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La carrière artistique de Satie se ré-

sume à la fréquentation de « cénacles »

qui semblent trouver dans les dons de celui-ci le moyen de réaliser leurs prétentions esthétiques tout en fournissant le support dont ils ont besoin pour s’épanouir. Ce curieux phénomène

d’osmose ne fait perdre au musicien ni son indépendance ni son originalité. Détachées du contexte esthétique ou fonctionnel qui les a fait naître, les partitions de Satie vivent leur vie propre d’objets parfaitement achevés dans les limites de leur propos et dont on a pu dire qu’ils étaient « fignolés et non finis ». Dès 1890, les oeuvres inspirées par la philosophie pseudo-wa-gnérienne du « sâr » Joséphin Peladan et les ambitions mystiques du mouvement Rose-Croix ne se départissent pas de l’idéal de simplicité déjà remarqué (les Préludes du Fils des étoiles

[1891], les Préludes du Nazaréen

[1893], les Danses gothiques [1893] et les Préludes de la Porte héroïque du ciel [1894]). De même, l’expérience de Satie, comme pianiste « tapeur »

dans les cabarets tels l’Auberge du Clou (où il rencontrera Debussy) ou le Chat Noir lui permet d’approfondir les ressources du music-hall, auquel, par-delà les oeuvrettes destinées à des artistes en vogue (Je te veux, la Diva de l’« Empire » pour Paulette Darty), il donnera ses lettres de noblesse dans des partitions aussi diverses que Geneviève de Brabant (pour marionnettes), Jack in the Box (pantomime de 1899) ou la Belle Excentrique (1920), un peu à la manière dont certains artistes, tel Toulouse-Lautrec, ont réhabilité l’art du dessin, de la caricature, de l’affiche ou de la décoration.

La période 1900-1910 est moins

féconde. Les Trois Morceaux en forme de poire (1903) marquent une protestation souriante contre les subtilités de l’impressionnisme. D’autre part, Satie se consacre à de nouvelles études à la Schola cantorum (1905-1908). Les concerts donnés en 1910-11 par Ravel et le pianiste Ricardo Viñes (1875-1943) le révèlent au grand public. C’est alors la suite ininterrompue d’oeuvres que Satie affuble de titres provocateurs, comme En habit de cheval (1911, pour orchestre) ou, pour piano, Préludes

flasques pour un chien (1912), Descriptions automatiques et Embryons desséchés (1913), toutes pages parsemées de notations étonnantes, manifestation d’un humour devenu extravagant beaucoup plus que recherche du pittoresque ou conseil d’exécution.

La célébrité vient au musicien avec Parade (« ballet réaliste », 1917), commande de Diaghilev, désireux

de rompre avec le raffinement de ses productions passées et à la recherche d’une musique « mécanique ». L’argument de Jean Cocteau, les décors et les costumes « cubistes » de Picasso, la chorégraphie « athlétique » de Mas-sine et la musique « hyper-réaliste »

de Satie, qui empruntait au bruit, alors inusité, à la musique savante et à l’esprit de la foire, déclenchèrent un scandale malgré les essais de justification par G. Auric et G. Apollinaire. Les mouvements surréalistes et dadaïstes, déjà présents dans une comédie avec musique, le Piège de Méduse (1913), inspirent les ballets de 1924 : Mercure (avec Picasso) et Relâche (ballet

« instantanéiste » avec Picabia). Dans ce dernier était inséré l’Entr’acte ci-nématographique de René Clair, où la partition fonctionnelle de Satie laissait prévoir l’union future du son et de l’image.

L’influence de Satie est due à son habileté à désublimiser et à démythifier un sujet, une idée ou un procédé musical. D’où la liberté d’allure d’oeuvres aussi opposées que Sports et divertissements (1914), poétiques tableaux-miniatures pour piano inspirés par une suite de dessins, et Socrate (d’après Platon, 1918), « drame symphonique »

où l’émotion naît de la rigueur volontaire avec laquelle est soutenue une déclamation linéaire et « blanche ».

