Giovanni Francesco Barbieri, dit en franç. le Guerchin (Cento, près de Bologne, 1591 - Bologne 1666), travailla à Bologne avec Ludovico Carracci, puis à Venise, où il s’initia aux problèmes de la couleur, ce qui explique son premier style luministe. Appelé à Rome par le
pape Grégoire XV Ludovisi, il peignit pour celui-ci la célèbre fresque l’Aurore (1621), dans un style presque baroque, bien différent de celui du Guide qui avait traité le même sujet. Mais, après la mort de ce dernier, le Guerchin en recueillit le goût classique, déjà sensible dans une oeuvre plus ancienne, Et in Arcadia ego, qui inspira les Bergers d’Arcadie de Poussin.
L’académisme en France
Poussin est l’intermédiaire par lequel les idées des disciples des Carrache et leur peinture contribuèrent à former le goût français du XVIIe s. C’est en France que la forme académique trouva son expression la plus achevée grâce à un roi passionné pour la grandeur de son décor. Les exigences scientifiques réapparurent, aussi rigoureuses que dans les traités d’Alberti. L’importance primordiale du dessin, de la peinture d’histoire, le besoin de justifier une activité artistique par l’obéissance à des « règles certaines », tirées cette fois non seulement de l’examen des antiques et des chefs-d’oeuvre de la Renaissance, mais aussi des oeuvres de Poussin, tels sont les principaux aspects de la théorie académique selon Le Brun*. Certains furent imposés avec tyrannie : c’est le cas de la prédominance du dessin sur le coloris.
Une querelle restée célèbre sur les mé-
rites respectifs de la couleur et du dessin éclata en 1672. On en trouve l’écho dans le Dialogue sur le coloris de Roger de Piles (1673), où la couleur était considé-
rée comme seule capable de distinguer la peinture des autres arts. Il ne fallait pas craindre de pousser les effets grâce au clair-obscur. Significatif est le voeu de R.
de Piles que l’on crée, en pendant à celle de Rome, une école académique à Venise, patrie du coloris. L’opposition que ces idées suscitèrent prouve que l’esthé-
tique était alors profondément liée à la morale : trop accorder à la couleur équi-valait à se laisser éblouir par l’« éclat extérieur » aux dépens du « solide ».
Remarquons aussi que les partisans du coloris étaient ceux de Rubens et que les
« rubénistes » triomphèrent dans les dernières années du siècle au détriment des
« poussinistes ».
Après la mort de Le Brun et dans
les dernières années du règne de
Louis XIV, l’importance de l’Acadé-
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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mie alla décroissant ; l’argent manquait et l’on était fatigué de l’autoritarisme.
Mais le rayonnement de l’institution académique se manifesta d’une autre manière, par la création en province d’académies artistiques aussi bien que scientifiques et littéraires. À l’étranger, on vit s’ouvrir des académies sur le modèle français : à Berlin en 1696, à Vienne en 1705, à Madrid en 1714.
En France, la première moitié du
XVIIIe s. fut une époque de tolérance et d’éclectisme : si l’Italie de la Renaissance et les Bolonais restaient les grands maîtres, les Flamands avaient acquis droit de cité. Mais, au milieu du siècle, une réaction se produisit, causée par le retour aux postes clés de fortes personnalités, comme les directeurs des Bâtiments Tournehem et d’Angiviller.
L’enseignement artistique, redevenu le monopole de l’Académie, multipliait les exigences archéologiques, ajoutant aux programmes antérieurs des cours d’histoire, de littérature antique, d’histoire du costume, dont la fréquentation était obligatoire. De grands efforts furent faits pour restaurer la prééminence de la peinture d’histoire (on n’hésita pas à modifier les tarifs de façon à favoriser les grands formats). Imposant à tous le genre le plus difficile, l’Académie contribua à épuiser les talents et à exalter la médiocrité, aidée en cela par un enseignement où des maîtres trop nombreux professaient une doctrine trop étroite. C’est la raison pour laquelle David s’employa à détruire une partie de l’organisation des beaux-arts. Son propre enseignement était sincèrement hostile aux conventions, mais, incapable de se passer de théories qu’il ne pouvait concevoir lui-même, David se rangea à une conception moralisante de l’art dangereuse pour des personnalités artistiques moins marquées que la sienne. À
mesure que se développaient les idées selon lesquelles la beauté artistique ne pouvait dépendre du respect de règles fixes (ce sont les idées de Diderot* en critique d’art et de Kant* en philosophie), l’institution académique pouvait
paraître anachronique.
La décadence
La tradition académique s’est manifestée encore une fois dans un triomphe qui devait mieux la perdre, sous le second Empire et jusqu’au début du XXe s., époques à partir desquelles la révolution industrielle créa un fossé entre l’artiste et la société. Dominateur et mou, exclusif et appauvrissant, l’académisme provoqua la révolte de jeunes peintres et, plus encore, la remise en cause progressive de la plupart des principes esthé-
tiques hérités de la Renaissance, autant dire une révolution artistique.
Épuisement de la longue et redou-
table tradition des grandes scènes mythologiques et historiques ? Excès de la prééminence du dessin sur un coloris devenu délavé ? Sans doute. Des artistes, parfois plus sincères pour eux-mêmes, étaient incapables de refuser au public des sujets convenus pour lesquels s’était éteinte en eux toute faculté d’invention.
L’esprit de recherche était remplacé par un art d’imitation qui recommandait l’habileté et conduisait à la spécialisation : un Detaille (1848-1912), peintre de batailles, un Cormon (1845-1924), peintre de scènes préhistoriques. Dans les Funérailles de sainte Cécile (1854), William Bouguereau (1825-1905)
développait un répertoire de gestes et d’attitudes empruntés aux maîtres du passé, sans plan d’ensemble, vraie gesticulation figée. Sur les cercles officiels régnaient alors Alexandre Cabanel (1823-1889), académicien et professeur à l’École des beaux-arts, qui exposa au Salon de 1865 (celui de l’Olympia de Manet*) une Naissance de Vénus achetée par l’empereur, Thomas Cou-ture (1815-1879), prix de Rome 1837, célèbre dès 1847 avec les Romains de la décadence, Léon Gérome (1824-1904), représenté à l’Exposition universelle de 1855 par le Siècle d’Auguste et la Naissance du Christ, acquis par l’État.
Ernest Meissonier (1815-1891) atteignit le sommet de la gloire avec des scènes de genre et des costumes militaires d’un minutieux fini d’exécution. Ainsi, l’union s’était faite de l’incompétence de Napoléon III, vague mécène et restaurateur d’une Cour, et de la médiocrité des artistes en vue, asservis au public
fortuné qui donnait le ton à la « Fête impériale ». L’opinion appréciait des tableaux plus flatteurs que délectables et ne voyait que le sujet, rassurée par des vues banales pourvu qu’elles fussent ressemblantes, jugeant grossier et immoral le réalisme d’un Courbet, toute à son admiration pour les nus conster-nants d’insignifiance et de vulgarité de Bouguereau. Cet art de parvenus s’est nourri d’un académisme éculé.