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minence. Érigeant cet exclusivisme en système et l’intolérance en dogme, elle refoula avec hauteur une bourgeoisie ambitieuse et en pleine ascension, qui ne demandait à l’origine que le partage des responsabilités.

Les journées

de juillet 1830

À quand remonte en fait la débâcle de la Restauration ? On peut invoquer l’avènement de Charles X, le roi des ultras, inconscient et maladroit, qui ravive les plaies au lieu de les panser et qui, après avoir lâché Villèle, puis Martignac, s’en remet à la pire des expériences, le ministère Polignac (1829). Ou encore 1820, le tournant à droite opéré après l’assassinat du duc de Berry ? Une chose est sûre : 1815 avait été subi, mais jamais oublié.

Le 25 juillet 1830, Charles X, invoquant l’article 14 de la Charte, signe les quatre ordonnances célèbres par lesquelles la liberté de la presse est suspendue, la Chambre dissoute et la loi électorale révi-sée. C’est le coup d’État légal, la riposte du trône à l’offensive libérale, renforcée par le triomphe de l’opposition aux élections de juillet. La décision est d’une exceptionnelle gravité, mais à Saint-Cloud on affecte la

sérénité et on compte beaucoup sur l’effet psychologique de l’expédition d’Alger.

Lundi 26 juillet

Les milieux politiques semblent pris au dépourvu. C’est le monde de la presse qui réagit vivement quand paraît l’arrêté du préfet de police interdisant d’imprimer les journaux qui n’ont pas reçu l’autorisation. Dans l’après-midi du 26, rédacteurs et journalistes des principaux organes d’opposition rédigent au bureau du National une protestation : « Le régime légal étant suspendu... l’obéissance cesse d’être un devoir. » Le texte est distribué dans les rues et dans les cabarets. Les imprimeries débauchent leur personnel et quelques industriels les imitent. Des attroupements se forment sur les boulevards, au tribunal de Commerce et au Palais-Royal. Vers le soir, ouvriers du livre et étudiants manifestent.

La pègre s’en mêle. Il y a des bousculades et des vitres cassées. Tandis qu’à Saint-Cloud le roi rentre de la chasse, la Bourse inquiète enregistre une légère baisse.

Mardi 27 juillet

Premier acte de résistance : le National, le Temps et le Globe paraissent sans autorisation et publient le manifeste des journalistes. Rue de Richelieu, la police saisit les presses du Temps, incident habilement exploité par les libéraux. Plusieurs milliers d’ouvriers et d’artisans désoeuvrés sont dans la rue. Les heurts se multiplient et s’aggravent. On pille des armureries. Si les députés d’opposition brillent par leur absence ou leur pusillanimité, les chefs des sociétés secrètes républicaines sortent de l’ombre et cherchent à encadrer les masses.

Devant la dégradation de la situation, Charles X confie au maréchal Marmont, duc de Raguse, le commandement de la garnison de Paris. Choix malheureux. Le duc de Raguse est capable, mais vénal et impopulaire. Clairvoyant, il se rend compte que rien n’a été préparé. L’armée est à Alger, beaucoup de régiments dans de lointaines garnisons de province. Le gouvernement dispose sur place de 20 000 hommes. Mais les « lignards » ne suivront que si la garde nationale est à leurs côtés. Or, la garde est dissoute, et les « épiciers-janissaires »

hostiles au régime n’ont revêtu leur uniforme que pour défendre leur boutique.

Marmont, prudent ou complice, dispose ses troupes sans zèle excessif. Hormis La Fayette et Laffitte, qui tentent vainement

d’entraîner leurs collègues, les chefs parlementaires de l’opposition adoptent la même attitude d’expectative.

Thiers s’est mis à l’abri, et Casimir Perier fustige les fauteurs de trouble. Où sont les 221 ?

