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H. N.

✐ Catalogues d’expositions : palais des Beaux-Arts, Bruxelles (1962) ; cabinet des Estampes, Genève (1963) ; musée national d’Art moderne, Paris (1966) ; hôtel des Monnaies, Paris (1968-1969).

Adam le Bossu ou

Adam de la Halle

Trouvère picard (Arras v. 1240 -

Naples v. 1285).

« On m’appelle « Bochu », mès je

ne le sui mie... » : fils d’un petit bourgeois d’Arras, Adam mena une vie

pittoresque mais mal connue, dont le déroulement n’est plus pour nous que

celui de ses chansons. Sans fortune —

son père n’était que commis à l’échevi-nat, c’est-à-dire employé de mairie —, il dut à la bienfaisance de deux frères (« Seigneur Bande et Seigneur Robert /

Le Normand ; ils m’ont dès l’enfance /

nourri et fait maint bien-fait ») d’entreprendre de solides études. Clerc « net et soustieu », il semble avoir étudié la grammaire et la philosophie en une abbaye cistercienne, mais il sentit flé-

chir sa vocation monastique le jour où

« emmi les bois, lès une fontenelle »

il rencontra Maroie. Il l’épousa. Des conflits municipaux (peut-être une affaire de fraude fiscale, la disgrâce de ses protecteurs) l’obligèrent, vers 1270, à quitter Arras pour Douai. Il adressa alors un Congé amer à sa ville natale, « Arras, ville de chicane et de haine et de perfidie ». On sait encore qu’il suivit le comte d’Artois dans le royaume de Naples, lorsque, après le massacre des Vêpres siciliennes, ce prince fut envoyé par le roi de France au secours de Charles d’Anjou, pour qui Adam composa probablement un

panégyrique conventionnel et inachevé en alexandrins rimes (Chanson du roi de Sicile). Adam mourut sans avoir atteint la cinquantaine et fut très tôt reconnu et célébré par ses concitoyens.

Le Jeu du Pèlerin, dû probablement au neveu d’Adam de la Halle, Jean Madot, et qui servit de prologue à la première représentation à Arras du Jeu de Robin et Marion, peu après la mort du poète, vante les talents

de Maître Adam, le clerc d’honneur, le gai, le large donneur

qui était plein de toutes les vertus.

De tout le monde, il doit être plaint car il avait mainte belle grâce

et surtout, il savait faire de beaux dits ; et il était parfait pour chanter.

À deux reprises, Adam fit oeuvre de dramaturge : vers 1276, il composa une suite de scènes burlesques et féeriques, le Jeu de la feuillée, ancêtre des « sotties » du XVe s. et des revues satiriques modernes ; vers 1282, il donna une

transposition scénique de deux sortes de chansons, la pastourelle et la berge-rie, dans une manière d’opérette rustique qui débute par le couplet célèbre

« Robin m’aime, Robin m’a... » (Jeu de Robin et Marion).

Si ces deux pièces forment, dans le répertoire français, la première manifestation d’un théâtre profane, elles témoignent cependant d’inspirations toutes différentes. Le Jeu de la feuillée porte dans tous les manuscrits le titre de Jeu d’Adam ; mais, pour éviter une confusion avec un célèbre drame liturgique, on a pris l’habitude de le nommer d’après la notation finale, explicit li jus de la fuellie, « fin du jeu de la feuillée ». La graphie picarde fuellie pour fuelliée permet un jeu de son et de sens entre le terme qui désigne l’abri de branchage qui protégeait les estrades arrageoises des fêtes de la Pentecôte et de la Saint-Jean et celui qui désigne la folie, la démence. Le Jeu de la feuillée mêle en effet le thème cher au Moyen downloadModeText.vue.download 121 sur 543

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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Âge de la déraison humaine à une ré-

ception des fées Morgue, Maglore et Arsile (thème également traditionnel de l’enchantement) par le bon peuple d’Arras, mais surtout à une satire impitoyable de la société patricienne et du clergé. Au contraire, le Jeu de Robin et Marion peint les tentatives de sé-

duction d’un beau chevalier à l’égard d’une bergère sur le rythme des danses champêtres et dans l’esprit des divertissements de cour.

