À la Renaissance, la pratique des accouchements, qui représentait alors la plus grande partie de la médecine, bénéficia considérablement des idées nouvelles.
Ambroise Paré peut être considéré comme le premier des accoucheurs-chirurgiens, puisque, avant lui, on faisait appel à des mé-
decins et non à des chirurgiens. La version par manoeuvres internes, qu’il préconisa à nouveau, après Soranus, sauva la vie de très nombreuses femmes, dont sa fille Anne.
Au XVIIe s., l’obstétrique fut au premier rang en France, grâce à François Mauriceau (1637-1709). Ce dernier laissa son nom à la
« manoeuvre de Mauriceau », qui consiste à extraire la tête en dernier au cours de l’accouchement par le siège. Le premier, il fit abandonner la chaise obstétricale pour le lit d’accouchement. Le forceps fut dé-
couvert, en Angleterre, par un membre de la famille Chamberlen, mais il resta secret jusqu’au XVIIIe s. Hugh Chamberlen, forcé de s’expatrier à Paris, tenta de vendre son secret à Mauriceau, mais ce dernier, non convaincu, ne l’acheta pas. Vers 1693, cependant, quelques accoucheurs hollandais furent en possession du forceps. On pense généralement que H. Chamberlen, après une banqueroute, dut se réfugier en Hollande et qu’il y vendit son secret. Au XVIIIe s., le forceps reçut une forme nouvelle des mains de Smellie et de Levret. Jean-Louis Baudelocque (1746-1810), accoucheur de la maternité de Port-Royal, précisa le mécanisme de l’accouchement normal et montra l’intérêt de mesurer les diamètres externes du bassin pour porter un pronostic sur les possibilités d’accouchement. Il fut choisi par Napoléon pour assister Marie-Louise, mais, comme il mourut en mai 1810, cet honneur échut à A. Dubois. Pendant la première moitié du XIXe s., l’obstétrique resta très en retard. À Édimbourg, Simpson préconisa l’utilisation de chloroforme au cours de l’accouchement et en fit bénéficier la reine Victoria lors de la naissance du prince Léopold (accouchement « à la reine »). La seconde moitié du XIXe s. et le début du XXe furent
marqués par les découvertes de Lister, de Pasteur et de Semmelweis concernant l’infection puerpérale et par l’avènement de la césarienne segmentaire. À Vienne, dont l’école médicale était cependant à son apogée, l’infection puerpérale faisait des ravages considérables : en 1842, plus de 30 p. 100 des femmes de la clinique servant à l’enseignement des étudiants mouraient de cette infection après leur accouchement.
Par contre, la mortalité dans la clinique servant d’école aux élèves sages-femmes était bien moindre. Ignác Fülöp Semmelweis (1818-1865) démontra, non sans luttes, que c’étaient les étudiants qui propageaient les germes infectieux de la salle d’autopsie, où ils disséquaient, jusqu’au chevet des accouchées. Il imposa les ablutions avec du chlorure de chaux et proclama, le premier : « Quiconque accouche une femme sans lavage des mains est un criminel. » Nommé en 1855
professeur à l’université de Pest, il fit tomber cette effrayante mortalité à 0,85 p. 100.
Néanmoins, ses idées ne rencontrèrent que scepticisme et critiques acerbes. Incompris de son vivant, il se crut persécuté et som-bra dans une démence progressive qui le conduisit dans un asile d’aliénés, où il mourut.
En France, Stéphane Tarnier (1828-1897) fut le pionnier, avec Semmelweis, de la lutte contre l’infection puerpérale. En 1857, il démontra l’importance de la contagion et réclama la séparation des femmes indemnes et des femmes infectées. Ce n’est cependant que vers 1870 que cette séparation fut réalisée et la mortalité tomba alors de 9 à 2,3 p. 100. Tarnier fit la synthèse de ses recherches dans un important ouvrage, l’Anti-sepsie en obstétrique. Son nom est encore attaché au forceps le plus utilisé en France.
