Le fer n’a presque plus d’utilisations. La fonte de moulage recule devant la concurrence de produits nouveaux. L’acier constitue aujourd’hui l’essentiel de la consommation de produits sidérurgiques dans le monde.
Ses vieux emplois (les armes et les outils) se maintiennent, et l’invention des aciers spéciaux a permis de multiplier à l’infini la gamme des outillages destinés à l’industrie mécanique. Mais downloadModeText.vue.download 104 sur 543
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1
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les plus gros tonnages vont aujourd’hui à d’autres emplois : la substitution de l’acier à la fonte pour les rails de chemin de fer a ouvert le premier débouché de masse aux usines qui venaient d’adopter les convertisseurs Bessemer.
Très vite, on a pris aussi l’habitude d’employer l’acier dans la construction. On avait déjà l’expérience de l’emploi de la fonte. Pour les ponts, les grandes charpentes, l’acier permet des fabrications plus aisées, plus solides. À
Chicago, on commence à l’employer dès les années 1880 pour l’ossature des immeubles, et, au même moment, en Europe, le béton armé apparaît. Il y a longtemps qu’une partie de la production va aux laminoirs. Mais le fait essentiel, depuis un siècle, est la multiplication des applications dans ce domaine ; les tôles fortes pour la construction navale, les tôles moyennes et fines utilisées dans toutes les industries de produits mécaniques, l’automobile, les fabrications électroménagères, l’ameublement représentent aujourd’hui la moitié de ce qu’absorbent les grands pays industriels.
Les transformations de la consom-
mation ont eu des conséquences importantes sur l’équilibre de la production.
Les économies d’échelle réalisables au niveau du laminage se sont révé-
lées considérables, alors qu’elles sont plus faibles lorsqu’il s’agit d’obtenir la plupart des autres demi-produits. Le transport des laminés est généralement plus coûteux que celui des rails, des blooms, des billettes, ce qui favorise les installations situées auprès des marchés.
La géographie de la production sidé-
rurgique est mouvante. Ses bouleversements sont incessants, et ses effets multiplicateurs certains. La fabrication nécessite l’utilisation de matières
premières abondantes (minerai de fer, minerais métalliques divers, ferraille, fondants, réfractaires), d’énergie (charbon de bois autrefois, coke et charbon ensuite, gaz, électricité, et produits pétroliers de plus en plus). Les besoins en eau sont énormes : de l’ordre de 150 à 200 m3 par tonne d’acier obtenu.
Malgré la mécanisation de plus en plus poussée des opérations, la main-d’oeuvre employée est nombreuse, si bien que la répartition des foyers de peuplement peut peser sur les décisions d’implantation, au même titre que celle des marchés.
Les localisations
de la sidérurgie
Longtemps, les contraintes nées de l’approvisionnement en matières premières et en énergie ont été déterminantes dans la localisation des établissements sidérurgiques. Au XVIIIe s., les fourneaux se dispersent dans les régions forestières, où abondent les minerais, et les forges et les martinets s’égrènent le long des cours d’eau.
Par la suite, les usines s’installent de préférence dans les secteurs qui fournissent à la fois le charbon à coke et le minerai de fer, comme la Black Country, près de Birmingham, le Cumberland et, dans une moindre mesure, le pays de Galles. Mais, la plupart du temps, minerai de fer et charbon ne se trouvent pas aux mêmes sites. Avec les progrès des transports ferroviaires, on peut installer les usines sidérurgiques à quelques dizaines de kilomètres d’une de leurs sources d’approvisionnement.
Si le transport peut se faire par voie fluviale, ou par mer, la distance peut être encore plus grande. La plupart du temps, les usines s’installent sur les gisements houillers, à cause des tarifs des transports ferroviaires, mais aussi de la très forte consommation énergétique des premières installations de transformation. Il est alors préférable de faire voyager les minerais de fer plutôt que les charbons.
L’invention du procédé Bessemer
renforce encore ces tendances. Celui-ci exige l’emploi d’un minerai à forte teneur et non phosphoreux. La plupart des gisements européens ne répondent pas à ces qualifications, mais la valeur
du minerai, là où il convient au procédé, lui permet de voyager, ce qui fait naître ou prospérer les premières sidérurgies littorales, celles du pays de Galles ou du Northumberland, en Grande-Bretagne, ainsi que celles des ports de l’ouest de la France.
Avec la mise au point du procédé
Thomas et Gilchrist, les conditions changent encore. On peut utiliser des minerais à faible teneur, bon marché.
Mais leur transport est onéreux sur de longues distances, si bien que la sidé-
rurgie s’installe parfois sur les réserves de fer : ainsi en Lorraine, et, dans une moindre mesure, en Angleterre, dans le Lincolnshire ou dans le Yorkshire. Partout ailleurs où les minerais sont riches, on continue à les amener jusqu’aux usines situées près du charbon. On ne connaît qu’une exception à la règle, mais elle est de taille. L’Oural ferrifère constitue depuis le XVIIIe s. un foyer essentiel de la sidérurgie russe. Riche en bois, il était bien placé au siècle passé. Il dépend maintenant de gisements houillers locaux assez pauvres, ou du charbon lointain de Karaganda et du Kouzbass.
La dimension optimale de l’éta-
blissement sidérurgique intégré s’est accrue rapidement : elle était de quelques dizaines de milliers de tonnes vers 1870, de 100 000 t vers 1900, de 500 000 t vers 1930. Elle se situe à l’heure actuelle entre 5 et 10 Mt.
L’augmentation de la production s’est alors accompagnée, dans la plupart des pays, d’une diminution du nombre des établissements importants, les autres se spécialisant dans l’élaboration des demi-produits. Jusqu’à la mise en service des trains continus modernes, ces opérations se faisaient avantageuse-ment dans des établissements de petite ou de moyenne dimension. On voit
ainsi, au début du siècle, se dessiner un divorce entre les régions de sidé-
rurgie lourde et les zones de transformation avale, qui correspondent à de vieux noyaux industriels, à de grands centres urbains. Les foyers sidérurgiques perdent une partie de leur effet d’entraînement. Les produits les plus élaborés, demandés par les industries de pointe, sont fournis d’ailleurs par les fours électriques ou par les fours
Martin, installés à proximité des zones d’hydro-électricité ou dans les grandes villes.
Les progrès récents de la sidérurgie ont diminué les besoins énergétiques, multiplié les économies d’échelle et favorisé aussi les établissements qui emploient des minerais riches. Pour disposer des approvisionnements massifs que supposent les nouvelles usines équipées, au moins partiellement, de fours à l’oxygène, les sites littoraux sont les plus intéressants, comme le montrent les exemples italiens et japonais, et les créations récentes de Dunkerque ou de Fos.
La tendance à la concentration, sur les façades littorales, des grandes puissances industrielles n’est cependant pas universelle. L’importance des investissements passés assure la vigueur du développement des installations intérieures en France, aux États-Unis par exemple. Les pays de l’Est restent fidèles à un modèle continental d’organisation. Les moyennes puissances s’équipent de manière massive (Australie, Canada, Afrique du Sud, Suède), cependant que les pays sous-développés participent de plus en plus à la production par des installations de faible capacité.
Jusqu’à une date récente, les