Adam unissait à son talent de poète celui de musicien. Ce n’était point là situation d’exception : jusqu’au XIVe s. — Guillaume de Machaut en sera le dernier exemple — auteur du poème et auteur de la mélodie ne font qu’un. Nous lui devons 36 chansons à une voix et 16 partures ou jeux-partis.

Les thèmes poétiques en sont peu originaux ; Adam y disserte de manière souvent fort abstraite sur le sentiment d’amour :

On demande mout souvent qu’est Amours

Dont mains hom est du respondre abaubis, Mais ki a droit sent les douces doulours, Par soi meisme en puet estre garnis Ou pas n’aime, ce m’est vis !

Voici, annoncé par cette première demi-strophe, le sujet que traitera Adam en quelque cinquante vers. La musique ? Agréable sans plus, on serait tenté de la considérer parfois comme un simple support pour faciliter l’exé-

cution, puisque la même mélodie sert pour les cinq strophes. Et ce ne sont pas les quelques trouvailles mélodiques, au demeurant assez rares, qui eussent suffi à faire émerger Adam de la masse de ses rivaux.

Le trait de génie (à notre connaissance, il n’y a pas de précédent), ce fut d’avoir l’idée d’allier le théâtre et la chanson dans la pastourelle du Jeu de Robin et Marion. Abandonnant

pour ce jeu rustique et familier toute recherche de ce prétendu raffinement courtois dont il usait dans ses chansons, Adam parvient ici au naturel le plus exquis. On a parlé à ce sujet de

« premier opéra-comique » ! Il n’en est rien. Sur les 780 vers, 72 seulement sont pourvus de musique, répartie en six mélodies complètes et dix brefs emprunts (2 vers) à des timbres connus. Il s’agit donc plus simplement d’interventions musicales passagères, mais fort heureuses, dans le cours de cette pastourelle.

Si le Jeu de Robin et Marion a

contribué plus que toute oeuvre à la réputation d’Adam, il faut bien reconnaître qu’il n’a été jusqu’ici question que de veine mélodique, puisque nous n’avons parlé que de musique monodique. Or, depuis la fin du XIIe s., on pratiquait la polyphonie, et ce n’est que dans ce domaine que l’on pouvait parler de science musicale. Fait exceptionnel pour un simple trouvère, Adam, peut-être au cours de ses études à Paris, avait pratiqué l’art des polyphonistes

« déchanteurs ». Comme eux, il sait écrire dans le genre fort savant du motet profane à trois voix sur textes multiples. Onze motets d’Adam ont

été à ce jour identifiés. Motets de qualité et certainement appréciés, puisque plusieurs figurent dans la plus remarquable somme de textes de ce genre, le manuscrit de Montpellier. Certains présentent de surcroît la particularité d’emprunter quelques éléments à des oeuvres préexistantes, comme le nu-méro 269 du manuscrit de Montpellier, écrit sur la teneur

Hé ! Resvelle-toi Robin

Car on enmaine Marot (bis) !,

ou encore le numéro 271 du même manuscrit, où la voix médiane reprend la voix correspondante du rondeau à 3 :

Fi, mari, de vostre amour !

Quar j’ai ami.

Auprès des maîtres déchanteurs,

Adam s’est aussi exercé dans l’art du conductus (ou conduit) polyphonique, dans lequel plusieurs voix sur un rythme identique chantent les mêmes paroles. Nous ne savons pas s’il en a écrit. Mais nous savons qu’il a utilisé pour le genre jusque-là monodique du rondeau le mode de composition du conductus. Idée heureuse s’il en fut, car, d’une part, ses seize rondeaux restent son plus beau titre de gloire sur le plan musical, et, d’autre part, ils ont tracé la voie aux compositeurs des siècles suivants : les rondeaux tiennent en effet une grande place dans les oeuvres de Machaut, Dufay, Binchois, etc. Ceux d’Adam sont de dimensions exiguës : six à huit vers, répétitions comprises. En voici un exemple :