Naturalisation
Certains exemples de naturalisation sont classiques ; les déplacements des espèces sont suivis dans le temps et dans l’espace.
Originaire des eaux saumâtres du
bassin ponto-arabo-caspien au Plio-cène, le Mollusque bivalve Dreissen-sia polymorpha a envahi au XVIIIe s. la Volga ; adaptée à l’eau douce, l’espèce s’est propagée, par l’intermédiaire des fleuves et des canaux, en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et en France. Elle est actuellement abondante dans les canaux. Le Mollusque Gastropode Lithoglyphus naticoides, connu des bassins du Danube, du
Dniepr et de l’Europe sud-orientale, a suivi une migration analogue, mais moins rapide. Il est signalé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Le Crabe chinois Eriocheir sinensis, originaire de Chine, se trouve le long des côtes, dans les rivières et les
collections d’eau douce. Introduit accidentellement dans l’Elbe ou la Weser (1912), il s’est propagé dans les fleuves et le long des côtes du Danemark, de la mer Baltique, de la Suède, du golfe de Finlande ; il est actuellement aux Pays-Bas, en Belgique, en Angleterre et en France. Le trop célèbre Doryphore (Leptinotarsa decemlineata), découvert au Colorado (1814), a successivement envahi toute l’Amérique, puis l’Europe à partir de Bordeaux, où il a été introduit accidentellement avec des marchandises (1919). Importé en Australie (1870), le Lapin s’est rapidement naturalisé et a pullulé. Le Poisson-Chat d’Amérique (Ameiurus nebulosus),
bien établi dans certains lacs, étangs et fleuves français, détruit la faune pisci-cole indigène.
On pourrait encore citer l’introduction de plantes variées : le Robinier d’Amérique du Nord, le Marronnier d’Inde, les Champignons (Oïdium,
Mildew) d’origine américaine, parasites de la Vigne, Elodea du Canada, qui entrave la circulation fluviatile...
Ces divers exemples montrent que
les naturalisations ne sont pas toujours bénéfiques. L’intervention humaine, indirecte et involontaire, favorise souvent la dissémination des espèces, qui profitent parfois des transports humains (coques de bateaux, marchandises variées, avions, etc.).
Les espèces se naturalisent d’autant plus facilement qu’elles supportent aisément les variations de la température, de la salinité, de l’alcalinité, de la profondeur de l’eau, de la nourriture, etc. ; elles sont eury- (du gr. eurus, large), eurythermes, euryhalines, eu-ryioniques, eurybathes, euryphages, et s’opposent aux sténo- (du gr. stenos, étroit), sténothermes, sténohalines, sté-
noïoniques, sténobathes, sténophages.
Les populations humaines vivant
sous des climats extrêmes (déserts, haute altitude) présentent des adaptations en rapport avec les conditions exceptionnelles du milieu. Les métabolismes hydrominéral et protidique des populations sahariennes leur permettent de vivre dans ces conditions arides et assurent une meilleure ther-morégulation. Les adaptations respi-
ratoires sont particulièrement bien développées dans les populations des altitudes élevées. Le rapport entre la masse des hématies et le volume total du sang croît avec l’altitude.
Coloration adaptative
Il est nécessaire que les espèces se défendent contre des ennemis variés ; les colorations adaptatives, parmi bien d’autres moyens de défense, assurent une protection plus ou moins efficace.
Des animaux s’éclaircissent ou s’as-sombrissent selon qu’ils se trouvent dans des lieux lumineux ou sombres ; cette homophanie s’observe chez des Poissons, les Amphibiens, les Lézards, les Crustacés. D’autres espèces modifient leurs couleurs et les mettent en quasi-identité avec la couleur du milieu ; des Insectes variés sont homochromes avec le sol ou les supports sur lesquels ils vivent. Certains animaux (Lézards, Poissons plats, Céphalopodes, Crustacés, Insectes) manifestent une homochromie changeante, c’est-
à-dire que leur coloration s’harmonise avec celle du support et copie plus ou moins fidèlement les variations de celle-ci. Ainsi, le Caméléon passe du verdâtre au brunâtre ; une Sole placée sur un damier noir et blanc s’efforce de reproduire les cases noires et blanches.
