L’acrocyanose doit être distinguée de deux autres affections : le syndrome de Raynaud et l’érythromélalgie.
Le syndrome de Raynaud, décrit
par Maurice Raynaud (1834-1881) en 1862, associe « syncope, asphyxie locale et gangrène symétrique des extré-
mités ». Cette définition, à elle seule, fait la distinction d’avec l’acrocyanose.
Il s’agit ici d’accès paroxystiques dont le début est fait de pâleur. Très vite, l’extrémité de quelques doigts devient blanche, et cette pâleur s’étend de la pulpe vers la main en respectant géné-
ralement le pouce. Une diminution de volume du doigt est parfois même perceptible. Cette phase est parfois totalement indolore, mais souvent elle s’accompagne de fourmillements, d’un engourdissement du doigt, qui, joints à une diminution de la sensibilité, concourent à entraîner une certaine maladresse. Puis la phase de cyanose apparaît, la teinte bleutée prenant peu à peu la place de la pâleur en suivant la même progression. C’est au moment de cette phase asphyxique que les douleurs sont le plus nettes : sensation de fourmillements, élancements volontiers pulsatiles, avec sensation de gonflement des doigts. Ceux-ci, froids et bleus, sont moites, couverts de sueurs.
Après un temps variable, la fin de la crise est annoncée par la réapparition d’une teinte rosée qui repousse, toujours en suivant la même progression, la cyanose vers la racine du doigt.
Les extrémités du nez ou des oreilles peuvent présenter le phénomène de Raynaud, ainsi que les orteils. Des complications peuvent apparaître, sans rapport étroit avec l’ancienneté du phé-
nomène, sous forme d’ulcérations et de gangrène des extrémités. En effet ici, à côté de la cyanose, existe une anoxie, car la constriction des vaisseaux prive les tissus d’oxygène. Au pire, l’extré-
mité devient une escarre et exige des amputations progressives. Là encore ce sont les femmes qui sont le plus atteintes, et le début se situe fréquemment à la puberté ou aux alentours de la ménopause. Par contre, le rôle du froid est ici prépondérant : déclenchement ou majoration des troubles au début de l’hiver ; rôle déterminant d’une exposition à l’air froid ou surtout dans l’eau froide. Parfois les émotions, la colère (dont on sait le retentissement sur le système orthosympathique) ont une action dans le déclenchement du mal.
L’érythromélalgie semble avoir été décrite par Silas Weir Mitchell (1828-1914). Elle ne comporte ni pâleur ni cyanose, mais des poussées de rougeur intense des extrémités, avec augmentation de la chaleur locale et douleur vive. À l’opposé des cas précédents, l’érythromélalgie est déclenchée par le chaud. Les troubles surviennent en été ou souvent sous les couvertures du lit. Les pieds sont plus souvent atteints que les mains, ce qui différencie encore
cette affection des deux précédentes.
La douleur est surtout du genre brûlure, avec augmentation de la température cutanée, rougeur veineuse et dilatation des veines superficielles. La recherche du froid peut faire cesser la crise. Il n’y a pas ici de prédominance féminine. La motricité vaso-sympathique est peut-
être en jeu ici encore.
J.-C. L. P.
acromégalie
Affection endocrinienne acquise de l’adulte. Elle est la conséquence de l’hypersécrétion d’une hormone hypophysaire, l’hormone de croissance (so-mathormone ou STH), par une tumeur bénigne de l’hypophyse antérieure, habituellement un adénome éosinophile.
Elle a été individualisée par Pierre Marie (1853-1940).
L’action de l’hormone de croissance sur le tissu conjonctif, derme et os en particulier, après la soudure des cartilages de conjugaison, rend compte du trait le plus apparent de l’acromégalie : la déformation prédominant à la face et aux extrémités, d’apparition souvent progressive. Ainsi, le visage est dé-
formé par la saillie des arcades sourci-lières, des pommettes et du menton. Le nez, les lèvres et les oreilles sont épaissis, les dents sont écartées, la langue est épaisse et large. Le crâne est moins touché, avec cependant une saillie excessive des apophyses mastoïdes et de la protubérance occipitale externe.
