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L’économie sarthoise se distribue entre un grand nombre d’activités.

Son secteur primaire (54 300 actifs en 1968 sur 194 000, soit 28 p. 100 contre 16 p. 100 pour la France) la distingue dans l’Ouest. Alourdie sans doute par des structures mal adaptées à l’agriculture moderne (trop grand nombre d’exploitations, fermage couvrant les deux tiers des terres), elle est réputée en revanche pour ses productions fruitières (reinette du Mans, reine des reinettes) et surtout pour ses élevages représentant, à eux seuls, 75 p. 100 du revenu agricole : races bovines normande et frisonne, ovine « bleue du Maine », porcs large white, chevaux de selle, poulardes et chapons du Mans, poulets de Loué. L’industrie (35 p. 100 des actifs), d’origine ancienne et stimulée par la décentralisation à deux heures de Paris et dans une région de population jeune (37 p. 100 de « moins de vingt ans » contre 32 p. 100 pour la France), est restée fidèle à la fonderie (Sainte-

Jamme-sur-Sarthe, Sablé-sur-Sarthe, La Ferté-Bernard), au secteur alimentaire (laiteries, fromageries, rillettes), au travail du bois (scieries), compte d’importantes usines de constructions mécaniques (automobiles, matériel de chemin de fer, pompes à moteur, armements au Mans, boulonnerie à

Saint-Cosme-en-Vairais, emballages métalliques à La Flèche), de constructions électriques et électroniques (Le Mans, Champagne, Mamers, La Ferté-

Bernard, Saint-Calais), de caoutchouc (Sougé-le-Ganelon, La Flèche, La

Ferté-Bernard, La Suze-sur-Sarthe, Marolles-lès-Saint-Calais), de préfabriqués (Fyé), de papier (Bessé-sur-Braye), de bâtiment, lingerie, confection, tabac, couleurs fines (Le Mans), deux grosses imprimeries (Le Mans et La Flèche), des biscuiteries (Sablé-sur-Sarthe). Cinquante-cinq établissements industriels emploient plus de 200 salariés, dont quatre plus de 1 000. Un effort touristique judicieux met en valeur un patrimoine naturel et artistique trop longtemps méconnu (Alpes mancelles, cathédrale du Mans, abbayes de l’Épau et de Solesmes, châteaux du Lude et de Gallerande). Le Mans inaugurait en 1923 la célèbre course automobile des

« Vingt-Quatre Heures » ; du Mans est parti en 1964 le mouvement des « stations vertes de vacances ».

La Sarthe tire une profonde cohésion de son armature urbaine, fortement hiérarchisée. Son taux d’urbanisation n’est pas élevé (52 p. 100 [France, 70 p. 100]). Au-dessus de centres locaux proches de la vie des campagnes et d’où n’émergent, par quelques industries, que Beaumont-sur-Sarthe, Bonnétable et Écommoy, un ensemble de petites villes, cependant, aux fonctions diversifiées, Sablé-sur-Sarthe (11 761 hab.), La Flèche (16 352 hab.

[Prytanée militaire]), Château-du-Loir (6 155 hab.), Saint-Calais (4 577 hab.).

La Ferté-Bernard (9 797 hab.), Mamers (6 815 hab.), en ordonnance la périphé-

rie. Du centre, Le Mans (195 297 hab.

pour l’agglomération), forte de sa position de carrefour, règne sur le dé-

partement sans partage (fonctions de redistribution, organisations professionnelles agricoles, assurances, industries, marché de main-d’oeuvre).

Son poids, qui freine l’émigration d’un département relativement peuplé (79 hab. au km2), mais en accroissement voisin de la moyenne nationale entre 1968 et 1975, peut enrayer les effets nuisibles d’une situation géné-

rale tiraillée entre l’éloignement de la capitale de Région, Nantes, et la proximité de Paris.

Y. B.

F Loire (Pays de la) / Maine / Mans (Le).