Mercredi 28 juillet

Dans la nuit, les sectionnaires républicains ont mis en place des comités révolutionnaires. L’insurrection éclate à l’aube et, en quelques heures, le centre de Paris, des Halles au Marais et du Temple à la Cité, est hérissé de barricades. Ouvriers, étudiants, gardes nationaux — qui ont conservé leurs downloadModeText.vue.download 105 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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armes ! — dépavent les rues, attaquent les postes et isolent les casernes. L’Arsenal et l’Hôtel de Ville tombent. Marmont, laissé sans instructions, envoie quatre colonnes dégager les boulevards et les quais. Le général Talon, parvenu à l’Hôtel de Ville au prix de lourdes pertes, s’y trouve bloqué. Saint-Chamans part de la Madeleine jusqu’au faubourg Saint-Antoine pour rejoindre Talon. C’est la fameuse marche sanglante. Des fenêtres, des toits, des portes cochères, ses soldats se font écraser par les pavés et les meubles. On les fusille à bout portant. La troupe est épuisée, affamée. Des hommes isolés, bientôt des compagnies entières désertent ou passent à l’insurrection. Du côté des parlementaires, on suit la bataille avec attention. Le clan Laffitte tente de négocier. On parle d’acheter Marmont, voire d’en faire un médiateur. Mais Polignac et Charles X sont intraitables.

Jeudi 29 juillet

Paris est aux mains de l’insurrection. Marmont s’est replié sur l’Étoile pour garder le contact avec Saint-Cloud. Le succès de l’insurrection ne faisant plus de doute, la bourgeoisie libérale entre en scène. En premier lieu, il s’agit d’empêcher la république, que certains parlent de proclamer à midi, place de Grève. La Fayette prend le commandement de la garde nationale, le maréchal Gérard celui de l’armée. Une commission municipale siège à l’Hôtel de

Ville. En second lieu, il convient de trouver un souverain de rechange. Cédant aux pressions de son entourage, Charles X a retiré les ordonnances et confié au duc de Mortemart le soin de former un gouvernement. La décision intervient trop tard. Les envoyés de Saint-Cloud à Paris, Vitrolles et d’Argout, sont éconduits.

Vendredi 30 juillet

Les nouvelles autorités refusent de reconnaître Mortemart. La solution orléaniste, mise au point par Thiers, a triomphé. Sur les murs de Paris, le 30, une proclamation est affichée : le duc d’Orléans, « prince dé-

voué à la cause de la révolution », tiendra sa couronne du peuple, évitant les dangers de la république, la guerre civile et les aventures extérieures. Soixante députés réunis sous la présidence de Laffitte décident de confier au duc d’Orléans la lieutenance générale du royaume.

Samedi 31 juillet

Le duc d’Orléans, qui s’est jusqu’alors prudemment tenu à l’écart, est revenu au Palais-Royal et accepte ses nouvelles fonctions. Reste à se faire consacrer par le pouvoir de fait, le peuple insurgé qu’on sait héroïque et dangereux, mais naïf. Le duc paraît au balcon, embrassé par La Fayette dans les plis du drapeau tricolore retrouvé : risque calculé et mélodrame improvisé.

Versatile, la foule acclame. Charles X se replie sur Trianon, puis sur Rambouillet, tandis que la province accueille avec surprise et sympathie la nouvelle de la révolution. Le dernier acte se joue rapidement : le lundi 2 août, Charles X abdique.

J. L. Y.

F Cent-Jours (les) / Charles X / Decazes /

Louis XVIII / Richelieu / Villèle.

H. Sée, Histoire économique de la France, t. II : les Temps modernes, 1789-1914 (A. Colin, 1951). / D. Bagge, les Idées politiques en France sous la Restauration (P. U. F., 1952). / P. Bastid, les Institutions politiques de la monarchie parlementaire française, 1814-1848 (Sirey, 1954). / G. de Bertier de Sauvigny, la Restauration (Flammarion, 1955 ; nouv. éd., 1963) ; la Révolution de 1830 en France (A. Colin, 1971). /