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L’importance accrue de cette mission n’empêche pourtant pas que la liaison armée-nation soit gravement éprouvée à l’occasion des crises politiques qui atteignent directement la communauté militaire, qu’il s’agisse de la malheureuse Affaire Dreyfus*, du système de notation politique et religieux des officiers (affaire des Fiches du général André, ministre de la Guerre de 1900 à 1904) ou de l’emploi, par le gouvernement, de formations militaires dans des conflits politiques, religieux ou sociaux (expulsion des congrégations

[1879-1901] ; inventaires des objets du culte et du mobilier des églises [1905], grèves [1906-07]). Si les conséquences de ces événements sont souvent lourdes, et provoquent des divisions et des drames de conscience dans le corps des officiers, la montée de la menace extérieure dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale restaure l’unité du pays autour de son armée, dont l’effectif, grâce à la loi de trois ans votée le 7 août 1913, atteint en temps de paix 880 000 hommes.

La mobilisation de 1914, qui affecte près de 3 millions de réservistes et de territoriaux, en témoignera aussi bien par la qualité technique de son organisation que par l’unanimité de l’enthousiasme national. « Qui n’a pas vu Paris aujourd’hui et hier n’a rien vu », s’exclame le lieutenant Charles Péguy* en rejoignant son régiment le 3 août 1914. Quelques jours plus tard, la C. G. T., qui n’a pas ménagé l’armée au cours de ses congrès successifs, met spon-

tanément ses locaux parisiens à la disposition du service de santé militaire.

LA PREMIÈRE GUERRE* MONDIALE

En mettant par deux fois en échec le plan de guerre allemand, les opérations de 1914 traduisent la valeur des armées et du commandement français. Mais le front de 750 km qui, à Noël, sépare pour quatre ans la France en deux zones (dont l’une, envahie par l’ennemi compte les régions les plus riches) annonce un nouveau type de guerre qui déroutera autant les militaires que les politiques. Ces derniers devront faire l’apprentissage d’une « défense »

dont le domaine, ouvert d’abord aux problèmes de main-d’oeuvre et de production, s’étendra bientôt à toutes les activités du pays. En outre dans cette guerre d’usure, où, pour survivre, il faut d’abord ravitailler le pays, la France doit composer avec ses alliés, notamment dans l’organisation de ses communications maritimes, où la Grande-Bretagne, puis les États-Unis jouent un rôle capital.

Les armées sont également profondé-

ment transformées, d’abord sur le plan technique, où s’accroît le rôle des armes de matériel (artillerie*, blindés*, aviation*) au détriment de l’infanterie, dont la part dans les effectifs passe de 67 p. 100 (en 1914) à 45 p. 100 (en 1918). Le brassage d’une masse de 8 millions de mobilisés et le partage des mêmes épreuves effacent bientôt toute différence entre les unités d’activé et de réserve : jamais l’armée n’a, à ce point, incarné la nation ; jamais, non plus, le poids des sacrifices n’a atteint une pareille ampleur (1,393 million de morts).

Si le moral de l’armée et celui du pays fléchissent pendant quelques semaines après l’échec du Chemin des Dames (1917), qui suit lui-même la dramatique année de Verdun*, il suffit de l’action bénéfique de Pétain et de la volonté de fer de Clemenceau* pour que soit dominée au printemps de 1918 l’ultime crise de la guerre, d’où sortiront le commandement unique, au bénéfice de Foch, de toutes les forces de l’Entente et la victoire.

Il serait injuste de minimiser l’effort des Alliés dans cette Première Guerre mondiale, où, parmi les 6 millions d’hommes engagés le 11 novembre 1918 sur le front occidental, on ne compte plus que 2,6 mil-

lions de Français ; il n’en reste pas moins, si l’on considère l’ensemble du conflit, que la France et singulièrement ses armées y ont joué le rôle le plus déterminant. Celui-ci s’est affirmé aussi dans le domaine de la production de guerre et notamment dans celui des armes nouvelles (avions, chars) ; les Français ont pu non seulement subvenir aux besoins de leurs armées, mais fournir largement leurs Alliés (plus de 10 000 avions, de 25 000 moteurs et de 400 chars livrés aux Américains).

