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Dans la plupart des cas, l’initiation est l’apanage exclusif des garçons, mais il existe des sociétés où elle concerne également les filles.

Les différents aspects du rituel

peuvent être rassemblés sous quelques rubriques générales, ce qui ne saurait signifier que la totalité des thèmes suggérés ici apparaît dans une seule et même société.

Les décorations du visage et du

corps peuvent être effectuées par l’adolescent lui-même ou imposées par les membres déjà initiés du groupe. La scarification frontale des jeunes gar-

çons nuers, particulièrement pénible, occasionne fréquemment la mort du patient : la chair est tranchée jusqu’à l’os.

De manière générale, les adolescents qui se refusent aux décorations sont en butte au mépris du groupe ; considérés comme dénués de virilité, ils ne peuvent se marier.

Circoncision, subincision, excision sont tenues par de nombreux auteurs comme ayant trait à la décoration. Si l’on peut admettre qu’elles représentent pour ceux qui les subissent et pour leurs partenaires sexuels éventuels un surcroît d’attrait, il semble pour le moins mystifiant de se borner à cette explication. Les sociétés qui pratiquent l’excision du clitoris sont celles qui exercent une répression sévère de la sexualité féminine : l’attrait d’une femme qui, ignorant le plaisir, sera meilleure épouse n’est pas exactement esthétique. Il existe également des cas, quoique très rares, où l’on pratique la castration pure et simple : étrange « dé-

coration ». D’autre part, la subincision est assimilée, dans quelques tribus australiennes, à une imitation de l’organe sexuel féminin, l’hémorragie évoquant

la menstruation ; pour parfaire la ressemblance, les Banaros renouvellent l’opération chaque mois.

Bon nombre de sociétés identifient le nom à la personnalité : l’attribution d’un nom nouveau au moment de l’initiation est donc à rapprocher de la croyance à la mort (de la personnalité antérieure) suivie d’une résurrection (d’une personnalité nouvelle) du novice. Chez les Omahas, le nouveau-né n’est pas reconnu comme membre du clan : deux cérémonies seront nécessaires pour qu’il accède à ce titre. Son nouveau nom sera alors annoncé au groupe et à la nature entière.

L’acquisition d’un langage spécial fonctionne comme garant de la solidarité du groupe d’initiés et de la préservation du mystère auprès des non-initiés, ainsi convaincus qu’une révélation et une renaissance authentiques se sont produites pendant la cérémonie.

Dans les sociétés agricoles, les céré-

monies d’initiation participent des rites de fertilité : la puberté, comme faculté nouvelle de procréation, s’intègre à une notion plus vaste de fécondité cos-downloadModeText.vue.download 3 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11

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mique et conditionne l’initiation aux méthodes et rituels qui garantiront le rendement optimal du sol.

L’initiation comme passage symbo-

lise l’arrachement de l’individu à l’enfance et, par suite, au milieu maternel.

La vie en communauté d’âge comporte une ségrégation sexuelle rigoureuse re-liée à l’attribution aux initiés d’un rôle social spécifique.

Caractère religieux

de l’initiation

L’initiation associe deux types de

« passages » : de l’enfance à la société adulte ; de la vie profane à la vie sacrée.

Le sacré correspond à une « hypostase de la cohésion sociale, de l’équilibre social » (Durkheim). Tout en étant

le reflet du système social, le sacré est conçu comme transcendant les conditions sociales réelles ; il s’en fait ainsi le garant, la justification, le fondement.

La réalité, le donné, tout en étant sépa-rés de l’archétype sacré, y participent.

En ce sens, le sacré s’oppose à l’impur, qui, lui, recouvre tout ce qui serait susceptible de menacer l’ordre social.

L’initiation prend le sens d’une participation à cet archétype qui fait du novice un homme véritable : elle est consécration, sacralisation.

De nombreuses sociétés considèrent le non-initié comme n’étant pas un homme et, souvent, l’assimilent à un enfant (Fidjiens). Chez les Cafres, les enfants non encore initiés sont tenus pour des êtres souillés.

La finalité essentielle de l’initiation est donc une suppression de l’impureté qui rendra l’individu apte à participer au sacré, ce qui se traduit, le plus géné-

ralement, par son accès au culte officiel du groupe.

Vers ce but tendent des phases

diverses du rituel : mutilations corporelles, épreuves, sévices, ainsi que les représentations mythiques.

L’acceptation volontaire de la douleur symbolise un mouvement qui

transcende les impulsions naturelles, c’est-à-dire le donné. De même, les diverses mutilations corporelles (circoncision, subincision, excision, extraction des dents, amputation d’un doigt, scarifications, etc.) ont pour fonction d’identifier le corps à un archétype sacré et le nient en tant que donné.

Les représentations mythiques,

presque toujours effectuées par des hommes masqués, reproduisent certains épisodes essentiels de la vie des ancêtres et s’accompagnent d’une

récitation des mythes. Les ancêtres —

morts sacralisés, garants du maintien de l’ordre social — patronnent ainsi le rituel initiatique. Ils modèlent eux-mêmes les « hommes » à partir des

« êtres informes » (impurs) que constituent les novices.

Toutes ces phases convergent dans

l’intention d’autoriser aux futurs initiés le maniement — sans sacrilège —

des objets sacrés et s’accompagnent de révélations diverses : ce qui repré-

sente, pour les non-initiés, une force démoniaque dangereuse se révèle être le « bull-roarer » (instrument qui imite la voix des ancêtres) aux îles Murray, chez les Bukauas de Nouvelle-Guinée ; le « rhombe » (dont le ronflement passe pour la voix de l’esprit Murtu-Murtu, qui terrorise les non-initiés) chez les Warramungas et les Kaitishs ; un masque chez les Dogons et en

Amérique. Ce qui était conçu comme ancêtre, esprit est dévoilé comme simple objet sacré. Ce qui était impur, effrayant, car menaçant pour l’ordre social, se révèle en être le fondement et la garantie. Parfois, il s’agit seulement de la révélation du nom véritable des esprits, que l’on dissimule aux non-initiés.

Ce passage de l’impur au sacré s’inscrit dans un symbolisme de mort et de résurrection. Les initiés sont dévorés par un monstre mythique ou par un ancêtre totémique qui les recrache ultérieurement, laissant sur leur corps la marque de ses dents (scarifications, modifications artificielles du corps).

Fonction sociale

de l’initiation

L’initiation se complète par un enseignement profane qui achève l’inté-

gration individuelle : l’initié acquiert une connaissance précise et le respect du rôle qui lui revient, il intériorise et soutient les normes sociales. La détermination du rôle englobe un apprentissage technique et la démarcation des sexes : travaux et pouvoirs spécifiquement attribués à l’un ou l’autre sexe.

Le culte officiel, excluant les non-initiés, est fréquemment interdit aux femmes (rarement initiées) : culte du

« tamberan », patron surnaturel des hommes, en Nouvelle-Guinée, « bull-roarer » en Australie (toute femme qui le voit ou l’entend est mise à mort).

Au regard de la finalité d’intégration, les épreuves diverses qui préparent et accompagnent les cérémonies prennent le sens d’une sélection : il s’agit d’éliminer les jeunes gens susceptibles de

ne pas perpétuer la cohésion du groupe, c’est-à-dire ceux qui, ne supportant pas les épreuves sans fléchir, sont inaptes à devenir des hommes (individus