Ces colorations adaptatives ré-
sultent du jeu de cellules pigmentées ou chromatophores qui se dilatent ou se contractent. Des expériences, assez difficiles à faire correctement, montrent que l’homophanie et l’homochromie exercent une action protectrice vis-à-vis des prédateurs ; les animaux homophanes ou homochromes
sont en général mangés dans une plus faible proportion que les animaux bien apparents ; cependant, un certain pourcentage d’animaux homochromes sont dévorés, la protection efficace n’étant pas absolue.
Adaptation éthologique
En rapport avec un mode de vie particulier, elle s’observe chez les animaux ou les plantes menant une vie identique. Ainsi, les faunes et les flores aquatiques, désertiques, cavernicoles, récifales, les animaux fouisseurs, arboricoles, les plantes halophytes,
grimpantes possèdent un ensemble de caractères communs qui leur confèrent un aspect typique permettant de deviner leur mode de vie avec un pourcentage d’erreur assez faible.
La palmure, la queue aplatie transversalement, l’ondulation du corps sont fréquentes chez les animaux aquatiques. Les tiges aquatiques, épaisses et molles, possèdent une écorce percée de lacunes remplies d’air et des tissus de soutien faiblement développés.
Une réduction des surfaces d’évaporation et des tiges succulentes riches en downloadModeText.vue.download 124 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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parenchyme aquifère caractérisent les plantes xérophytes (capables de vivre dans des régions sèches). Une Taupe (Insectivore), le Notorycte (Marsupial), la Courtilière (Insecte), trois animaux éloignés phylogéniquement, mènent le même mode de vie ; ce sont des fouisseurs, porteurs de pattes modifiées en une sorte de pelle leur permettant de creuser la terre et de la rejeter. L’allongement démesuré des pattes ou des antennes, l’absence de pigment, la ré-
duction ou l’absence des yeux caracté-
risent les cavernicoles. Les arboricoles possèdent des dispositifs propres à l’accrochage (queue préhensile garnie ou non d’un pavage écailleux, doigts opposés, griffes, pelotes adhésives) ou au saut (parachute, patagium). Les plantes grimpantes s’enroulent autour d’un support ; d’autres sont munies de crochets irritables (Artabotrys), de vrilles, parfois ramifiées et se terminant par des pelotes adhésives (Vigne vierge). Les gros yeux disposés à fleur de tête sur une face assez plate s’observent avec une grande fréquence chez les animaux nocturnes : Phalanger (Marsupial d’Australie), Galago (Lé-
murien d’Amérique), Effraie (Oiseau).
La nature du régime conditionne la morphologie de la denture, la conformation du tube digestif, la quantité des sucs digestifs et la nature des enzymes digestives. Tous les herbivores ont un intestin beaucoup plus long que les carnivores. Une alimentation particu-
lièrement riche en viande nécessite des enzymes différentes de celles qui sont requises par une alimentation composée essentiellement d’hydrates de carbone.
L’équipement enzymatique des In-
sectes carnivores comprend surtout des protéases, alors que celui des Insectes granivores est particulièrement riche en amylase. La métamorphose de la chenille en Papillon s’accompagne d’un changement enzymatique corré-
latif du changement de régime ; la chenille élabore plusieurs enzymes, et le Papillon, qui se nourrit exclusivement de nectar, ne fabrique plus qu’une in-vertase. Les Teignes des laines, les Anthrènes et tous les Insectes qui mangent des poils, des cornes, des plumes sont capables de digérer les kératines, protéines possédant une liaison disulfure et insensibles à l’action des protéases, enzymes spécifiques des protéines.