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La fondation Gulbenkian.

Il entra dans le hall d’entrée, sa serviette à la main, et gravit le large escalier. De longues baies vitrées fendaient les murs épais, insérant le bâtiment dans le jardin, la structure artificielle dans le paysage naturel, le béton dans les plantes. Il passa par le foyer du grand auditorium et, après avoir frappé à la porte, pénétra dans le bureau.

— Bonjour, Albertina, comment ça va ?

La secrétaire archivait quelques documents dans une armoire. Elle tourna la tête et sourit.

— Bonjour, professeur. Vous voilà de retour ?

— Comme vous pouvez le constater.

— Tout s’est bien passé ?

— À merveille. Le professeur Vital est-il là ?

— Non, il est en réunion avec le personnel du musée. Il ne reviendra que cet après-midi.

Tomás resta indécis.

— Bon… je venais pour lui remettre le rapport de mon voyage au Caire. Je ne sais pas quoi faire. C’est peut-être mieux que je repasse cet après-midi ?

Albertina s’assit à son bureau.

— Laissez-le moi, suggéra-t-elle. Quand il reviendra, je le lui donnerai. S’il a des questions, il vous contactera, d’accord ?

L’historien ouvrit sa serviette et extirpa quelques pages liées par une agrafe.

— C’est d’accord, dit-il, en remettant les feuillets à la secrétaire. Je vous laisse mon rapport. Qu’il m’appelle si besoin.

Tomás se retourna pour sortir, mais la secrétaire l’arrêta.

— Ah, professeur.

— Oui ?

— Vous avez reçu un appel de Greg Sullivan, de l’ambassade américaine. Il demande que vous le rappeliez dès que possible.

L’historien repartit par le même chemin et se rendit dans son bureau au rez-de-chaussée, une petite pièce habituellement occupée par les consultants de la fondation. Il s’assit à son bureau et se mit au travail, préparant le plan des cours qu’il lui restait à donner avant la fin du semestre.

La fenêtre du bureau ouvrait sur le jardin : les feuillages et la pelouse ondulaient au rythme du vent, et les gouttes d’eau giclant des tourniquets étincelaient sous le soleil matinal. Il téléphona à un assistant et régla les détails des cours, en promettant de laisser au secrétariat de la faculté les plans qu’il venait de terminer. Après quoi, il chercha dans le répertoire de son portable le numéro de l’attaché culturel de l’ambassade américaine, et l’appela.

— Sullivan, j’écoute.

— Bonjour, Greg. C’est Tomás Noronha, de la Gulbenkian.

— Tomás ! Comment allez-vous ?

L’attaché culturel parlait portugais avec un fort accent américain, très nasal.

— Très bien. Et vous ?

— Bien aussi. Alors, c’était comment le Caire ?

— Normal. Je pense que nous allons conclure l’affaire pour acquérir la stèle. La décision appartient maintenant à l’administration, bien entendu. Mais mon impression est positive et les conditions me semblent acceptables.

— Je ne vois pas ce que vous trouvez de particulier à ces vieilleries égyptiennes, dit l’Américain en riant. Je pense qu’il y a des choses plus intéressantes qui mériteraient que l’on dépense de l’argent.

— Vous dites ça parce que vous n’êtes pas historien.

— Peut-être. Il changea de ton. Tomás, j’ai cherché à vous joindre parce qu’il faudrait que vous passiez à l’ambassade.

— Ah oui ? Que se passe-t-il ?

— C’est une affaire qui… enfin… ne peut être discutée par téléphone.

— Ne me dites pas que vous avez des nouvelles concernant la proposition que nous avons faite au Getty Center. Ils ont donc fini par accepter à Los Angeles…

— Non, ce n’est pas ça, coupa Sullivan. C’est… autre chose.

— Hum, murmura Tomás, cherchant à deviner de quelle affaire il s’agissait. Peut-être quelque nouvelle du Musée hébraïque, pensa-t-il. Depuis qu’il s’était mis à l’hébreu et à l’araméen, l’attaché américain lui proposait souvent d’aller à New York pour voir le musée.

— Très bien. Quand voulez-vous que je vienne ?

— Cet après-midi.

— Cet après-midi ? Je ne sais pas si je pourrai. Mes parents seront ici dans un moment et je dois encore passer à la faculté.

— Tomás, il faut que ce soit cet après-midi.

— Mais pourquoi ?

— Quelqu’un est arrivé d’Amérique. Il a pris l’avion exprès pour venir vous parler.

— Pour me parler à moi ? Qui est-ce ?

— Je ne peux pas vous le dire au téléphone.

— Allons, dites-le.

— Je ne peux pas.

— C’est Angelina Jolie ?

Sullivan rit.

— Décidément, vous faites une fixation sur Angelina Jolie. C’est la deuxième fois que vous m’en parlez.

— C’est une fille dotée d’attributs… disons… appréciables, commenta Tomás avec un sourire. Mais si ce n’est pas Angelina Jolie, qui est-ce ?

— Vous verrez.

— Écoutez Greg, j’ai autre chose à faire qu’à supporter des casse-pieds, vous comprenez ? Dites-moi qui c’est ou je ne viendrai pas.

L’attaché culturel hésita à l’autre bout de la ligne.

— OK, je vais vous donner une piste. Mais vous devez me promettre d’être là à 15 heures.

— À 16 heures.

— Très bien, 16 heures ici à l’ambassade. Je compte sur vous, d’accord ?

— Soyez tranquille, Greg.

— Parfait. À tout à l’heure, alors.

— Attendez, cria presque Tomás. Vous ne m’avez toujours pas donné de piste, bon sang.

— J’espérais que vous aviez oublié.

— Vous êtes un malin. Alors ? Cette piste ?

— C’est confidentiel, vous entendez ?

— Oui, oui, j’entends bien. Mais accouchez.

— OK, acquiesça l’Américain. Il respira profondément. Tomás, avez-vous déjà entendu parler de la CIA ?

L’historien crut mal entendre.

— Quoi ?

— On en parlera cet après-midi. À tout à l’heure.

L’horloge sur le mur indiquait 12h50 lorsque l’on frappa à la porte du bureau. La poignée tourna et Tomás vit se pencher un visage familier, une femme aux cheveux blonds bouclés, avec de grosses lunettes barrant des yeux vert clair, les mêmes yeux dont il avait hérités.

— Je peux ?

— Maman ! s’exclama l’historien, en se levant. Tout va bien ?

— Mon fils chéri, dit-elle, en le serrant et l’embrassant avec effusion. Comment vas-tu ?

Une toux sèche, derrière elle, annonça un second visage.

— Bonjour, papa, salua Tomás, tendant sa main avec prévenance.

— Alors, mon garçon ? Comment ça va ?

Ils se serrèrent la main, un peu embarrassés, comme toujours quand ils se rencontraient.

— Tout va bien, dit Tomás.

— Quand trouveras-tu une femme pour s’occuper de toi ? demanda sa mère. Tu as 42 ans, il faut que tu refasses ta vie, mon fils.

— Ah, mais j’y compte bien.

— Il faut que tu nous donnes des petits-enfants.

— Bien sûr, bien sûr.

— N’y a-t-il pas moyen que toi et Constança… enfin… vous…

— Non, il n’y en a pas, coupa Tomás. Il regarda vers l’horloge, cherchant à changer de sujet. Si on allait manger ?

La mère hésita.

— D’accord, mais… mais il vaudrait mieux, d’abord, qu’on parle un peu.

— On parlera au restaurant. Il fit signe de la tête. Allons-y. J’ai réservé une table et…