Aux extrémités, les mains et les pieds sont épaissis et élargis ; l’hypertrophie porte sur tous les plans : peau, tissu cellulaire sous-cutané, muscles, os. Le thorax peut être modifié par une cyphose dorsale. Le ventre est gros et saillant ; une hypertrophie des organes intra-abdominaux (foie, rate, intestin) est parfois notée. La peau est épaissie, infiltrée et grasse, parfois anormalement pigmentée et riche en poils. Les cheveux sont rudes et sans souplesse.
Les modifications morphologiques de l’acromégalie peuvent, cependant, être plus discrètes et prêter à discussion avec les morphotypes acromégaloïdes constitutionnels. La comparaison avec les photographies antérieures, l’augmentation progressive et récente de la
pointure des gants et des chaussures sont alors des éléments précieux pour affirmer le caractère acquis des déformations.
L’examen radiographique du sque-
lette précise la participation osseuse dans les déformations. Au niveau de la tête, ce sont : l’accentuation de l’angle du maxillaire inférieur, l’épaississement irrégulier des parois de la voûte du crâne, l’hypertrophie des sinus et celle du tubercule de la selle turcique et de la protubérance occipale, parfois une hyperostose frontale interne. On observe également un épaississement de la corticale des os longs et une os-téoporose. La fréquence d’un élargissement des corps vertébraux et d’images d’arthrose exubérante a incité à isoler un « rhumatisme acromégalique ».
L’évolution de l’acromégalie est
très variable. Elle se résume parfois à la disgrâce corporelle, qui peut expliquer les troubles psychiques de type dépressif fréquemment observés. Mais la gravité de cette affection réside dans ses complications, qui apparaissent souvent lors d’une poussée évolutive.
Le risque majeur est oculaire : à l’étroit dans la loge hypophysaire, la tumeur peut comprimer le chiasma des nerfs optiques et exposer ainsi à la cécité par compression, puis par atrophie du nerf optique. Seule l’étude systé-
matique et répétée du champ visuel, à la recherche d’un rétrécissement, qui porte initialement sur les secteurs temporaux, permet de dépister cette compression avant l’apparition des premiers troubles visuels subjectifs.
Quant à l’appréciation du volume de la tumeur, elle est difficile et se juge indirectement sur l’élargissement de la selle turcique, visible sur les radiographies et les tomographies du crâne.
Les complications endocriniennes sont dominées par les troubles de la glyco-régulation, qui peuvent donner lieu à un diabète sévère, peu sensible à l’insuline. On observe parfois des troubles de la fonction sexuelle avec perte de la libido, impuissance chez l’homme, aménorrhée chez la femme. Le corps thyroïde peut être augmenté de volume (goitre). L’insuffisance cardiaque, dernière complication grave de l’acromé-
galie, de pathogénie encore incertaine,
est une cause non négligeable de mort.
La présence éventuelle de ces diverses complications intervient dans l’appré-
ciation de l’allure évolutive de la maladie. On tient compte également des données biologiques : taux de phosphore organique du sérum, augmenté lors des poussées, et taux plasmatique de l’hormone somatotrope, de dosage délicat, mais plus fidèle que le précé-
dent.
C’est en fonction de ces données
cliniques et biologiques qu’est fait le choix souvent difficile du traitement le mieux adapté : neurochirurgical ou radiothérapique. Le but du traite-downloadModeText.vue.download 109 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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ment neurochirurgical, le seul indiqué en présence de troubles oculaires, est d’extirper la tumeur hypophysaire par voie basse nasale transsphénoïdale ou par voie haute sous-frontale. La radiothérapie peut être effectuée par irradiation externe, en utilisant les hautes énergies, ou par irradiation in situ, avec des implants d’isotopes radioactifs d’yttrium ou d’or intrahypophysaires, mis en place par voie nasale. Quel que soit le traitement, une surveillance pé-