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Devant ces excès de pouvoir, les

princes réagissent. On a vu l’attitude de Philippe Auguste à l’égard du pape.

En Angleterre, barons et évêques se révoltent contre Jean sans Terre, qui downloadModeText.vue.download 7 sur 577

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 11

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a perdu à leurs yeux tout prestige, et lui imposent en 1215 une « Grande Charte » qui limite son autorité en matière judiciaire et qui l’empêche de lever des impôts sans le consentement de ses sujets. Aussitôt, le pape excommunie les rebelles, mais ses foudres ne peuvent rien empêcher, et, dans le royaume dévasté, le pouvoir de Jean sans Terre s’effondre.

Cependant, malgré l’échec anglais, le quatrième concile oecuménique du Latran (1215) voit l’apothéose d’Innocent III, qu’entourent 1 500 prélats venus de toute l’Europe. Et le pape dicte ses décisions au monde : réorganisation de l’Église, statut des ordres religieux, croisade contre les infidèles, répression de l’hérésie albigeoise, dé-

position d’Otton IV et de Raimond VI, investiture de Frédéric II et de Simon de Montfort. Innocent III peut mourir l’année suivante avec l’espoir que le monde chrétien tout entier se consacrera à l’oeuvre du Christ sous l’égide de la papauté.

P. R.

F Croisades / Églises catholique ou romaine /

Sacerdoce et de l’Empire (lutte du).

A. Luchaire, Innocent III (Hachette, 1904-1908 ; 6 vol.). / A. Fliche, C. Thouzellier et Y. Azaïs, la Chrétienté romaine, 1198-1274

(Bloud et Gay, 1950). / H. Tillmann, Papst Inno-zenz III (Berlin, 1954).

innovation

Au sens économique, processus qui permet à une invention de devenir un produit.

Le concept

L’innovation se distingue de l’invention dans la mesure où le passage de l’invention au produit se fait à travers un chemin ardu où l’invention n’est que l’élément initial, n’en représentant quelquefois qu’une faible partie.

Le lien entre l’innovation et la croissance économique a été saisi très tôt par les historiens et les économistes, mais il faut attendre Joseph Schumpeter* (1883-1950) et sa Théorie de l’évolution économique (1912) pour que l’innovation soit introduite de façon systématique dans la théorie économique. Schumpeter, étendant le concept, distingue en fait cinq sortes d’innovations : la fabrication d’un bien nouveau, l’introduction d’un processus de production nouveau, l’ouverture d’un débouché nouveau, la conquête d’une source nouvelle de matières premières et la réalisation d’une nouvelle

« organisation » ou d’une nouvelle situation, par exemple une position de monopole. Pour Schumpeter, seule l’innovation est créatrice du profit.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, sous l’initiative de Colin Clark, Jean Fourastié introduira de nouveau l’innovation dans les modèles économiques, sous la forme d’augmentation de productivité. Mais il faut attendre les efforts des économistes d’entreprise pour saisir le phénomène de l’innovation dans sa complexité. Jusqu’alors, on considérait que l’innovation apparaissait grâce à un savant mélange de génie, d’esprit capitaliste et d’argent.

Les nouvelles écoles ont recherché les causes du phénomène et ont pu détecter des préalables de l’innovation.

Ces préalables ont paru suffisamment sérieux pour qu’en France on élabore une véritable politique de l’innovation de manière à suppléer à un ferment qui, il faut le reconnaître, manquait à notre pays. En fait, l’innovation a besoin de certaines conditions pour se développer. Ces conditions sont aussi bien financières que psychologiques et

sociologiques et relèvent de données globales de l’économie.

Si l’innovation peut être un impé-

ratif industriel pour une nation, il faut avant tout considérer qu’elle est désormais une condition indispensable de survie pour l’entreprise moderne. Si des conditions propices doivent, certes, être réunies quant à l’environnement, il importe que les entreprises elles-mêmes soient conscientes de l’absolue nécessité pour elles d’innover.

La sociologie

de l’innovation

Si on utilise ce terme le plus souvent pour désigner un nouvel « output » d’un système économique, c’est-à-dire un nouveau produit élaboré, puis distribué, on peut également l’utiliser pour rendre compte d’une nouvelle structure d’un tel système, qu’il s’agisse d’une nouvelle organisation technique de la production ou d’une nouvelle organisation sociale. Une innovation peut être partielle ou totale : on distinguera ainsi l’amélioration d’un produit existant de la commercialisation d’un produit entièrement nouveau. Les phéno-mènes d’innovation ont toujours existé (amélioration de techniques agricoles par exemple), mais c’est surtout depuis 1800

qu’ils sont fréquents et importants. Citons pour le XIXe s. notamment l’utilisation des premières machines à vapeur, le développement des industries du fer et du coton, puis de celles de l’acier et du pétrole et l’apparition d’un nouveau moyen de communication : le chemin de fer. Au XXe s., c’est notamment l’électricité, l’automobile, l’électronique, l’audio-visuel, la chimie, les industries aérospatiale et nucléaire. Ce qui caractérise notre société dite « postindus-trielle » est moins le rythme des innovations qu’une volonté délibérée d’en produire ainsi qu’une organisation poussée de leur production. Avant d’envisager certaines conséquences économiques d’un rythme d’innovation important, nous exa-minerons donc les différentes étapes de la production d’innovation.

Puisqu’une innovation n’est pas une dé-

couverte, mais constitue l’insertion réussie de cette découverte dans un système économique, le chercheur scientifique n’est pas le producteur privilégié d’innovations.

Pour qu’une découverte se transforme

en innovation, il faut en effet qu’elle soit financièrement rentable. C’est par une étude de marché que commence le travail de production d’innovation : cette étude dite « de motivation » révèle quels sont les besoins non satisfaits — ou mal satisfaits — d’une population et précise dans un cahier des charges les fonctions que le nouveau produit (ou le nouveau procédé technique) devra satisfaire ainsi que ses qualités souhaitées. Puis, au cours d’une étude technique, on élabore des propositions satisfaisant plus ou moins bien ce cahier des charges. Dans une troisième étape, on sélectionne les deux ou trois propositions qui apparaissent les meilleures.

La quatrième étape est une nouvelle étude de motivation : il s’agit de préciser comment les produits sélectionnés seront acceptés par le marché et quelles sont, pour des tranches de prix donné, les ventes possibles. Au cours d’une cinquième étape enfin, des financiers évaluent la rentabilité de ces innovations potentielles et donnent finalement un feu rouge, orange ou vert : l’invention sera donc soit abandonnée définitivement, soit seulement provisoirement écartée, ou enfin transformée en innovation. La décision d’innovation prise, il est nécessaire d’en ordonnancer la production et la commercialisation.

Ainsi, si la science produit des inventions, ce sont des études financières et commerciales qui produisent des innovations. Selon le cas, les différentes étapes sont plus ou moins longues, mais il faut toujours une collaboration étroite entre les spécialistes de différents domaines.

On comprend donc pourquoi le modèle dit « organique » d’organisation des entreprises s’est développé aux dépens du mo-dèle dit « mécanique », qui résout moins bien les problèmes de coordination.

Un rythme important d’innovations transforme considérablement le système économique ; J. Schumpeter notait déjà que cette « destruction créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme »