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d’un enseignement tenu pour vérité, donc, à travers même une pédagogie libérale et vivante, le risque du dogmatisme, de la tradition limitée à la pratique rituelle, de l’institution succédant à l’imagination. Dès les premières manifestations du phénomène académique se révèlent les deux caractères qui, tantôt complémentaires, tantôt contradictoires, distinguent l’histoire de toutes les sociétés savantes ou littéraires : l’académie est soit une réunion d’écrivains ou d’hommes de sciences qui, de leur propre mouvement et en pleine liberté, mettent en commun leurs recherches, leur savoir, leurs doutes, soit un établissement officiel entretenu et contrôlé par un État au développement et à la gloire duquel il est invité à concourir. Derrière l’assemblée d’humanistes enthousiastes que Marsile Ficin rassemble au milieu du XVe s. dans la villa de Careggi se profile la munificence calculée de Cosme de Médicis. Certes, le Moyen Âge avait connu des cercles de poètes — puys, cours d’amour ou chambres de rhétorique —, réunis autour d’un protecteur le plus souvent princier, mais leur ambition se haussait rarement au-dessus de la conversation galante et leur horizon se confondait la plupart du temps avec les bornes du fief seigneurial ou, en Artois et en Flandre, avec les murs de la cité.

La première académie fondée en France en 1570 par Jean Antoine de Baïf et à laquelle Charles IX accorda des lettres patentes, l’Académie de poésie et de musique, ne jouera encore de rôle que dans la préparation des divertissements de la Cour. Le patronage de Platon sous lequel se placent les érudits florentins a une signification plus haute : les manuscrits apportés en Italie par les savants byzantins fuyant la conquête turque permettent à l’Occident une rencontre directe avec les auteurs grecs, sans passer par le filtre latin. La renaissance des lettres provoque un renouveau de la pensée. Dans le XVIe s. italien, l’avant-garde philosophique et littéraire, ce sont les académies. Mais cet effort de modernisme scientifique et de pensée libre sera la cause même, pour les académies, de la perte de leur liberté et de leur soumission au prince. Suspectes à l’Église et aux universités scolastiques, combattues par les corporations artisanales, les académies sont rapidement réduites à solliciter l’appui des grands-

ducs de Toscane ou des cardinaux romains. Pour mettre en cause les institutions médiévales, elles sont contraintes de se constituer en institutions. Et si l’Académie florentine paraît à beaucoup trop contraignante, les dissidents rassemblés sous le blason orné d’un blutoir de l’Académie della Crusca se donnent bientôt des statuts et édictent à leur tour des règles. Les académies vont essaimer dans toute l’Italie, se spécialiser, organiser et dispenser, véritables universités parallèles, un enseignement technique ou artistique. Mais l’impulsion décisive qui les implantera dans l’Europe entière viendra d’une volonté politique et centralisatrice. En créant l’Académie française, Richelieu cherche, par-delà le souci affirmé d’affinement et d’épuration de la langue, à fonder une politique d’orientation de toutes les disciplines intellectuelles et créatrices, qui sera poursuivie par Mazarin et Colbert.

C’est à cet administrateur passionné que l’on doit la rationalisation du projet académique et l’un de ses traits les plus durables. Respectueux des principes d’ordre et de raison qui sont ceux de son siècle, mais pressé par la nécessité de mettre la France, par des découvertes dans le domaine des sciences appliquées, en état de répondre à la concurrence étrangère, soucieux également d’organiser le culte de la personnalité royale, Colbert accorda appui et cré-

dits aussi bien aux savants préoccupés d’inventions techniques qu’aux artistes représentant le souverain dans le bronze ou la pierre ou aux poètes chargés de composer les devises et les inscriptions des arcs triomphaux. Cette conception du rôle des académies est encore aujourd’hui celle des pays rénovés, comme l’U. R. S. S. et la Chine, ou des nations nouvellement parvenues à l’indépendance : les corps savants qui groupent les noms les plus célèbres de la science, de l’art, de la littérature contribuent à la fois au prestige national et au développement scientifique et culturel de leur pays. C’est cette image que le prestige du classicisme français a diffusée de downloadModeText.vue.download 50 sur 543

