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La caravane partie de Harran campe aux environs de Sichem, que l’exploration archéologique a retrouvée au tell Balāṭa, à l’est de Naplouse. « Abraham traversa le pays, jusqu’au territoire de Sichem, au chêne de Moré. » Ce chêne de Moré, c’est-à-dire du « devin », est un arbre sacré marquant l’emplacement d’un vieux sanctuaire sémitique.

Les endroits sacrés, arbres, tombes, sanctuaires, sont, avec les points d’eau, nécessité vitale pour les hommes et les troupeaux, les centres de ralliement des Hébreux nomades.

De Sichem, Abraham continue vers

le sud jusqu’au Néguev. À l’époque patriarcale, cette région, malgré son nom (Néguev signifie le « pays sec »), n’était pas un désert, mais un pays pauvre, terre d’élection pour les nomades comme aussi pour les pillards. La pérégrination d’Abraham est jalonnée d’étapes dont les noms resteront dans l’histoire d’Is-raël : Béthel, Aï et surtout Hébron. Cette dernière région, au chêne de Mambré,

autre emplacement sacré, sera le port d’attache du clan abrahamite.

C’est à ce moment de la vie du patriarche qu’il faut placer l’épisode du séjour en Égypte (Genèse, XII). Une pé-

riode de sécheresse et de disette amène les nomades à chercher refuge dans la riche vallée du Nil.

Durant ce séjour arrive à Abraham une aventure dont l’aspect moral a longtemps embarrassé les commentateurs (Genèse, XII, 10 à 28). La tradition rapporte que Sara, femme d’Abraham, était très belle. En ces temps il valait mieux être le frère d’une jolie soeur que le mari d’une belle épouse, quand le seigneur du lieu la convoitait pour son harem.

Abraham fait donc passer Sara pour sa soeur. Emmenée au harem royal, elle sera tout de même rendue à son légitime époux, car, dit le vieux chroniqueur,

« Yahvé frappa de grands maux la maison de Pharaon, à cause de Sara, femme d’Abraham ».

De retour en Canaan, le clan, devenu trop important, se divise (Genèse, XIII).

Entre Abraham et Lot ont surgi des difficultés : « Le pays ne suffisait pas à leur installation commune et ils avaient de trop grands biens pour habiter ensemble. » Lot se fixe près des villes du sud de la mer Morte, cédant ainsi à l’attrait d’une vie plus sédentaire. Abraham, lui, reste l’homme de la vie nomade. De Mambré-Hébron, il rayonne dans le sud du pays à la recherche des pâturages et des points d’eau. À ce plateau qui garde le souvenir du grand patriarche, les Arabes ont donné le nom de Rāmat al-Khalīl (la hauteur de l’Ami) : dans la Bible et le Coran, Abraham est appelé « l’Ami de Dieu ».

Un curieux récit (Genèse, XIV) nous conte comment Abraham vint au secours de son neveu, victime d’un raid militaire organisé par quatre rois. Les historiens ont renoncé à identifier les quatre souverains. Mais il n’y a pas si longtemps on caressait encore l’espoir de voir surgir dans la geste patriarcale le célèbre Hammourabi* de Babylone.

La tradition religieuse mettra encore au compte du patriarche le salut de Lot et de sa famille lors de la légendaire catastrophe qui devait détruire Sodome et

les autres villes du sud de la mer Morte.

L’origine de cette légende célèbre est à chercher dans quelque séisme particulièrement destructeur. Les émanations de soufre, les eaux chaudes qui abondent dans la partie méridionale de la dépression ont été aux yeux des Anciens les témoins de la pluie de soufre et de feu que Yahvé fit tomber sur les villes maudites (Genèse, XIX). Le nom de Sodome est conservé par le Djebel Sudum (djabal al-Sadūm). C’est un downloadModeText.vue.download 37 sur 543

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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épais gîte salin où se dressent des stèles de sel. Ces « statues de sel » aux formes étranges, qui se retrouvent d’ailleurs un peu partout sur les deux rives, ont donné lieu à toutes sortes de récits populaires.

À la statue de la femme de Lot dont parle la Bible, la tradition arabe a ajouté celle de son chien.

