Les femmes peuvent revêtir la pudique tunique traditionnelle, décorée parfois peut-être de petites feuilles d’or, mais on les voit aussi habillées à la mode mi-noenne et fort décolletées. Elles portent de larges diadèmes, des bijoux massifs (boucles d’oreilles, épingles à cheveux, downloadModeText.vue.download 91 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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pendentifs), dont la tradition n’est pas crétoise, mais nordique.
Les hommes aiment la guerre et
savent la faire. Ils possèdent, comme les Crétois, de magnifiques armes de parade, mais combattent avec des arcs, des gourdins, des glaives qui frappent aussi bien d’estoc que de taille. Leur équipement défensif est parfaitement fonctionnel : cuirasse en métal, casque rond, bouclier facile à porter au bras. Au combat, une place considérable est laissée à une importante charrerie, dont la mise en oeuvre, très délicate, est confiée à une riche aristocratie (qui, seule, a le loisir d’apprendre à la servir).
Beaucoup d’Achéens vivaient dis-
persés dans une foule de villages mal connus, mais on a pu découvrir des centres urbains aux demeures magnifiques parfois (comme à Mycènes). Le plus important de ces centres est sans doute Gla, établi en Béotie sur un terrain gagné sur le lac Copaïs grâce à de grands travaux qui, associant digues et canaux, conduisaient l’eau à la mer.
Mais les vestiges de ces villes sont peu spectaculaires à côté des ruines des forteresses autour desquelles elles se serrent.
Depuis le XIVe s., en effet, au centre de chacun des pays qui divisent le continent grec est bâtie, sur une acropole (rendue inexpugnable à partir du XIIIe s.
par la construction de murailles où les
Grecs classiques voyaient la main des Cyclopes), la résidence d’un roi. Tous les palais n’ont pas subsisté : à Thèbes, il ne reste que peu de chose ; à Athènes, du « mur pélagique », qui servit à la défense de la ville jusqu’aux guerres médiques, l’essentiel disparut quand on construisit le Parthénon. En revanche sont bien connus ceux de Mycènes, de Tirynthe (XIVe et XIIIe s.), de Pylos (XIIIe s.). Chaque palais s’ordonne autour d’une pièce centrale, le mégaron, auquel on accède par un portique ouvrant sur une cour. C’est une pièce carrée dont un foyer forme le centre ; quatre colonnes autour du foyer soutiennent le toit, et entre elles s’ouvre une sorte de baie par où peut entrer la lumière et s’échapper la fumée. La décoration en est particulièrement soignée (fresques, stucs peints souvent dans un style imité des Crétois).
Le mobilier de cette salle de réception est, comme celui de toutes les autres pièces, des plus succincts : on connaît des tables tripodes en marbre, des sièges parfois aussi enveloppants qu’un petit fauteuil de style Directoire, mais il n’en subsiste rien ; à Pylos, pourtant, on peut rêver en voyant la trace qu’a laissée le trône du roi Nestor sur le dallage de la salle. Autour du mégaron s’organisent les pièces d’habitation, mais aussi des salles où le roi stockait des marchandises, faisait travailler les artisans, car, comme dans le monde crétois, les palais étaient le centre de la vie économique du royaume qu’ils protégeaient.
L’organisation
du monde achéen
Les archéologues, en étudiant les palais, pouvaient déjà entrevoir ce qu’était l’organisation du monde achéen. Mais l’idée que l’on s’en fait s’est beaucoup clari-fiée depuis que l’on a pu déchiffrer, en 1952, les tablettes d’argile découvertes dans les palais de Knossós, de Pylos et de Mycènes (les incendies, en les faisant cuire, les ont conservées) : le mérite de leur lecture revient à Michael Ventris, qui fut assez audacieux pour supposer que leur écriture, dérivée de l’écriture crétoise et à laquelle on a donné le nom de minoen linéaire B, transcrivait un grec archaïque, langue des Achéens, et non une langue méditerranéenne.