G. Pierret, la Nécessité économique de l’aménagement du territoire dans le Maine (thèse, Le Mans, 1960). / P. Bois, Paysans de l’Ouest (Mouton, 1961). / M. Lévy-Leboyer, F. Dornic, G. Désert et R. Fauvel, Un siècle et demi d’économie sarthoise, 1815-1966 (Caen, 1969).

Sartre (Jean-Paul)

Philosophe et écrivain français (Paris 1905).

Un « monstre »

polymorphe qui

s’interroge sans s’arrêter

À la fois philosophe, romancier, critique, journaliste, homme de théâtre et homme politique, Jean-Paul Sartre s’est exprimé dans tous les modes littéraires : romans, nouvelles, pièces de théâtre, essais, traités, etc. L’entreprise de cerner et de synthétiser sa pensée pourrait paraître par là d’autant plus malaisée. Mais cette diversité se situe temporellement : issue de problèmes profonds, l’oeuvre de Sartre se « dia-lectise » constamment dans la mesure où l’auteur cherche à se situer et à se définir par rapport aux grands courants de pensée contemporains. Plus profondément peut-être encore, elle s’autodétruit et se renouvelle par la connaissance aiguë que Sartre prend de lui-même et de ses motivations sous-jacentes.

En 1964 est paru un petit livre, les Mots, dans lequel Sartre dégage avec une netteté étincelante les grands downloadModeText.vue.download 527 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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complexes affectifs, les grandes frustrations qui ont pu donner naissance à ce « monstre » littéraire qu’on appelle Jean-Paul Sartre.

Une enfance dans

laquelle la réalité

n’arrive pas à entrer

C’est l’une des premières et des plus fortes suggestions des Mots : l’absence de réalité, et d’abord de celle du père. Ce dernier, à peine son fils né, meurt, sans avoir eu le temps de devenir un souvenir : à peine une photo jaunie. Une situation à la fois régu-lière, parce que légitime, et pourtant déroutante, bâtarde, s’instaure alors.

La très jeune femme, à peine mariée, déjà mère et veuve, retourne chez ses parents. Ceux-ci se sacrifient sans une hésitation ; mais l’amour est plus difficile. Situation fausse et mensongère, exagérée encore par un grand-père très comédien ; de là naît un enfant dont le cabotinage est le reflet de l’humilité de la mère et de la mégalomanie du grand-père ; climat sournois où rien n’oppresse franchement, mais où rien n’est vrai, où tout se dérobe.

Le rôle du comédien

Le théâtre de Sartre est l’expression la plus directe de ce thème profond et retors. De l’Oreste des Mouches (1943) à Kean le comédien, les héros du théâtre sartrien ont tous un point commun : la difficulté qu’ils ont à

« jouer leur rôle ». Chez Oreste, le premier et le plus libre des héros sartriens, c’est la conscience aiguë de sa vacuité, de son détachement par rapport au monde. Malgré sa volonté d’exister pour les autres, Oreste rate finalement les autres, la vie, le réel par un acte, le meurtre d’Égiste et de Clytemnestre, qui n’est qu’un « geste », car il horrifie la ville entière et personne n’en saisit les motivations ; en fait, Oreste, sans haine et donc sans attache, s’est donné à lui-même la comédie de l’action et de l’existence.

La problématique est presque sem-

blable chez le jeune Hugo des Mains sales (1948), le plus tourmenté des

héros du théâtre sartrien ; cet adolescent prolongé « rate » le réel et l’authentique de la vie en tuant l’homme qui, précisément, incarnait pour lui la vie, qui y trempait à plein de ses deux

« mains sales ». Il en est de même pour Goetz, qui se joue la comédie du bien et du mal, dans le Diable et le Bon Dieu (1951), sans parvenir à atteindre les hommes ; quant à Kean, dans la pièce du même nom (1953), comédien-né, il ne réussira jamais à vivre sa vie sur un autre mode que celui du factice.