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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Lisbonne à Saint-Pétersbourg, en passant par Berlin et Stockholm, et que la Révolution française, une et indivisible, reprit dès 1795 après avoir cru pouvoir, à la suite de Mirabeau, démocratiser le talent. Malheureusement les Jacobins furent des conservateurs littéraires, et le romantisme, en proclamant la relativité et la subjectivité du Beau, assigna définitivement au génie créateur le quarante et unième fauteuil.

J. D.

Les principales

sociétés en France et à

l’étranger

Institut de France.Il rassemble : 1o l’Académie française, fondée en 1635 par Richelieu (40 membres) ; 2o l’Académie des inscriptions et belles-lettres, fondée en 1663 par Colbert (40 membres), et s’occupant de travaux d’érudition his-

torique ou archéologique ;

3o l’Académie des sciences, fondée en 1666 par Colbert (66 membres, plus 2 secrétaires perpétuels et une trentaine de membres libres et non résidents) ; 4o l’Académie des beaux-arts

(40 membres, plus 1 secrétaire per-pétuel et 10 membres libres) ; elle est composée de peintres, de sculpteurs, de graveurs et de musiciens ; ses diverses sections, créées successivement par Mazarin et Colbert, furent réunies en une seule compagnie en 1795 ; 5o l’Académie des sciences morales et politiques, fondée en 1795 par la Convention (40 membres répartis en cinq sections, plus 10 membres formant une « section générale ») ; elle se consacre à l’étude de questions de philosophie, de droit, de sociologie, d’économie politique et d’histoire générale.

En Belgique, il y a quatre académies :

— Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, fondée par Marie-Thérèse en 1772 ;

— Koninklijke Academie voor

Wetenschappen, Letteren en

Schone Kunsten van België, pen-

dant néerlandais de la première ;

— Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique ;

— Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal- en Letterkunde, pendant néerlandais de la précédente, réservée comme elle aux écrivains et aux philologues.

Académie des sciences de Berlin.Fondée en 1700 par Frédéric Ier, la Société des sciences de Berlin prit en 1743 le titre d’Académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse. Réorganisée en 1946, elle devint l’Académie allemande de Berlin ; elle joue un rôle important dans le domaine de la recherche scientifique.

Académie royale espagnole.Elle a été fondée en 1713 et approuvée l’année suivante par Philippe V (36 membres et 30 correspondants étrangers).

Société royale de Londres.Issue d’une association scientifique créée vers 1645 et organisée par une charte royale de Charles II en 1662, elle entreprend de nombreuses enquêtes sur des questions de mathématiques, de physique ou de biologie.

Académie britannique.Fondée en

1901, elle fut reconnue en 1902 par Édouard VII. Cent membres, qui élisent leur président, des membres honoraires et des correspondants étrangers se consacrent à l’« encouragement des études historiques, philosophiques et philologiques ».

Académie della Crusca.Fondée à

Florence dans la seconde moitié du XVIe s., elle se donna pour but d’épurer la langue italienne. Elle fusionna de 1783 à 1808 avec l’Académie florentine, mais reprit son autonomie. Elle se consacre à la publication d’un dictionnaire historique de la langue italienne.

Académie nationale dei Lincei.Fondée en 1603, à l’instigation du comte Cesi, dissoute en 1630, réapparue de 1745 à 1755, elle ne fonctionna régulièrement qu’à partir de 1801 ; Académie pontificale en 1847, dédoublée en 1870 en Académie pontificale des sciences et en Académie nationale royale dei Lincei, elle se fondit dans l’Académie d’Italie en 1929, mais recouvra son autonomie et ses fonctions en 1944.