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En érigeant le Comité français de libé-

ration nationale (C. F. L. N.), siégeant depuis un an à Alger, en un Gouvernement provisoire de la République française (G. P. R. F.) par ordonnance en date du 3 juin 1944, le général de Gaulle* crée l’instrument politique du retour à la légalité républicaine et à la mise en place d’institutions rénovées par rapport à celles qui ont été instaurées par la Constitution de 1875.

Le G. P. R. F. est installé à Paris dès le 25 août 1944 ; sa composition reflète l’union des forces politiques traditionnelles avec celles qui sont issues de la Résistance* et donc la continuité du régime républicain par le détour de Londres et d’Alger et malgré l’intermède de l’État français de Vichy*, dont la légitimité est par là même niée.

Le G. P. R. F. comprend treize hommes politiques, en majorité de gauche (douze), et neuf personnalités (dont le général de Gaulle) n’appartenant à aucun parti, mais se situant en fait à droite de la S. F. I. O. Il doit résoudre d’importants problèmes politiques, économiques et militaires.

Portant remède d’abord à l’anarchie politique née de la multiplication spontanée des autorités locales d’obé-

diences diverses à l’aube de la Libération, le général de Gaulle entreprend la mise en place de nouveaux préfets et impose le 28 octobre la dissolution des milices patriotiques, malgré l’opposition du C. N. R. et celle du parti communiste, qui s’incline finalement, après le retour d’U. R. S. S. de son secrétaire général Maurice Thorez.

La remise en route de l’appareil

de production

La France a perdu directement ou

indirectement du fait de la guerre 1,5 million à 2 millions d’habitants ; elle manque non seulement de main-d’oeuvre, mais aussi de logements, de moyens de transport, d’énergie, d’outillage, d’engrais et donc de produits alimentaires du fait des destructions de guerre et des prélèvements faits sur ses ressources par les Allemands au temps de l’Occupation ; les Français souffrent de la faim et du froid. La demande —

stimulée par la hausse des salaires de 30 à 50 p. 100 décidée à la Libération, alors que l’appareil de production ne peut jeter sur le marché une masse correspondante de biens de consommation

— nourrit l’inflation, qui ronge l’économie de la IVe République.

Si l’on avait procédé à un échange brutal des billets avec prélèvement, selon cette procédure adoptée en Belgique par le ministre des Finances, Camille Gutt, et préconisée en France par le ministre de l’Économie nationale Pierre Mendès France, l’inflation aurait peut-être été jugulée. Mais ce projet est rejeté, au profit de celui des ministres des Finances Aimé Lepercq et René Pleven, par le général de Gaulle, qui, au retour de son voyage dans le Nord, ne croit pas possible d’imposer de nouveaux sacrifices aux Français après quatre années d’occupa-

tion. Aussi, le gouvernement recourt-il à des mesures plus classiques, mais, en fait, inefficaces, en vue d’éponger la masse monétaire en excédent : emprunt à 3 p. 100, dit « emprunt de la Libération » (nov. 1944) ; blocage des prix le 17 novembre ; échange des billets d’une valeur supérieure à 50 francs le 4 juin 1945. Pierre Mendès France, démissionnaire le 18 janvier, se retire le 5 avril 1945, faute d’avoir pu faire prévaloir sa politique. Mais l’inflation demeure.

De telles difficultés n’empêchent pas le G. P. R. F. de procéder à des réformes de structure conformes au programme élaboré dans la clandestinité par le Conseil national de la Résistance : nationalisation* des usines Renault (ordonnance du 16 janvier 1945), des houillères du Nord et du Pas-de-Calais (ordonnance du 13 décembre 1944), de la Société des moteurs Gnome et Rhône — qui constitue alors la Société nationale d’étude et de construction de moteurs d’aviation (S. N. E. C. M. A.)