La descendance

du patriarche

Abraham et Sara voyaient venir la vieillesse, et ils n’avaient pas d’enfant. Or Sara « avait une servante égyptienne nommé Agar. Et Sara dit à Abraham : voici que Dieu ne m’a pas permis d’enfanter. Viens donc vers ma servante et peut-être par elle aurai-je un fils »

(Genèse, XVI). En effet, d’après le droit mésopotamien, une épouse stérile pouvait donner à son mari une servante, et l’enfant né de cette union était reconnu comme fils de la femme légitime. Cette coutume se trouve dans le code d’Hammourabi et dans les lois de Nouzi. C’est ainsi que naît Ismaël, l’ancêtre des peuples arabes.

Mais la présence de deux épouses ne favorise guère la paix du foyer. Agar, fière d’avoir un fils, oublie qu’elle n’est qu’une concubine, et son arrogance irrite sa maîtresse. La situation va devenir encore plus tendue du fait de la naissance d’un nouvel enfant, fils, cette fois, de l’épouse en titre : Isaac, l’enfant de la promesse divine. « Ta femme Sara te donnera un fils et tu l’appelleras Isaac.

J’établirai mon alliance avec lui en alliance perpétuelle pour sa race après

lui » (Genèse, XVII). C’est cet enfant qui sera l’ancêtre du peuple juif.

Or, selon l’ancien droit oriental, l’enfant né d’une concubine avait droit à l’héritage paternel, s’il était juridiquement considéré comme fils de l’épouse, ce qui était le cas d’Ismaël. Et Sara, dans sa jalousie maternelle, ne voulait pas que l’héritage soit partagé entre Isaac et le fils de la servante. « Chasse cette servante et son fils. » Le code d’Hammourabi et les lois de Nouzi interdisaient de chasser la servante qui avait donné au maître un enfant. Cependant, pour avoir la paix et à contrecoeur Abraham se résout à renvoyer Agar et son fils. Isaac reste seul porteur de toute l’espérance de la race promise.

Et voici que Dieu, dit le texte biblique, va demander à Abraham de lui faire le sacrifice de ce fils, « ton fils Isaac ton unique, celui que tu aimes »

(Genèse, XXII). Abraham se met en devoir d’obéir. Mais au dernier moment une victime animale sera miraculeusement substituée à la victime humaine.

Comme la légende d’Iphigénie dans la mythologie grecque, ce récit témoigne d’une même réaction contre les sacrifices humains, assez fréquents chez les Cananéens et pratiqués aussi en Israël, mais plus rarement, jusqu’au VIe s. avant notre ère.

Isaac grandit. Typiquement oriental est le récit de son mariage (Genèse, XXIV). Abraham envoie son intendant en haute Mésopotamie chercher une femme pour son fils, là où s’était fixée, après la sortie d’Our, une partie de la tribu de Térah. Car le patriarche ne veut pas pour l’héritier de sa race une fille des Cananéens parmi lesquels il vit.

L’endogamie (mariage à l’intérieur du clan) est une coutume, héritage de la vie tribale, fréquemment attestée dans l’Orient ancien. Isaac épousera sa cousine Rébecca. Dans le récit, un détail nous frappe : c’est le frère de la jeune fille, et non le père, qui dirige les négociations prématrimoniales. Et, à la différence d’Abraham, qui décide de tout sans consulter son fils, dans la famille de Rébecca la jeune fille est consultée.

On retrouve une pratique semblable dans la civilisation de Nouzi, dont une tablette nous rapporte la déclaration,

faite devant témoins, d’une jeune fiancée : « Avec mon consentement, mon frère m’a donné comme femme à... »

De même en est-il des cadeaux offerts à Rébecca de la part de son futur beau-père Abraham. Le code d’Hammourabi témoigne de l’existence de la même pratique en Mésopotamie.

Éloge d’Abraham

Abraham, ancêtre célèbre d’une multitude de nations,

nul ne lui fut égal en gloire.

Il observa la loi du Très-Haut

et fit une alliance avec lui.

Dans sa chair il établit cette alliance et au jour de l’épreuve il fut trouvé fidèle.