ment et économiquement aux États-Unis, la France accepte naturellement le leadership américain au lendemain du « coup de Prague » du 24 février 1948, qui marque le début de la guerre froide. Aussi signe-t-elle le 17 mars 1948 le pacte d’assistance réciproque de Bruxelles avec la Grande-Bretagne et les trois pays membres du Benelux (Union de l’Europe occidentale), et surtout le 4 avril 1949 le pacte atlantique, qui intègre ses forces armées nationales dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (O. T. A. N.), placée sous commandement américain.
La politique française de rigueur vis-
à-vis de l’Allemagne est abandonnée.
Sous l’impulsion du M. R. P. et de l’un de ses leaders, Robert Schuman, elle s’attache, désormais, à construire l’Europe avec elle. Dès le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe est créé. Puis, le 9 mai 1950, le lancement du plan Schuman-Monnet aboutit à la création de la Communauté européenne du charbon
et de l’acier (C. E. C. A.) par le traité de Paris que signent les Six le 18 avril 1951 : l’Europe* économique est née.
La guerre de Corée achève de poser la question du réarmement allemand, que favorisent les Américains. René Pleven propose alors, le 24 octobre, d’intégrer l’armée allemande dans une armée européenne : c’est le début de la querelle de la C. E. D. (Communauté européenne de défense).
Désormais, ce sont les problèmes
extérieurs, plus que les problèmes intérieurs, qui alimentent l’opposition entre les partis. Outre-mer, leur politique apparaît déjà affrontée à de multiples contradictions, dont la portée réelle, méconnue du public, n’appelle pas encore son attention. L’affaire indochinoise pourrit lentement : à partir de 1947, la guerre contre le Viêt-minh s’installe ; la France tente alors de jouer Bao Dai contre Hô Chi Minh.
En vain, car la victoire de Mao Zedong (Mao Tsö-tong) en Chine en 1950
apporte à celui-ci un appui politique et militaire décisif. Haut-commissaire de France en Indochine le 6 décembre 1950, le général de Lattre* de Tassigny réussit à stabiliser la situation en 1951. Sa mort, le 11 janvier 1952, coïncide avec une détérioration des positions françaises. Parallèlement, en
Afrique du Nord, la France substitue une politique d’intransigeance à une politique libérale, notamment en Tunisie*, où Ḥabīb Bourguiba* est arrêté le 18 janvier 1952, et au Maroc*, où la revendication de l’indépendance le 18 novembre 1952 par le sultan MuḤammad V contribue à la grève qui éclate à Casablanca le 7 décembre et qui est réprimée par la force.
Le temps du centre droit
(1952-1954)
Après la rupture de la Troisième Force, le mouvement continu qui porte depuis 1945 la majorité de l’extrême gauche vers le centre droit aboutit à la constitution de ministères à base quadripar-tite (radicaux, U. D. S. R., M. R. P. et indépendants) [8 mars 1952 - 21 mai 1953], auxquels s’adjoignent des
membres de l’Union des républicains d’action sociale (U. R. A. S.), républicains sociaux issus du groupe parlementaire R. P. F., désavoué par le général de Gaulle le 6 mai 1953. Politiquement libéral et financièrement conservateur, Antoine Pinay, par son investiture inattendue le 6 mars 1952, a, en effet, divisé le R. P. F. : 27 dépu-tés sur 117 lui apportent ce jour-là leurs suffrages ; le 12 juillet, ils constituent même un groupe parlementaire dissident et indépendant, l’Action républicaine et sociale (30 membres et 2
apparentés). Le président du Conseil, qui bénéficie de l’appui de l’opinion publique modérée, réussit à freiner l’inflation. Mais il est contraint, par la reprise de la hausse des prix en août, à bloquer ces derniers le 11 septembre à leur niveau du 31 août ; il s’aliène alors une fraction de ses amis libéraux.
