néral de Gaulle.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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La constitution du ministère présidé par le socialiste Félix Gouin (26 janv. -
12 juin 1946) consacre l’ère du tripartisme. Rapidement, des conceptions contradictoires se font jour pour l’élaboration de la Constitution. Un premier projet, défendu seulement par les communistes et les socialistes, est repoussé par 10 272 586 électeurs le 5 mai 1946 (53 p. 100 des suffrages exprimés) : il proposait un régime d’Assemblée, à chambre unique. La nouvelle Constituante est élue le 2 juin 1946 : le M. R. P., avec 5 558 213 suffrages, rassemble 28,2 p. 100 des suffrages exprimés et obtient 163 élus, qui constituent le groupe parlementaire le plus important de l’Assemblée. Aussi la responsabilité de constituer le nouveau gouvernement revient-elle à l’un des fondateurs du M. R. P., Georges Bidault (23 juin - 28 nov. 1946), et celle de rapporter le nouveau projet constitutionnel à un autre de ses membres, Paul Coste-Floret. Approuvée le 13 octobre par une « majorité médiocre, faible et aléatoire » selon Charles de Gaulle (53,5 p. 100 des suffrages exprimés, 36 p. 100 des inscrits), la Constitution de la IVe République s’oppose au projet défini par le général dans le discours de Bayeux (16 juin 1946), qui préconisait un régime présidentiel à exécutif fort.
Cette Constitution établit la pré-
pondérance de l’Assemblée moyennant des contrepoids destinés à assurer la stabilité de l’exécutif. C’est en fait un compromis entre les partisans du régime d’Assemblée et les défenseurs du régime présidentiel. Elle est précédée d’un Préambule affirmant les droits sociaux de l’homme, inspirés par la Résistance et par les principes de 1789. L’Assemblée nationale est élue pour cinq ans au suffrage universel, désormais étendu aux femmes et aux militaires, et selon le système de la représentation proportionnelle, privilé-
giant les partis politiques. Elle est permanente, vote seule la loi et ne peut dé-
léguer ce droit (art. 13). Elle peut être dissoute sur décision du Conseil des ministres, dans des conditions prévues par la Constitution (art. 51), mais si difficiles à mettre en oeuvre qu’elles ne jouent qu’une fois, en 1955. Le Conseil de la République est élu au suffrage indirect. Ne pouvant imposer qu’une seconde lecture à l’Assemblée, qui reste maîtresse de sa décision (art. 20), cette « chambre de réflexion » accroît son rôle jusqu’en 1958. L’essentiel du pouvoir gouvernemental est confié à un président du Conseil, désigné par le président de la République et investi à la majorité absolue de l’Assemblée (art. 45). Le Conseil des ministres l’autorise à poser la question de confiance (art. 49), qui, pour qu’il soit renversé, doit lui être refusée à la majorité absolue des députés (art. 50) ; il a l’initiative des lois concurremment avec les membres du Parlement (art. 14) et en assure l’exécution (art. 47). Le président de la République est élu pour sept ans par les deux Chambres, réunies en congrès à Versailles (art. 29) ; il promulgue les lois, préside le Conseil des ministres (art. 32). Il est président de l’Union française (art. 64), formée par la République française, les États et Territoires associés (art. 60). Ses pouvoirs sont limités, mais son influence est réelle en matière de désignation du président du Conseil (art. 45), de politique étrangère (art. 31) et d’évolution de la France d’outre-mer (art. 64
et 65). Les constituants, par l’obligation du vote à la majorité absolue pour investir ou pour renverser le gouvernement (art. 45 et 49), ont voulu donner à
celui-ci une stabilité réelle. Mais l’instabilité ministérielle est aussi grande qu’avant la guerre ; les présidents du Conseil sollicitent la confiance pour leur ministère après sa formation sans y être contraints, ce qui aboutit à une double investiture, ou préfèrent se retirer après un échec sur une question mineure ; parfois même, les gouvernements disparaissent par dislocation interne.
Le discours de Bayeux
Prononcé par le général de Gaulle à Bayeux le 16 juin 1946 à l’occasion du second anniversaire de la libération de cette ville, le
« discours de Bayeux » comporte condamnation du projet constitutionnel déjà rejeté par le corps électoral le 5 mai 1946. À
celui-ci, l’homme du 18 juin propose de substituer le sien.
