Expulsion du placenta
et des membranes,
ou « délivrance »
Après la sortie du foetus, les membranes et le placenta, qui constituaient avec lui et le liquide amniotique l’« oeuf » à terme, sont expulsés. Cette expulsion, ou délivrance, évolue en trois phases.
• Décollement du placenta. Il se fait sous l’action de la rétraction passive de l’utérus, revenu sur lui-même, et de l’épanchement de sang entre placenta et utérus, qui clive la muqueuse et parfait le décollement. Cette période dure en moyenne une quinzaine de minutes.
• Expulsion du placenta. Sous l’influence de la reprise des contractions utérines, puis de son propre poids, le placenta tombe dans la partie inférieure de l’utérus. Les membranes, entraînées à leur tour, se décollent, puis se retournent en doigt de gant. L’ensemble placenta et membranes continue sa des-
cente dans le vagin et arrive à l’orifice vulvaire, qu’il distend à nouveau. La délivrance spontanée est théoriquement possible ; elle est facilitée par l’accoucheur, dont la main gauche, empaumant le fond utérin, exerce une pression modérée et dont la main droite, saisissant le cordon ombilical, dirige, sans tirer, la sortie vers le haut.
• Hémostase. La délivrance s’accompagne d’une perte de sang de 300 ml environ. La limitation de cette déperdition est le fait de la rétraction uté-
rine, qui étreint et obture les vaisseaux dans les anneaux musculaires, et de la coagulation sanguine, qui obture les orifices veineux. Pour que ces différents mécanismes puissent jouer, il faut un placenta normal, inséré normalement sur l’utérus et par l’intermédiaire d’une muqueuse normale ; il ne faut pas d’inertie du muscle utérin après l’accouchement ni de troubles de la coagulation. L’hémorragie de la délivrance est la plus redoutable des complications ; son abondance peut conduire à un état de choc obstétrical.
Elle demande un traitement d’urgence, dont le but est d’évacuer complètement l’utérus, de le faire se rétracter de façon durable et de corriger d’éventuels troubles de la coagulation sanguine. Si le placenta est encore dans l’utérus, il faut pratiquer une délivrance manuelle
« artificielle » ; s’il est déjà sorti, il faut s’assurer qu’il n’en reste pas en pratiquant une « révision utérine ». La ré-
tention placentaire est la seconde complication possible. Elle se caractérise par l’absence d’expulsion du placenta une heure après la sortie du foetus. Elle impose une délivrance artificielle. Elle peut être cause d’hémorragie. L’inversion utérine, ou retournement en doigt downloadModeText.vue.download 81 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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de gant de l’utérus, est devenue rare de nos jours en raison de la disparition des manoeuvres intempestives et brutales sur le cordon et sur l’utérus. Le traitement chirurgical reste la seule ressource en cas d’échec de la réduction manuelle.
Les suites de couches Cette période, dite encore « du post-partum », s’étend environ sur les six semaines qui suivent l’accouchement proprement dit. Elle est marquée par le retour progressif des organes génitaux vers leur état et leur situation d’avant la grossesse, et par l’établissement de la lactation. Au point de vue anatomique, cette involution de l’utérus se fait très progressivement : effacement de la cavité utérine, qui revient à l’état de cavité virtuelle ; disparition de l’imbibition gravidique du muscle ; élimination de la caduque, où s’implantait le placenta, et reconstitution d’une muqueuse utérine continue ; réduction de la musculature utérine par atrophie et dégénérescence de certaines fibres musculaires. Au point de vue clinique, les contractions uté-
rines, qui assurent cette involution, se traduisent par des coliques utérines, appelées tranchées, surtout pénibles chez les multipares. L’élimination des débris de la caduque, des petits caillots issus de la plaie placentaire et de l’exsudation des petites plaies du col et du vagin se traduit par un écoulement d’abord sanglant, puis sérosanglant et séreux, constituant les « lochies ». Elle peut se prolonger sans anomalie au-delà de trois semaines ou redevenir sanglante vers le quinzième jour (petit retour de couches).
Le temps des suites de couches se termine normalement au bout de six semaines par le retour de la menstruation, ou retour de couches vrai. À ce moment, l’organisme a retrouvé son équilibre de non-gravidité, et généralement le retour de l’ovulation rend possible une nouvelle grossesse.
Cette période peut être marquée par des complications infectieuses ou hé-
morragiques : l’infection puerpérale a pour porte d’entrée les voies génitales et la surface d’insertion placentaire, et pour germe en cause le streptocoque.
Elle représentait un danger redoutable autrefois (une femme sur dix-sept en mourait en 1856 à la Maternité de Paris).
De nos jours, l’infection menaçante est si rapidement jugulée par les antibiotiques qu’elle n’a plus le temps de se développer. Les formes graves (septicé-
mie, péritonite, salpingites puerpérales) ont pratiquement disparu ; les formes
bénignes (endométrites ou périmétrites puerpérales) sont très vite jugulées.
Les hémorragies des suites de
couches, distinctes des pertes de sang physiologiques, peuvent avoir pour cause une rétention de placenta, une infection utérine (fréquemment à streptocoque hémolytique), une inertie du muscle utérin ou un trouble hormonal.
En règle générale, elles guérissent très bien. Enfin, cette période est celle des complications mammaires de l’allaitement*.
Historique
L’art de l’accouchement tenait déjà une place importante dans l’ancienne Égypte.
L’accouchement avait lieu dans une maison spéciale destinée à mettre en quarantaine la parturiente. Il se faisait en position accroupie, au-dessus de trois pierres rectangulaires, constituant le « siège de mise au monde ». C’est à ce siège que fit allusion le pharaon en disant aux sages-femmes :
« Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur le siège, si c’est un garçon, faites-le mourir... »
La mythologie grecque comporte de nombreuses références à l’obstétrique, mais si Esculape fut le dieu de la Médecine, il ne semble pas s’être beaucoup intéressé aux accouchements.
Seules les femmes y présidaient. Après Hippocrate et le renouveau médical, les sages-femmes ne durent plus s’occuper que des accouchements normaux. En cas de difficultés on avait recours aux médecins.
Ceux-ci pratiquaient la « succussion » (la femme, attachée sur son lit, était secouée verticalement ou horizontalement selon la position de l’enfant), la dilatation artificielle du col, la version céphalique et facilitaient l’expulsion par des poudres à éternuer...
Aristote pensait que cette expulsion était due aux mouvements du foetus, dont les membres déchiraient les membranes.
La mythologie romaine fit une grande place aux divinités de la fécondation : les femmes enceintes invoquaient Lucina, déesse de l’Accouchement. Soranus d’Éphèse qui, formé à l’école d’Alexandrie, exerça à Rome sous les règnes des empereurs Trajan et d’Hadrien, fut le plus grand accoucheur de l’Antiquité. Il sauva
de nombreux enfants grâce à la version podalique (alors que, jusque-là, seule la version céphalique était connue) et préconisa l’usage d’une chaise obstétricale. Ses écrits furent malheureusement perdus ou ignorés jusqu’à la fin du Moyen Âge, époque où l’obstétrique demeura tout entière entre les mains des matrones et bien loin des connaissances gréco-romaines.