Les limitations de l’une et l’autre mé-
thode dans la course vers les énergies élevées ont cependant imposé aux physiciens des solutions originales permettant de gravir par étapes l’échelle des énergies. C’est ainsi que nous rencon-downloadModeText.vue.download 58 sur 543
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trerons successivement l’accélération résonnante, puis l’accélération synchrone. Les accélérateurs atteignant les plus grandes énergies sont des accélérateurs synchrones, dont le gigantisme a pu être atténué grâce à la découverte de la technique de la focalisation par alternance de gradients de champ magné-
tique ou électrique.
Accélération sous
une différence
de potentiel continue
La méthode la plus naturelle pour construire un accélérateur de particules est d’appliquer une différence de potentiel continue entre deux électrodes, reliées par un tube où l’on fait régner un vide poussé. Dans une des électrodes on procède à l’injection des particules à accélérer, dans l’autre on recueille les particules accélérées au cours de leur traversée du tube. Parmi les nombreux systèmes imaginés sur ce principe, deux ont eu un succès particulier : le multiplicateur de tension et l’accélérateur électrostatique. Leur seule limitation est la tenue des isolants sous les trop hautes tensions, qui restreint leur application à
des énergies relativement basses, actuellement en dessous de 30 MeV.
Multiplicateur de tension
Le prototype en est l’accélérateur de Cockcroft* et Walton (1930-1934). Il met en oeuvre un système de condensateurs qui, par des procédés de charges et de décharges successives, permettent d’obtenir des tensions de plusieurs centaines de milliers de volts à partir d’une série de différences de potentiel plus faibles. Les divers multiplicateurs de tension de Greinacher, Schenkel, Marx, Töpler, Rossing diffèrent par les méthodes utilisées pour effectuer les interconnexions. Malgré les perfectionnements qui ont pu leur être apportés, les multiplicateurs de tension ne permettent pas de dépasser la zone du mégaélectron-volt, mais restent très utilisés dans cette zone. Ils servent aussi parfois d’in-jecteurs pour d’autres accélérateurs.
Accélérateurs électrostatiques
Accélérateur Van de Graaff. Le besoin de particules accélérées à de fortes énergies a donné l’idée à R. J. Van de Graaff d’entreprendre en 1929-30 ses études sur le générateur à transport de charges par courroie et d’en faire un accélérateur (fig. 1). C’est en 1933 que ce type d’accélérateur fut en fait utilisé pour la première fois pour des expériences de physique nucléaire, avec des ions hydrogène de 600 keV par M. A. Tuve et alii.
Le potentiel V de l’électrode placée à la haute tension est donné par V = Q/C, où C est la capacité de cette électrode et Q la charge électrique accumulée, l’équilibre étant atteint entre le transport de charges par la courroie et les courants de fuite variés, incluant le faisceau accéléré lui-même. De nombreux progrès techniques ont été peu à peu accomplis, notamment de placer le dispositif sous une forte pression de gaz, mais aussi de perfectionner la confection du tube, ses isolants alternant avec des bagues métalliques uniformisant le champ électrique, ainsi que la multiplication des écrans concentriques entourant la machine, etc.
Dans les dernières années, le do-
maine des énergies obtenues a atteint et dépassé 20 MeV grâce à la confection de tubes supportant des différences de potentiel supérieures à 10 MV et au procédé de doublement de l’énergie dit
« du tandem ». L’accélérateur tandem
« MP » (fig. 2), dont le réservoir pressurisé est long de 27 m avec un diamètre de 8 m, accélère jusqu’à 30 μA de protons à une énergie de 15 MeV et 10 μA à l’énergie maximale de 22 MeV.