C’est en 1876, en effet, qu’il dota le forceps, tel que l’avait modifié Levret au siècle pré-
cédent, d’un tracteur qui permettait de mieux tirer dans l’axe du bassin. Ce nouveau forceps à tracteur représenta un progrès considérable à une époque à laquelle il était courant d’appliquer le forceps sur des têtes encore très hautes. Avec son élève Budin, Tarnier rédigea un Traité de l’art des accouchements.
Son disciple le plus remarquable fut Adolphe Pinard (1844-1934), qui s’opposa avec passion à la pratique de l’accouchement prématuré artificiel, à celle du forceps sur tête très haute, à l’embryotomie sur l’enfant encore vivant, pour préconiser la
symphyséotomie ou la césarienne. L’oeuvre sociale de Pinard fut immense et novatrice : en souhaitant que la venue d’un enfant soit source de profit pour ses parents et non appauvrissement, il fut le précurseur des allocations familiales ; en préconisant le certificat prénuptial et le repos des femmes enceintes, il fut à l’origine des réglementations actuelles de la Sécurité sociale. Son école fut considérable, et, parmi ses élèves, il convient de citer les grands accoucheurs que furent Varnier, Farabeuf et Couvelaire.
Ribemont-Dessaignes mit au point un tube destiné à faciliter la réanimation immédiate du nouveau-né. Champetier de Ribes laissa son nom à la manoeuvre d’extraction de la tête retenue au-dessus du détroit supérieur au cours d’un accouchement par le siège.
La fin du XIXe s. compte un événement considérable dans l’histoire de l’accouchement, la découverte de la technique de la césarienne* basse ou segmentaire, supposant à la césarienne haute ou corporéale.
Cette technique originale, décrite par Frank, de Cologne, et, plus tard, l’avènement des antibiotiques transformèrent cette intervention, jusque-là grave, en une intervention bénigne.
Ainsi, pendant des siècles, l’objectif essentiel de l’accoucheur, en présence d’un accouchement difficile, fut-il de « délivrer »
la mère d’une façon ou d’une autre pour lui éviter la mort. Cela n’était possible, bien souvent, qu’au prix du sacrifice de l’enfant, et c’est alors que se posait le cruel dilemme : sauver la mère ou l’enfant. Mais, successivement, la découverte du forceps, puis celles de l’infection puerpérale et de la césarienne basse permirent de transformer le pronostic maternel : la mortalité maternelle tomba de 4 p. 1 000 au début du siècle à 0,47 p. 1 000
vers les années 50. Les mères ne mourant plus d’hémorragie, de rupture utérine ou d’infection, on commença à s’intéresser aux conséquences de l’accouchement sur l’enfant lui-même. Progressivement, les indications à pratiquer une césarienne, devenue intervention bénigne, se multiplièrent pour ménager les intérêts non plus de la mère, mais de son enfant. L’importance du traumatisme obstétrical pour l’enfant fut reconnu.
Le traumatisme mécanique lui-même vit rapidement sa fréquence diminuer à la suite de l’abandon d’un grand nombre de manoeuvres de force par les voies naturelles. On découvrit alors l’importance d’un véritable downloadModeText.vue.download 82 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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traumatisme chimique, en rapport avec la diminution d’apport d’oxygène au foetus pendant l’accouchement et les viciations métaboliques dans le sens de l’acidose, induites par cette anoxie. Les méthodes modernes de surveillance de l’accouchement, dont beaucoup sont encore réservées aux centres hospitaliers, cherchent à dépister ce traumatisme chimique et ses conséquences avant et durant l’accouchement. L’amnios-copie permet de surveiller la couleur du liquide amniotique avant la rupture de la poche des eaux. La surveillance couplée des enregistrements de la fréquence cardiaque foetale et des contractions utérines par des méthodes électroniques (monitoring obsté-
trical) permet d’apprécier à chaque instant le retentissement de chaque contraction sur le coeur de l’enfant. Les mesures du pH et de la pression de CO2 du sang foetal recueilli par une microponction du cuir chevelu pendant l’accouchement permettent de dépister une acidose, donc une anoxie, et d’envisager l’opportunité d’abréger l’accouchement en pratiquant une césarienne.