Ces académies, que l’on appellerait plutôt aujourd’hui « foyers culturels », contribuèrent grandement à l’extension de la culture musicale. Au XVIIe et au XVIIIe s., un grand nombre de villes possédèrent leurs académies : Amiens (académie de Sainte-Cécile, 1625), Troyes (1647), Orléans (1670), Strasbourg (1687-1698), Bordeaux (acadé-
mie des Lyriques, 1707), Lyon (1713), Marseille (1685), Carpentras (1719), Nîmes (1727), Nantes (v. 1728), Clermont-Ferrand (1731), Moulins (1736), Caen, Nancy, Dijon, Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence, etc. La Révolution sonna le glas de ces institutions,
autour desquelles s’était concentrée depuis deux siècles la vie musicale de la nation. De nos jours, l’Académie des beaux-arts, fondée en remplacement de l’Académie de peinture et de sculpture, est une des « classes » de l’Institut. Elle comporte une section musicale, composée de six compositeurs français, de six compositeurs étrangers et des membres correspondants. Des « prix de Rome »
sont décernés chaque année dans les différentes sections.
Dans les autres pays, de nombreuses relations font état, dès le début du XVIIe s., de cercles restreints qui groupaient un peu partout, autour de la poé-
sie, de la musique et de la culture en général, des savants et des chercheurs autodidactes. En Allemagne, il fallut attendre la fondation de la Societät der musicalischen Wissenschaften (1738) à Leipzig pour voir s’officialiser la culture musicale dans un esprit large, sous la direction de J. S. Bach, Händel, Telemann et Stölzel. Goethe, qui donnait à la musique la place accordée par Platon dans la culture de la jeunesse, imposa son étude en 1803 dans les travaux de l’Akademie der Künste.
En Angleterre, l’Academy of Ancient Music (1710-1792) fut essentiellement une société de concert. De nos jours, s’il existe encore des académies de caractère plus théorique que pratique (Académie royale suédoise de musique de Stockholm), la plupart sont devenues uniquement des sociétés de concert ou de théâtre (Academy of Music de New York) ou des conservatoires (Akademie für Musik und darstellende Kunst de Vienne, Staatliche Akademie der Ton-kunst de Munich, Akademie für Kirchen- und Schulmusik de Berlin, Royal Academy of Music de Londres). Ce ne sont plus des cercles de dilettantes. Des salles de concert portent parfois le nom d’académie (Singakademie de Vienne et de Berlin). Des académies étrangères, institutions d’État, ont aussi des sections musicales (Académie royale de Bruxelles).
A. V.
✐ M. Brenet, les Concerts en France sous l’Ancien Régime (Fischbacher, 1900). / F. A. Yates, The French Academies of the Sixteenth Century (Londres, 1947).
Académie royale
de danse
Institution française fondée par
Louis XIV en 1661.
La danse* et les ballets* connaissaient une vogue extraordinaire vers le milieu du XVIIe s. Dames et seigneurs de la Cour se passionnaient pour la danse, mais cet engouement n’impliquait pas forcément des dons requis pour paraître, aux côtés du roi, danseur de talent, dans les ballets montés à grands frais, dans un luxe inouï de décors et de costumes. Pas et figures, transmis oralement, couraient le risque d’être déformés, et la danse de s’appauvrir. Louis XIV voulut « rétablir
[la danse] dans sa perfection et l’augmenter autant que faire se pourra ». De cette nécessité et du désir royal naquit l’Académie royale de danse (1661), dont les lettres patentes furent enregistrées au parlement le 30 mars 1662. Le fait que cette académie était fondée tout au début du règne de Louis XIV et avant la création des Académies des inscriptions (1663), des sciences (1666), de musique (1669) témoigne de la faveur dont jouissait la danse à cette époque.