Les ions négatifs produits en A
(fig. 2) par une source d’ions au potentiel zéro — ce qui est un des avantages importants du tandem permettant de changer aisément le type d’ions — sont accélérés par la haute tension positive V
jusqu’au point B, où la traversée d’un écran mince de matière (gaz ou solide)
« épluche » les ions par arrachage d’électrons et les transforme en ions positifs de charge Z ; ces ions positifs bénéficient alors d’une nouvelle accélé-
ration due à la haute tension positive V
jusqu’à l’arrivée au point C, au potentiel zéro, où leur énergie, analysée entre C
et D, est égale à
E = (1 + Z)V. Si Z = 1, E = 2V.
Une des grandes qualités des accélé-
rateurs Van de Graaff est la précision avec laquelle l’énergie est définie et stable : 1/10 000 ; cette énergie est aisé-
ment ajustable et modifiable.
Accélération par
induction magnétique :
le bêtatron
La possibilité d’utiliser le champ électrique induit par une variation d’un flux magnétique en fonction du temps a été downloadModeText.vue.download 59 sur 543
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envisagée dès 1922 par J. Slepian, puis en 1927 par G. Breit et M. A. Tuve.
L’équation de base du mouvement
d’un électron sur une orbite circulaire fixe dans un tel accélérateur a été établie par R. Wideröe dès 1927, mais seuls les calculs détaillés de stabilité d’orbite effectués par D. W. Kerst et R. Serber
permirent, en 1940, la première mise en fonctionnement par Kerst de ce type d’accélérateur dénommé bêtatron.
L’intérêt particulier d’un champ ma-gnétique est qu’il permet d’avoir pour les électrons des trajectoires en spirale et même circulaires. Ainsi, l’électron peut-il être accéléré tout au long d’orbites circulaires, répétées un grand nombre de fois : un grand gain d’énergie est obtenu sur des dimensions linéaires assez réduites.
La trajectoire d’un électron placé dans un champ magnétique H à symé-
trie cylindrique et normal au plan de cette trajectoire aura un rayon de courbure R tel que, si p est la quantité de mouvement de l’électron,
Si le flux magnétique traversant
l’orbite varie en un bref instant de Δφ, la force tangentielle agissant sur l’électron, par effet d’induction, est égale à Δp :
L’accélération se produira sur une orbite circulaire inchangée, R sera une constante si
Ainsi, la variation de flux doit être le double de la valeur (πR2.ΔH) qui serait obtenue avec un champ magnétique uniforme.
Donc, dans un bêtatron on produit un fort champ magnétique central à l’aide de pièces polaires adéquates (fig. 3).
Mais il est essentiel de prendre des précautions particulières pour que la stabilité de l’orbite des électrons, qui feront des centaines de milliers, voire des millions de tours sur cette orbite, reste excellente. La décroissance radiale du champ magnétique est déterminée en conséquence, ainsi que la méthode d’injection des électrons. Ceux-ci sont contenus dans une chambre à vide toroï-
dale.
L’efficacité de la méthode est telle qu’avec un champ magnétique de
3 000 oersteds sur la trajectoire de rayon de 5 cm on peut maintenir des électrons de 4 MeV. Les premiers bêtatrons étaient donc des machines d’encombrement modeste. De plus grands bêtatrons ont atteint et dépassé 100 MeV, mais,
compte tenu surtout de la nécessité de compenser les pertes d’énergie des électrons dues au rayonnement qu’ils émettent lorsqu’ils parcourent à grande énergie une trajectoire curviligne, ces machines devenaient lourdes et complexes. Les synchrotrons à électrons, décrits plus loin, ont pris le relais dans la course vers les 1 000 MeV.
Accélération résonnante
L’accélérateur électrostatique crée en permanence un champ de forces tout le long de la trajectoire de la particule à ac-célérer. Cela exige donc des valeurs de potentiel très élevées. C’est G. Ising qui, dès 1924, a eu l’idée de ne recourir qu’à des valeurs relativement faibles de différences de potentiel, en assujettissant la particule à rencontrer cette différence de potentiel un grand nombre de fois au cours de sa trajectoire.