[ordonnance du 29 mai 1945] —, des entreprises de transport aérien — réorganisées en une seule société nationale, Air France (ordonnance du 26 juin) —, de la Banque de France et des quatre grandes banques* de dépôts : Crédit Lyonnais, Société générale, Comptoir national d’escompte de Paris et Banque nationale pour le commerce et l’industrie (B. N. C. I.). Ces mesures seront complétées en 1946 par la constitution des Charbonnages de France (loi du 17 mai), par la création des sociétés Gaz de France et Électricité de France (loi du 8 avril) et par la prise de contrôle des trente-quatre principales compagnies d’assurances (loi du 25 avril). Ainsi l’État prend le contrôle des secteurs clefs de l’économie française — énergie, transports —, dont il entend orienter l’évolution en fonction de l’intérêt général par la mise en place d’une planification* non pas impérative, comme en U. R. S. S., mais indicative. Élaborée par un Commissariat général au plan dont le premier titulaire, Jean Monnet, est nommé le 3 janvier 1946, cette planification doit permettre à l’État de fixer des objectifs et d’en obtenir les réalisations, même par des entreprises privées, en utilisant à leur égard les armes du budget, du

crédit et de l’emprunt.

Parallèlement, le G. P. R. F. dé-

cide d’améliorer la situation des travailleurs. Ainsi sont promulguées les ordonnances et les lois qui créent les comités d’entreprise dans les établissements de plus de cent employés

(22 févr.) et qui instituent la sécurité sociale (4 oct.), en imposant l’adoption à tous les salariés (19 oct.) et en étendant le champ d’application (loi du 22 mai 1946) ; en outre, la loi crée les allocations prénatale et maternité (22 août), accorde une aide aux « économiquement faibles » (11 sept.), étend à tous les Français le bénéfice de l’assurance vieillesse (13 sept.) et rétablit les conventions collectives.

La reconstruction politique

Liquider la guerre et ses séquelles, telle est la première tâche du G. P. R. F. Il faut intégrer les F. F. I. aux forces ré-

gulières de l’armée, pousser la 2e D. B.

de la Normandie à Paris et de Paris à Strasbourg, soutenir la progression de la future armée Rhin et Danube du gé-

néral de Lattre de Tassigny de la Provence à l’Alsace du Sud et empêcher les Américains de faire évacuer la capitale de l’Alsace lors de la contre-offensive du maréchal von Rundstedt en décembre 1944. Il s’agit là d’un effort de guerre considérable, qui permet à l’armée française de conquérir le pays de Bade, une partie du Wurtemberg, de la Bavière et du Tyrol, et d’occuper le nid d’aigle de Hitler, Berchtesgaden.

Par là même se trouve assurée la participation française à la signature de l’armistice de Reims le 7 mai 1945 et à la signature de l’acte de capitulation de Potsdam le 17 juillet. Par là aussi se trouve assurée la réinsertion de la France dans le concert des nations.

Encore faut-il, pour l’y maintenir, la doter de nouvelles institutions. Celles de la IIIe République sont repoussées par 90 p. 100 des suffrages exprimés lors du référendum du 21 octobre

1945 ; les Français élisent le même jour une Assemblée constituante dominée par le parti communiste (159 élus), la S. F. I. O. (146) et le M. R. P. (150), bénéficiaires des trois quarts des sièges et des quatre cinquièmes des suffrages,

alors que les groupes politiques jugés responsables de la défaite ou de la mise en place du régime de Vichy sont presque éliminés du Parlement, tels les radicaux (29 sièges) et les modérés (53). La S. F. I. O. refuse le tête-à-tête avec le P. C. F., pourtant mathématiquement possible, et entend associer le M. R. P. à l’exercice du pouvoir sous la direction du général de Gaulle (21 nov.

1945 - 20 janv. 1946). Le projet pré-

paré par la Constituante, favorable au régime d’Assemblée unique et omni-potente, ainsi que la politique du parti communiste, souvent opposée à celle de ses associés au pouvoir, provoquent le 20 janvier 1946 la démission du gé-