Ses deux principes essentiels — séparation réelle des pouvoirs, responsabilité du downloadModeText.vue.download 47 sur 621
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gouvernement devant le Parlement — ont inspiré les rédacteurs de la Constitution de 1958, compte tenu du fait qu’« au-dessus des contingences [doit être] établi un arbitrage national [...] [et que, par conséquent], c’est [...] du chef de l’État placé au-dessus des partis [...] que doit procéder le pouvoir exécutif ».
La mise en place du
régime et la rupture du
tripartisme (1947)
L’Assemblée nationale, qui fut élue le 10 novembre 1946, comprend
une majorité de députés appartenant aux trois partis qui ont dominé les deux Constituantes, et qui semblent condamnés à s’associer pour gouverner : le P. C. F., qui devient le premier parti de France (169 députés) ; la S. F. I. O., dont le recul s’accentue (101 élus) ; le M. R. P., qui régresse au second rang (164 élus). Élu à son tour le 24 novembre, le Conseil de la République a une composition politique plus modérée.
Mais, en attendant que l’Assemblée nationale se réunisse le deuxième mardi de janvier 1947, un dernier gouvernement provisoire se constitue sous la présidence de Léon Blum* (16 déc.
1946 - 16 janv. 1947). Il est composé uniquement de socialistes, et chargé de gérer les seules affaires courantes. Il élabore néanmoins avec le travailliste Ernest Bevin le texte du traité franco-britannique qui sera signé le 4 mars 1947. En même temps, il tente de briser l’inflation en décidant une baisse autoritaire des prix de 5 à 10 p. 100. Mais surtout il prépare la réunion du congrès de Versailles, qui, le 16 janvier 1947, élit président de la République le pré-
sident de l’Assemblée nationale, Vincent Auriol. Membre de la S. F. I. O., le nouveau chef de l’État (16 janv.
1947 - 16 janv. 1954) désigne un autre socialiste, Paul Ramadier, comme pré-
sident du Conseil (22 janv. - 19 nov.
1947). Trois radicaux, deux U. D. S. R.
(Union démocratique et socialiste de la Résistance) et deux indépendants se joignent à leurs collègues appartenant aux trois partis dominants pour constituer un ministère dit « d’accord géné-
ral », qui se heurte d’abord à l’opposition du général de Gaulle ; celui-ci, le 30 mars 1947, condamne la Constitution dans son discours de Bruneval et, le 7 avril à Strasbourg, est fondé le Rassemblement du peuple français,
« qui va promouvoir et faire triompher
[...] le grand effort de salut commun et de réforme profonde de l’État ».
Paul Ramadier entre en conflit avec ses ministres communistes, dont la pré-
sence au gouvernement est indirectement critiquée par le président Harry Truman dans son discours du 15 mars 1947. Refusant, le 20 mars, de voter les crédits militaires destinés à financer la guerre contre le Viêt-minh, hostiles par ailleurs à la répression violente de l’insurrection malgache, qui débute dans la nuit du 29 au 30 mars, les ministres communistes votent même le 4 mai
contre le gouvernement afin de soutenir la grève des usines Renault (25 avr. -
16 mai), dont le déclenchement a été favorisé par les difficultés économiques (manque de charbon ; décision de réduire la ration journalière de pain à 250 g à partir du 1er mai). En choisissant, le 4 mai, de renvoyer les mi-
nistres communistes pour manquement à la solidarité gouvernementale, Paul Ramadier met un terme définitif à l’ère du tripartisme et « marque vraiment, selon Jacques Fauvet, l’avènement de la IVe République ». Celle-ci semble renouer dès lors des liens solides avec la IIIe, puisque cinq radicaux ayant fait carrière sous cette dernière obtien-dront tour à tour les présidences de l’Assemblée nationale, (Édouard Herriot*, 21 janv. 1947 - 12 janv. 1954), du Conseil de la République, redevenu le Sénat en 1958 (Gaston Monnerville, 18 mars 1947 - 3 oct. 1968), du gouvernement (Henri Queuille, 11 sept.