G. G.
F Anjou / Loire (Pays de la) / Maine-et-Loire.
Saussure (Horace
Bénédict de)
F ALPINISME ET HYGROMÉTRIE.
Saussure
(Ferdinand de)
Linguiste suisse (Genève 1857 -
Vufflens, canton de Vaud, 1913).
La vie
Né dans une vieille famille de l’aristocratie genevoise où la recherche scientifique est une tradition (son père, Henri de Saussure [1829-1905]
est un naturaliste de renom), F. de Saussure, après des études classiques, entreprend en 1875 une pre-mière année de physique et chimie à Genève. Cependant, son goût pour la linguistique s’est déjà manifesté par un Essai sur les langues rédigé à quinze ans et inspiré par la tradition linguistique spéculative du XVIIIe s. sur l’origine du langage. C’est en 1876, avec son départ pour Leipzig, que commence réellement sa carrière de linguiste. Saussure y étudie pendant quatre années, avec un court séjour à Berlin (1878), le sanskrit, l’iranien, le vieil irlandais, le vieux slave, le lituanien, tout en participant activement aux débats des néogrammairiens (Karl Brugmann [1849-1919], Hermann
Osthoff [1847-1909], August Leskien
[1840-1916]). Son Mémoire sur le
système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes, achevé et publié à Leipzig en 1879, fait de lui, à vingt et un ans, un des « noms » de la linguistique. En 1880, Saussure soutient à Leipzig sa thèse de doctorat. De l’emploi du génitif absolu en sanskrit, puis il vient à Paris, où il suit les cours de grammaire comparée de Michel Bréal (1832-1915) à l’École des hautes études, cours qu’il assurera lui-même à partir de 1881. Sa période parisienne (1880-1891) est marquée par une grande activité, grâce à son enseignement, où apparaissent ses premières réflexions sur le « système » de la langue et auquel assiste un auditoire passionné (dont A. Meillet*), et grâce downloadModeText.vue.download 542 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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à la publication d’articles et de notes qui paraissent dans les Mémoires de la société de linguistique, dont il est devenu le secrétaire adjoint en 1882.
Cette activité contraste avec le silence qui marque la dernière période de sa vie, celle de Genève, de 1891 à 1913. Après avoir enseigné à l’université de Genève le sanskrit et la grammaire comparée, Saussure aborde
en 1907 la question essentielle des fondements de la linguistique géné-
rale, implicite dans toute son oeuvre antérieure, mais il ne livre plus rien de ses longues méditations, hormis au petit cercle de ses élèves genevois, qui transmettront l’essentiel de ses thèses dans un ouvrage publié en 1916, trois ans après sa mort, Cours de linguistique générale, réalisé par Ch. Bally*
et Ch. A. Séchehaye (1870-1946) à partir des notes des cours que Saussure a professés en 1906-07, en 1908-09 et en 1910-11.
Le « Mémoire sur le
système primitif des
voyelles dans les langues
indo-européennes »
Quelles que soient les raisons qui amènent F. de Saussure à garder le silence sur les problèmes de linguistique générale, il en résulte que la seule oeuvre vraiment connue de son vivant, admirée ou critiquée, est le Mémoire de 1879. Ses autres articles, s’ils té-
moignent de la rigueur et de l’originalité de sa pensée (la question de l’intonation et de l’accentuation dans les langues baltiques), abordent souvent aussi des problèmes qui peuvent pa-raître marginaux (anagrammes, études étymologiques).
Le Mémoire, au contraire, pose
d’emblée une question d’ensemble, non résolue par la méthode comparative traditionnelle : le système vocalique indo-européen. La théorie saussurienne postule un *A, défini comme un coefficient sonantique, c’est-à-dire un élément ayant des propriétés à la fois vocaliques et consonantiques (comme nos semi-voyelles /w/ et
/y/) ; cet élément permet d’expliquer de manière relativement simple le jeu des alternances vocaliques indo-européennes. Le Mémoire présente encore
un grand intérêt, non seulement parce que l’existence hypothétique de cet élément fut prouvée par la découverte, dans la langue hittite, d’une laryn-gale /ḥ/ correspondant au *A de F. de Saussure (Jerzy Kuriłowicz, 1927), mais surtout parce que cette méthode, fondée sur les relations internes, purement fonctionnelles, des éléments du système, sans recours à une description phonétique, annonçait de façon saisissante les concepts théoriques élaborés ultérieurement dans le Cours.
Le « Cours de linguistique
générale »
S’ouvrant sur une critique incisive de la philologie et de la linguistique comparative historique, le Cours
contient un ensemble de propositions théoriques et méthodologiques visant à définir l’objet de la linguistique, sa place parmi les autres sciences sociales et les concepts fondamentaux qui permettraient une analyse rigoureuse de l’objet délimité au préalable. Certaines des conceptions de F. de Saussure sur la nature du langage se retrouvent chez W. von Humboldt*, W. D. Whitney
(1827-1894) ou J. Baudouin de Cour-tenay (1845-1929), mais le linguiste genevois reste le premier à avoir envisagé dans une perspective générale et cohérente les problèmes soulevés par ces considérations nouvelles et à avoir donné à la linguistique un premier appareil technique spécifique.
En refusant les conceptions anté-
rieures, qui prennent avant tout comme justification théorique ou comme principe d’explication des critères exté-
rieurs au phénomène linguistique lui-même, Saussure fonde la linguistique interne, qui « se place de prime abord sur le terrain de la langue et la prend pour norme de toutes les autres manifestations du langage ». Il faut, en premier lieu, définir ce qu’est la langue au moyen d’une méthode permettant l’identification des éléments qui la constituent et, ultérieurement, réinté-
grer, à partir des principes généraux définis précédemment, l’étude des phé-
nomènes « externes » — historiques, géographiques, ethnologiques et autres
— concernant le « langage » sous ses différents aspects. Le Cours suit cette
double démarche en réunissant les articulations essentielles de la réflexion sur la langue dans une première partie, tandis que la seconde propose une interprétation nouvelle de problèmes linguistiques « externes ».
y Langue / parole. Cette première distinction s’inscrit dans le cadre de la psychologie associationniste et de la sociologie naissante de la fin du XIXe s.
Pour Saussure, le processus de communication linguistique est d’ordre psychique et social avant tout ; c’est ce qui constitue la langue, objet premier de l’analyse linguistique, « trésor dé-
posé par la pratique de la parole dans les sujets appartenant à une même communauté ; un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau ou, plus exactement, dans les cerveaux d’un ensemble d’individus
[...] » ; la manifestation de la langue sous forme vocale, comprenant un
aspect physique et physiologique, est relativement accidentelle et secondaire. Mais il est évident que, par ailleurs, ce mécanisme, ce système ou ce code qu’est la langue n’apparaît qu’à travers la parole, actes de réalisation, toujours particuliers et variables, par le sujet exprimant sa « pensée personnelle ». Il s’agit donc de déterminer l’ensemble des règles abstraites qui régissent ce système supra-individuel (modèle collectif) sous-jacent à toute actualisation par la parole, en étudiant les « faits de paroles », dont seront éliminées toutes les variables individuelles pour ne retenir que les constantes communes à tous les locuteurs d’un groupe social donné qui a intégré le « mécanisme » de la langue.
y Signe, signifiant, signifié. Le signe linguistique est défini comme une entité purement psychique unissant une « image acoustique », le signifiant