L’Académie royale de danse était
composée de treize maîtres à danser les
« plus expérimentés dudit art », parmi lesquels Henri Prévost, premier maître à danser de Louis XIV, Jean Renaut (ou Renaud), maître à danser du Dauphin, Guillaume Raynal (ou Reynal), maître à danser de Monsieur, et Galand du Désert (ou Galant des Airs), maître à danser de la reine. Charles Louis Beauchamp, qui demeura le maître à danser du roi pendant vingt ans, devenait surintendant des Ballets du roi, puis maître de ballet à l’Académie royale de musique et de danse, lorsqu’elle prit cette dénomination en 1671. Les académiciens prodi-guaient leurs leçons, sans lettres de maî-
trise, à tous ceux qui les sollicitaient ; ils tinrent leurs premières assises au cabaret de l’Épée de bois, proche de la rue Quincampoix, où bientôt les nobles buts de l’Académie s’estompèrent. Nantis de privilèges importants (exemption de garde, de taille, de tutelle et de guet), les académiciens étaient plus préoccupés de leurs intérêts personnels que de ceux de la danse. L’Académie devint rapidement une association très fermée.
Elle ne joua pas le rôle qui lui avait été assigné, végéta pendant plus d’un siècle et cessa totalement d’exister en 1780.
Noverre*, dans ses Lettres sur la danse et sur les ballets (1760), envisagea de lui donner une seconde existence, mais ce projet ne put être réalisé.
H. H.
Académie royale
de peinture et
de sculpture,
Académie royale
d’architecture
Institutions de la France classique. Par un mouvement spontané, qui correspondait aux vues du pouvoir, les artistes de la Cour se groupèrent en académies : Académie royale de peinture et de sculpture dès 1648, fondatrice en 1666
de l’Académie de France à Rome ; Académie royale d’architecture à partir de 1671.
L’Académie royale de
peinture et de sculpture :
une fondation difficile
Les peintres et les sculpteurs, en 1648, étaient soumis à la tyrannie de la maî-
trise. Cette institution était encore régie par les règlements de 1391, qui maintenaient ces arts au rang d’artisanat, tout en faisant subir aux artistes contrôles et taxes. Ces pratiques étaient d’autant plus mal tolérées qu’y échappaient pratiquement les « privilégiés », c’est-à-dire les peintres de la Cour. Enhardie par le climat de la Fronde, la maîtrise présenta une requête destinée à limiter le nombre de ces privilégiés. C’est d’abord pour répondre à cette offensive que quelques artistes formèrent le projet d’une académie.
Les peintres Justus Van Egmont
(1601-1674) et Michel Ier Corneille (1601-1664), le sculpteur Jacques Sarazin* et l’amateur Martin de Charmoys élaborèrent les statuts : les membres de ladite Académie seraient choisis parmi les artistes « continuellement occupez au service de Sa Majesté » et s’enga-geraient à donner des leçons publiques de dessin. Le Brun* présenta les statuts au chancelier Séguier, enchanté d’arracher au parlement une partie de
son autorité sur les artistes. Le peintre Henri Testelin fut nommé secrétaire (1650). Au début, l’Académie connut des difficultés : création par la maîtrise d’une école concurrente sous l’autorité de Simon Vouet*, escarmouches entre les amis de Mazarin et ceux du chancelier. La maîtrise, qui avait fini par downloadModeText.vue.download 52 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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accepter de siéger sous la présidence du chef de l’Académie, fut expulsée en 1655 de façon à peine voilée. L’Acadé-
mie s’installa aux Galeries du Louvre et devint très vite une institution hiérarchisée. Elle était composée comme suit : protecteur, Mazarin ; vice-protecteur, le chancelier Séguier ; directeur, l’intendant Antoine Ratabon ; chancelier, Le Brun ; recteurs, par quartiers, Sarazin, Le Brun, les peintres Sébastien Bourdon* et Charles Errard (v. 1606-1689) ; professeurs, par mensualités, Philippe de Champaigne*, Henri Testelin (1616-1695), Claude Vignon*, le sculpteur Gilles Guérin (1606-1678) et, plus tard, Michel II Corneille (1642-1708), Charles François Poërson (1653-1725).