Les royaumes qui divisent le domaine achéen sont peu nombreux (Iôlkos, Thèbes, Athènes, Mycènes, qui domine Tirynthe, Pylos) ; ils sont donc forts et n’éprouvent que rarement le besoin de s’unir, comme ils le firent pour assiéger Troie. À leur tête est le roi, wa-na-ka, souverain absolu dont la personne est l’objet d’un respect religieux ; à ses côtés, le la-wa-ge-te semble avoir des responsabilités militaires, car il est le chef du « laos » (le peuple en armes) ; autour du roi se rassemblent des compagnons constituant une sorte d’aristocratie chargée d’argent et d’honneurs.
Dans les provinces du royaume se
dispersent des petits villages, ou dèmes, vivant repliés sur eux-mêmes et dont les terres peuvent être cultivées collectivement par la communauté villageoise et ses esclaves ou laissées à telle ou telle famille à titre d’usufruit. Un conseil des anciens (gerousia) y regroupe les gens les plus puissants, et un basileus y est, au nom du roi, responsable de la perception de contributions en hommes ou en matériel.
Les tablettes mycéniennes (qui ne sont rien d’autre que des inventaires, des comptes) permettent de voir avec quelle minutie le roi contrôle la vie économique du pays, ainsi que l’activité de chacun des habitants : cela lui permet de lever exactement les impôts. D’autre part, aucun service ne s’échange dans le pays sans que le palais ait servi d’intermédiaire ; aussi, ce dernier devient-il un énorme entrepôt de richesses multiples et même le siège d’industries qui permettent au roi de jouer un grand rôle non seulement sur le continent, mais aussi outre-mer. Un tel système de gouvernement, dont l’efficacité est indiscutable, comme le prouve l’extraordinaire réussite des Achéens, ne pouvait subsister que dans la mesure où le roi s’appuyait sur des bureaucrates capables de lui donner une image exacte des ressources de son royaume. Il avait su trouver en Crète, où la tradition en ce domaine était ancienne, les scribes nécessaires ; ceux-ci s’adaptèrent à la langue de leurs nouveaux maîtres et les servirent sans jamais se mêler à la masse de la population qu’ils contrô-
laient. Mais, quand cette caste eut été détruite, il fut impossible de continuer à faire vivre des monarchies aussi impor-
tantes, et les royaumes ne purent que rétrécir.
Durant le XIIe et le XIe s., des envahisseurs descendent du nord. Parmi eux se trouvent les Doriens. Ils s’emparent de Mycènes (1125), puis du reste du Péloponnèse, franchissent la mer à leur tour et prennent pied en Crète, dans les Cyclades. Les populations anciennes cèdent la place, et un bon nombre d’Achéens vont s’installer en Grèce d’Asie, après avoir passé par Athènes, relativement à l’écart des invasions. Ils s’établissent aussi à Chypre, où leur civilisation, protégée par l’éloignement, se perpétuera. Quant au continent, abandonné aux nouveaux venus, il tombe dans la barbarie ; le village devient l’unité politique de la Grèce pour le temps des « siècles obscurs ».
J.-M. B.
▶ Athènes / Crète / Grèce / Mycènes.
✐ A. Severyns, Grèce et Proche-Orient avant Homère (Bruxelles, 1960, rééd. 1965).
Achéménides
Famille royale des Perses (VIIe-IVe s. av.
J.-C.), qui descendait du chef Akhaime-nês.
Les Achéménides régnèrent d’abord sur de petites principautés dans le sud-ouest de l’Iran ; puis, à partir des conquêtes de Cyrus (VIe s.), ils dirigèrent un immense empire qui fut détruit par Alexandre le Grand en 330 av. J.-C.
Malgré leur puissance, ils restent mal connus, car leurs scribes utilisaient, plus souvent que la traditionnelle tablette d’argile, le parchemin ou le fragile papyrus ; en dehors des rares inscriptions royales, l’historien ne dispose guère que des témoignages de sujets réticents ou d’adversaires passionnés.