D’UNE GUERRE À L’AUTRE (1919-1939) Au lendemain d’une victoire dont elle sort grandie mais épuisée, la France a pour problème primordial celui de sa sécurité.

Contrainte par ses Alliés d’échanger le contrôle de la rive gauche du Rhin réclamé par Foch contre la promesse solennelle d’un concours militaire anglo-saxon, elle voit celle-ci s’évanouir avec le refus des États-Unis de ratifier le traité de Versailles.

Dans une ambiance pacifiste où le souvenir de la guerre demeure pour elle une hantise, elle veut fonder sa défense sur les principes de la sécurité collective et du désarmement qu’incarne la Société* des Nations.

Rapidement démobilisée, l’armée doit, pourtant, faire face aux charges que la situation lui impose : occupation en Allemagne, pacification au Proche-Orient (Cilicie-Syrie) et au Maroc*, entretien de nombreuses missions à l’étranger. La loi de 1923 fixe le service militaire à dix-huit mois ; celle de 1927 réorganise une armée du temps de paix (550 000 hommes) ayant en métropole vingt divisions d’infanterie et cinq de cavalerie, plus d’importantes formations coloniales et nord-africaines.

Le service est ramené à un an en 1928, et, pour libérer l’armée des servitudes du maintien de l’ordre, une garde républicaine mobile a été instituée en 1926 au sein de la gendarmerie*.

En 1930, pressée par ses Alliés, la France acceptera, avec l’évacuation anticipée de Mayence, de renoncer au dernier gage concret de sa sécurité. Le haut commandement, où domine l’« école Pétain » (Buat et Debeney, chefs d’état-major de l’armée de 1919 à 1923 et de 1924 à 1930, sont ses majors généraux de 1917-18) médite beaucoup plus sur la bataille de Verdun et la défensive sur front continu que sur la guerre de mouvement et les offensives

de 1918. Aussi n’exploite-t-on même pas les conclusions des « techniciens » de la victoire, et, quand le général Jean Estienne (1860-1936) demande dès 1919 la constitution d’une puissante force blindée et met au point dès 1921 le char « B » de 30 t, il n’est pas écouté par ses pairs, qui s’opposeront de même en 1933 au projet similaire du commandant de Gaulle*. Aussi s’ouvrent en 1928 les premiers chantiers de la ligne Maginot, remarquable ensemble de fortifications* couvrant la zone allant du Rhin à Montmédy, mais laissant la frontière belge sans défense.

Cette politique de repli, qui récon-forte mais semble dispenser d’agir, est downloadModeText.vue.download 43 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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en contradiction avec les engagements d’assistance militaire signés par la France avec la Pologne et les États de la Petite-Entente. Elle devient surtout terriblement insuffisante face au réarmement de l’Allemagne, qu’accélère la prise du pouvoir par Hitler en 1933. Pour répondre à la résurrection de la Wehrmacht et à l’arrivée des classes creuses (jeunes nés entre 1915

et 1919), Weygand*, à la tête de l’armée depuis 1930, prépare le retour au service de deux ans (1935). Mais, le 7 mars 1936, jour où Hitler, violant une fois encore le traité de Versailles, fait réoccuper la rive gauche du Rhin, la France, qui est prête à intervenir militairement, se heurte à la réticence, voire à l’hostilité de la Grande-Bretagne et accepte le fait accompli. Dès lors, c’est la course à la guerre : à partir de 1937, le gouvernement et l’état-major (où Gamelin* a remplacé Weygand en 1935) entament un réel effort pour faire face à la menace qui s’annonce. C’est dans cette ambiance qu’est votée la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation pour le temps de guerre, texte fondamental qui organise la coordination des efforts militaires et économiques du pays pour sa défense*. Quant à l’effort entrepris dans le domaine du réarmement, il ne parviendra pas à combler la déficience quantitative des forces françaises en matériel blindé et surtout en avions.