Cette liberté séduisit nombre de jeunes compositeurs : l’école américaine, à travers Virgil Thomson (né en 1896), et, en France, le groupe des Six* et l’école d’Arcueil ont assuré la présence de Satie dans le monde contemporain.

L’école d’Arcueil

L’école d’Arcueil fut aussi hétérogène que le groupe des Six, et son existence fut encore plus éphémère. Quatre jeunes

compositeurs présentés par Milhaud à Satie virent leurs débuts patronnés par ce dernier en 1923. Leurs études communes de composition auprès de Charles Koechlin (1867-1950) au Conservatoire de Paris et leur admiration pour le « bon maître d’Arcueil » formaient les seuls liens d’une union aussitôt rompue par la diversité des carrières suivies.

Toutefois, les ballets de Satie et ses tentatives pour créer une « musique d’ameublement » ont pu inciter ces jeunes compositeurs à s’intéresser aux différents arts du spectacle, y compris le cinéma, pour lesquels ils ont tous écrit des partitions réussies, dont, d’ailleurs, l’écriture raffinée est souvent éloignée du dépouillement satiste.

Henry Cliquet-Pleyel (Paris 1894 - id.

1963), le plus effacé, a laissé des oeuvres de chambre (quatuors à cordes, 1912, 1923 ; sonates pour violon et piano, 1943, 1947) ainsi qu’un conte filmé, Panurge.

Roger Désormière (Vichy 1898 - Paris 1963) partagea ses dons de chef d’orchestre entre la restitution de musique ancienne (opéras de Lully et Rameau) et la création d’oeuvres contemporaines (Milhaud, Messiaen, Boulez, Dutilleux). Il illustra aussi des films de R. Clair, de J. Renoir, de J. Duvivier, de J. Becker et de L. Daquin.

Maxime Jacob, en religion dom Clément (Bordeaux 1906), s’orienta vers la gravité de la musique religieuse à la suite de sa conversion (1929) et de son entrée chez les bénédictins d’En-Calcat (Tarn), sans renier dans ses oeuvres les plus récentes le jaillissement et le charme de ses premières mélodies et de l’opéra-comique Blaise le savetier (1926).

Henri Sauguet (de son nom véritable, Henri Poupard) [Bordeaux 1901] est le plus prolifique du groupe d’Arcueil : une sensibilité, une spontanéité et un lyrisme naturels lui ont permis de réussir dans tous les domaines (symphonies, concertos, quatuors, mélodies), mais surtout dans les ouvrages pour la scène : opéras (la Chartreuse de Parme, 1939 ; les Caprices de Marianne, 1954), ballets (la Chatte, 1927 ; les Mirages, 1943 ; les Forains, 1945 ; la Dame aux camélias, 1957), pièces de Büchner, de Giraudoux, de Supervielle et films de M. L’Herbier, de G. Rouquier.

Y. G.

D. Milhaud, Études (André Delpeuch, 1928). / P. D. Templier, Erik Satie (Rieder, downloadModeText.vue.download 539 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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1933). / A. Cortot, la Musique française de piano, t. III : les Six et le piano (P. U. F., 1944).

/ R. Myers, Erik Satie (Londres, 1948 ; trad. fr., Gallimard, 1959). / Erik Satie. Son temps et ses amis, numéro spécial de la Revue musicale (Richard Masse, 1952). / C. Rostand, la Musique française contemporaine (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952 ; 4e éd., 1971). / P. Collaer, la Musique moderne (Elsevier, 1955 ; nouv. éd., Meddens, Bruxelles, 1964). / V. Jankelevitch, le Nocturne. Fauré, Chopin et la nuit. Satie et le matin (A. Michel, 1957). / J. Roy, Musique française (nouv. éd., Debresse, 1962). / Roger Désormière et son temps (Éd. du Rocher, Monaco, 1966). / A. Rey, Erik Satie (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1974).

saumâtre

Se dit des eaux salées lorsque leur salinité est inférieure à celle des océans.

Si, dans le langage courant, le terme de saumâtre s’applique à tout ce qui a goût d’eau de mer, les biologistes se sont accordés pour le réserver aux eaux dont la salinité* est intermédiaire entre l’eau douce et l’eau salée à 35 p. 1 000