Affaibli par la stagnation économique, qui résulte de sa politique de déflation, critiqué par le M. R. P., qui, officiellement, lui reproche de porter atteinte aux allocations familiales et, officieu-sement, de ne pas avoir fait ratifier le traité de Paris sur la C. E. D., qu’il a pourtant signé le 27 mai, Antoine Pinay préfère démissionner le 23 décembre.
La récession, qui frappe alors la France en 1952-53, n’empêche pas la poursuite de cette expérience de droite avec les ministères René Mayer (8 janv. -
21 mai 1953) et Joseph Laniel (28 juin 1953 - 12 juin 1954). Le premier, qui
aurait besoin de rallier les élus du R. P. F. pour disposer d’une majorité stable, est accablé par le problème européen : la ratification éventuelle de la C. E. D. divise les partis. Si les communistes et les gaullistes y sont hostiles et les membres du M. R. P. favorables, tous les autres partis, même ceux de la majorité, sont divisés, en particulier la S. F. I. O. Aussi le gouvernement Mayer est-il finalement renversé par le vote hostile de 71 députés R. P. F. sur 83, à propos de pouvoirs économiques et financiers. Abandonné le 6 mai 1953
par le général de Gaulle, qui ne désire plus cautionner sa politique du sigle R. P. F., le groupe parlementaire de ce nom devient le 26 mai l’Union des ré-
publicains d’action sociale ; le 26 juin, ses membres achèvent de s’intégrer au régime en apportant leurs suffrages à Joseph Laniel (1889-1975) au terme d’une longue crise. Ce ralliement facilite l’élection à la présidence de la Ré-
publique, le 23 décembre, au treizième tour de scrutin et par 477 suffrages sur 871, d’un modéré non marqué par une prise de position sur la C. E. D., René Coty (16 janv. 1954 - 8 janv. 1959).
Ministre des Finances sans interruption du 28 juin 1953 au 20 janvier 1955, président du Conseil du 24 février 1955
au 24 janvier 1956, Edgar Faure fait voter le 11 juillet 1953, puis le 13 août 1954 deux lois de pouvoirs spéciaux downloadModeText.vue.download 49 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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qui lui permettent d’agir par décrets en matière économique et financière.
Après une année blanche (1953), le deuxième plan, dit « plan Hirsch », encadre l’expansion. Élaboré en vertu du décret du 12 décembre 1951, son contenu n’est, pourtant, approuvé que le 27 mars 1956, alors qu’il couvre la période s’étendant du 1er janvier 1954
au 31 décembre 1957. Sa réalisation est financée par le Fonds de développement économique et social (F. D. E. S.), créé en juin 1955 ; elle l’est également par l’autofinancement et par l’épargne, qui est sollicitée par des groupements d’industries nouvellement constitués, tel le G. I. S. (Groupement des indus-
tries sidérurgiques). Les commandes off shore, la construction par les États-Unis de bases aériennes en France aux frais de l’O. T. A. N., la prise en charge partielle par les États-Unis des dépenses de la guerre d’Indochine stimulent la production et la hausse des salaires sans que soit vraiment affectée la stabilité des prix.
La France, qui est devenue expor-
tatrice de produits agricoles et qui bénéficie même en 1955 d’une balance commerciale et surtout d’une balance des comptes en excédent de 407 millions de dollars, peut alors reconstituer ses réserves d’or et de devises, entamer le remboursement de sa dette exté-
rieure et libérer par étapes ses échanges de 18 p. 100 en septembre 1953 à
74 p. 100 en avril 1955 et à 82 p. 100
en avril 1956.
Mais certaines mesures écono-
miques prises à l’origine par le gouvernement Laniel (recul de l’âge de la retraite dans les entreprises nationalisées) provoquent une grève générale des services publics du 7 au 25 août 1953. En même temps, la situation s’aggrave en Afrique du Nord : le sultan du Maroc MuḤammad V est éloi-