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siens de l’Azerbaïdjan, Carduques du Kurdistān). Si les vieux royaumes ont une tradition de monarchie absolue et de centralisation, dont bénéficie l’Achémé-

nide, les autres communautés politiques gardent, suivant la nature géographique de leur habitat, plus ou moins d’autonomie. Réaliste, porté à utiliser les divisions de ses sujets, l’Achéménide accepte l’émiettement de son territoire, laissant se former de petits royaumes en Anatolie (Bithynie, Paphlagonie) et érigeant des principautés pour les transfuges grecs. Mais, par-dessus cette

bigarrure institutionnelle, il étend le réseau très simple de l’administration impériale, dirigée par les satrapes, gouverneurs des provinces qui sont secondés et surveillés par des généraux et des collecteurs d’impôts. Le Palais emploie une bureaucratie qui rédige ses tablettes en élamite, tandis que les autres scribes, et particulièrement ceux des satrapies, écrivent en araméen sur parchemin ou papyrus. Les effectifs limités de ce personnel, la taille immense des satrapies (au début du Ve s., une vingtaine pour 5 000 000 de km 2) et la difficulté des communications laissent au satrape un grand pouvoir, dont il abuse souvent au détriment du Trésor et de l’autorité du souverain.

Malgré la modestie de ces moyens, les Achéménides ont, comme les dynasties impériales qui les avaient précédés en Orient, travaillé à la centralisation du gouvernement et à l’unification de l’Empire. S’ils n’ont pu éviter les ré-

voltes des satrapes, ils ont tenté de faire progresser l’économie de l’ensemble de leurs États. La « route royale », de Suse à Sardes, est la mieux connue d’un réseau conçu pour la poste royale, mais qui sert aussi au transport des denrées précieuses. Le commerce a pu profiter également des autres réalisations de Darios Ier : le canal du Nil à la mer Rouge, la route maritime ouverte par Scylax de Karuanda, qui, suivant l’Indus et contournant l’Arabie, atteint l’Égypte par la mer Rouge. Le même roi tente d’imposer un système de poids et mesures combinant les unités usuelles de la Babylonie, de l’Égypte et du commerce grec, qui domine de plus en plus en Méditerranée orientale. D’autre part, on doit aux premiers Achéménides la diffusion des plantes utiles à travers l’Empire et l’extension des qanats (galeries souterraines d’irrigation) en Iran.

Si relative qu’elle soit, la paix perse assure la prospérité économique du Proche-Orient, où se répandent et la monnaie de type grec (le petit jeton rond de métal précieux poinçonné) et l’économie monétaire (qui, depuis plus de deux millénaires déjà, utilise dans les parties les plus évoluées de l’Orient le lingot de métal précieux pesé et poinçonné). Les financiers de Babylonie (souvent d’origine juive à cette époque) jouent plus

que jamais du crédit qui permet le commerce lointain. Les rois, qui prélèvent de lourds impôts en métaux précieux (la valeur de 388 t d’argent), ne frappent qu’une quantité réduite de monnaies (la darique d’or à l’archer couronné), grâce auxquelles ils recrutent des mercenaires et se font des alliés dans le monde grec.

Suivant la tradition orientale, une part des contributions va constituer une ré-

serve d’or et d’argent dans la résidence du souverain, une autre est consacrée à l’édification de palais somptueux destinés à glorifier le monarque et à exalter la fonction royale. C’est là que se situe la plus étonnante réalisation de la politique unificatrice des Achéménides : avec des artisans venus de toutes les régions civilisées de l’Empire, ils réussissent une synthèse originale des arts de l’Orient, si vite d’ailleurs que l’on soupçonne des précédents mèdes à cette incontestable réussite esthétique.

Religion et politique

À la différence des styles précédents du Proche-Orient, l’art achéménide ne renseigne guère sur le problème de religion des souverains perses, qui divise encore les spécialistes. D’après la thèse de Jacques Duchesne-Guillemin, la grande réforme de la religion iranienne prêchée par Zarathushtra en Chorasmie au VIIe s.

av. J.-C. aurait été assouplie par les Mages du royaume mède, qui l’avaient adoptée et la firent connaître aux Perses.

Malgré la victoire de Darios Ier sur les Mages, soutiens de Bardiya, ce clergé et son interprétation du zoroastrisme prirent toujours plus d’importance à la Cour perse : en Iran, au moins, les Aché-

ménides ne font construire aucun temple et se contentent des autels de plein air où l’on adore le feu. Mais, d’autre part, la religion extrêmement simple des Perses, devenue celle d’une dynastie impériale, subit l’influence des cultes complexes de Mésopotamie : la hiérarchie des dieux iraniens s’efface, et on commence, en dehors de l’Iran, à les représenter au moyen de statues.

Cette absence de cadres rigides dans la religion de la Perse achéménide nous empêche de prendre au pied de la lettre le texte de Xerxès Ier annonçant la destruction du repaire des faux dieux (Babylone révoltée ou Athènes provi-

soirement conquise ?). Les Achémé-

nides ne sont ni intolérants par conviction religieuse ni tolérants par grandeur d’âme. Ce sont d’habiles politiques qui continuent la tradition impériale du Proche-Orient et pratiquent la politique du « diviser pour régner », favorisant le particularisme religieux qui doit rendre impossible toute révolte générale : ainsi s’expliquent la politique de bascule entre Juifs et Samaritains et le soutien accordé à la colonie juive d’Éléphan-tine contre l’hostilité des Égyptiens ; et, lorsqu’il faut, pour impressionner les peuples de l’Empire, châtier des rebelles, l’Achéménide n’hésite pas à détruire leurs temples.

On peut donc rejeter cette légende de la domination achéménide, supérieure à celle des autres dynasties orientales, dont elle aurait différé par la tolérance et la douceur. Plutôt que ce portrait idéalisé dû à l’imagination d’Hérodote et de Xénophon et à la découverte par les historiens modernes des textes

« zoroastriens » (en fait rédigés entre le Ier et le VIIe s. apr. J.-C.), il vaudrait downloadModeText.vue.download 94 sur 543

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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mieux reprendre l’opinion des hommes d’État grecs, qui voient successivement dans l’Empire perse l’incarnation de la démesure et du despotisme (pour eux, l’Achéménide est le Roi), puis la proie facile à piller. Héritiers de la tradition impériale du Proche-Orient, les Achéménides déportent les populations rebelles (des Ioniens sont expédiés en Susiane) et dépouillent les indigènes de leurs terres au profit des garnisons et des colonies perses chargées de surveiller les pays conquis.

Décadence

des Achéménides

Le peuple perse tend à perdre son indi-vidualité au contact des peuples plus évolués qu’il a soumis. De fait, après l’expérience malheureuse de la seconde guerre médique, la cour de Suse évite de rassembler des armées trop nombreuses et ne cherche plus à étendre ses domaines. Placée maintenant sur

la défensive, elle se préoccupe surtout d’endiguer l’audace des minuscules États grecs : tantôt elle suscite des querelles dans le monde hellénique pour arrêter les attaques lancées contre son empire ; tantôt, poussée par la nécessité de recruter des mercenaires grecs, elle réconcilie les cités en chargeant l’une d’elles de surveiller les autres. Cette politique sans grandeur s’explique par les soulèvements qui éclatent périodiquement dans l’Empire et souvent aussi par la médiocrité des souverains. Plus vite encore que son peuple, la famille achéménide a dégénéré, enfermée dans ces palais où chaque succession au trône est préparée et hâtée par les courtisans, les eunuques et les femmes du harem, et où les complots, vrais ou supposés, sont châtiés avec une cruauté pleine d’imagination.