit quand elle lui demanda s'il trouvait les maths difficiles.

Algèbre. En quelques secondes, elle avait souligné une erreur fondamentale dans son opération. Une demi-heure plus tard, ils avaient terminé ses devoirs. Une heure plus tard, ils avaient parcouru le chapitre suivant et elle lui avait expliqué avec pédagogie les ficelles des opérations. Il l'avait contemplée avec vénération. Deux heures plus tard, il avait révélé que sa mère habitait au Canada, à Toronto, que son père habitait à Grenville de l'autre côté de l'île et que lui-même vivait dans une remise derrière le Coconut, plus haut sur la plage. Il était le dernier de la famille, avec trois sœurs plus âgées.

Lisbeth Salander trouva sa compagnie étonnamment relaxante. La situation était inhabituelle. Elle entamait rarement, pour ne pas dire jamais, la conversation avec d'autres personnes pour un simple bavardage. Il ne s'agissait pas de timidité. Pour elle, une conversation avait une fonction pratique : où est-ce que je peux trouver une pharmacie ou c'est combien, la chambre ? La fonction d'une conversation relevait aussi du boulot. Quand elle avait travaillé comme enquêteuse pour Dragan Armanskij à Milton Security, elle n'avait eu aucun problème pour mener des conversations délirantes afin d'obtenir des données.

En revanche, elle détestait les conversations personnelles qui débouchaient toujours sur une fouille en règle de ce qu'elle estimait relever du domaine privé. Tu as quel âge ? — Devine. — Tu la trouves bien, Britney Spears ? — C'est qui, ça ? — Tu aimes les dessins de Carl Larsson ? — Jamais réfléchi à la question. — Est-ce que tu es lesbienne ? — Va te faire !

George Bland était gauche tout en étant sûr de lui, mais il était poli et il essaya de mener une conversation intelligente sans entrer en compétition avec elle et sans fouiller dans sa vie privée. Tout comme elle, il paraissait seul. Il semblait simplement accepter le fait qu'une déesse des mathématiques soit descendue sur la plage de Grand Anse et il paraissait satisfait qu'elle veuille bien lui tenir compagnie. Après plusieurs heures sur la plage, alors que le soleil approchait de l'horizon, ils se levèrent pour partir. Il la raccompagna à son hôtel, en chemin il montra la bicoque qui lui servait de chambre d'étudiant et demanda s'il pouvait lui offrir le thé. Elle accepta, ce qui parut le surprendre.

Son habitation était des plus simples : une remise contenant une table en mauvais état, deux chaises, un lit et une armoire pour les vêtements et le linge. Pour seul éclairage, une petite lampe de bureau branchée sur un câble venant du Coconut. La cuisinière était un réchaud de camping. Il lui proposa du riz aux légumes qu'il servit sur des assiettes de camping en plastique. Il lui offrit également de fumer la substance locale illicite, ce qu'elle accepta.

Lisbeth n'avait aucun mal à noter que sa présence le troublait et qu'il ne savait pas vraiment comment se comporter. Sur un coup de tête, elle décida de le laisser la séduire. Cela prit la tournure d'un processus pénible et compliqué. Il avait compris ses signaux mais n'avait pas la moindre idée de la conduite à tenir. Il tourna autour du pot avec une frustration évidente jusqu'à ce qu'elle perde patience, le renverse sur le lit avec détermination et retire son débardeur.

C'était la première fois qu'elle se montrait nue devant quelqu'un depuis l'opération. Quand elle avait quitté la clinique avec ses nouveaux seins, la sensation qu'elle ressentait relevait de la panique, et il lui avait fallu un bon moment avant de réaliser que personne ne la regardait. La Lisbeth Salander qui d'habitude se fichait éperdument de ce que les autres pensaient d'elle n'en menait pas large ce jour-là.

Consciente que tôt ou tard il lui faudrait se jeter à l'eau, elle avait accueilli George Bland comme un début parfait, même s'il était d'une timidité alarmante. Après avoir réussi à lui enlever son soutien-gorge (non sans une certaine dose d'encouragement), il avait éteint la lampe près du lit avant de se déshabiller. Lisbeth avait rallumé. Elle avait attentivement surveillé ses réactions quand il la touchait avec maladresse. Bien plus tard seulement dans la soirée, elle s'était détendue et avait constaté qu'il considérait ses seins comme tout à fait naturels. Cela dit, il n'avait peut-être pas vu beaucoup de seins de femme.

Elle n'avait eu aucune intention de se trouver un amant adolescent à la Grenade. Ça s'était passé sur une impulsion et, quand elle le quitta tard dans la nuit, elle n'envisageait pas de le revoir. Dès le lendemain, pourtant, elle l'avait croisé de nouveau sur la plage et avait réalisé que ce jeune novice était une compagnie agréable. Durant les sept semaines qu'elle avait passées à la Grenade, George Bland était devenu un élément peut-être pas stable, mais néanmoins un élément dans son existence. Elle constata que lorsqu'ils se promenaient ensemble, ils devaient avoir l'air de deux ados. Sweet sixteen.

Il trouvait probablement que la vie était devenue plus intéressante. Il avait rencontré une femme qui lui donnait des leçons de maths et d'érotisme.

Il ouvrit la porte et lui adressa un sourire ravi.

— Tu veux de la compagnie ? demanda-t-elle.

LISBETH SALANDER QUITTA un George Bland béat de satisfaction peu après 2 heures du matin. Elle-même ressentait une sensation de chaleur dans le corps, et elle suivit la plage plutôt que la route pour revenir au Keys Hôtel. Elle marchait seule dans le noir, sachant très bien que George Bland allait la suivre à une centaine de mètres derrière.