— représentation mentale d’une suite sonore —, à un concept, le signifié —
représentation mentale d’une idée ou d’une chose.
Ces deux aspects, indissolublement liés dans la conscience du sujet parlant, donnent à la totalité qu’est le signe linguistique ses deux caractères fondamentaux : arbitraire et linéaire. Le signe linguistique est arbitraire parce que le
lien qui unit le signifié au signifiant est d’ordre conventionnel (par conséquent social), imposé aux membres d’une même communauté, sans que ce lien soit « naturel » : la représentation de la suite sonore /b oe f/ n’a aucune attache avec l’idée même ou la notation de
« boeuf » dans la réalité. Il s’agit donc d’une entité psychique et sociale qui relève du système de la langue et non de la libre réalisation individuelle. Le caractère linéaire du signe linguistique est dû à la nature auditive du signifiant, qui se déroule dans une dimension temporelle (chaîne parlée) ; cela impose une organisation particulière au système de signes qu’est la langue parmi tous les autres systèmes de signes possibles. L’ensemble de ces systèmes devrait faire l’objet d’études spéciales dans le cadre d’une « sémiologie
générale » dont la linguistique serait une branche essentielle, car la langue est le plus développé de tous ces systèmes et existe dans toutes les sociétés humaines.
y Synchronie / diachronie. Cette
dernière distinction théorique, implicitement contenue dans les deux précédentes, permet d’aborder la notion de « valeur » en linguistique et de tirer les premières conséquences méthodologiques de cet ensemble de propositions. Cette méthodologie est encore très hésitante chez Saussure : le structuralisme a développé et affiné ces premières formulations intuitives.
L’étude synchronique se place dans la perspective du sujet parlant, pour qui l’histoire ou l’évolution de la langue n’intervient pas dans le processus de la communication linguistique. Toute étude du système de la langue suppose de faire abstraction des phénomènes historiques et sociaux qui ont produit ce système. On étudie alors un état de la langue compris dans un espace temporel limité, de sorte que l’évolution ne soit pas assez sensible pour avoir influé sur le système lui-même ; cela n’est possible que parce que les phé-
nomènes de transformation d’un sys-tème linguistique ne s’opèrent que très lentement. Placée sur l’axe de la « simultanéité », la linguistique synchronique s’oppose ainsi, sans l’exclure, à la linguistique diachronique, qui se
place sur l’axe de la « successivité » en envisageant le passage d’un système à un autre, c’est-à-dire l’évolution historique de la langue. La perspective diachronique est méthodologiquement seconde par rapport à la perspective synchronique, puisque toute « diachronie » suppose une étude sérieuse des différents systèmes synchroniques pour pouvoir en dégager les « lois d’évolution ». Or, ce qui préoccupe Saussure, c’est d’examiner les conditions d’étude du système synchronique, limité pour l’heure à la « grammaire traditionnelle, discipline normative, fort éloignée de la pure observation et dont le point de vue est forcément étroit ». La définition de la langue (système abstrait) et celle du signe (unité psychique et sociale à deux faces) contiennent les consé-
quences méthodologiques permettant cette étude.
1. La « réalité » du signe linguistique, c’est la valeur qu’on lui attribue dans une société donnée, tant sur le plan du signifiant que sur celui du signifié, c’est-à-dire quelque chose de purement abstrait, de non substantiel, dont les qualités sont négatives et différentielles : la multiplicité des réalisations du phonème /a/ en français ne gêne pas son identification, parce qu’il est différent de tous les autres phonèmes downloadModeText.vue.download 543 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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du français ; il ne prend sa valeur /a/
que par rapport à cet ensemble (dans la terminologie structuraliste, ce sera une unité discrète). Ainsi, toute « valeur »
attribuée à un élément quelconque est liée à un système qui organise ces valeurs entre elles ; celles-ci n’ont de raison d’être que par rapport à ce système, dont la description est celle d’un
« jeu » de relations mutuelles entre entités abstraites (« la langue est forme et non substance »).
2. Le caractère linéaire du signe linguistique permet de décrire ce jeu de relations qui caractérise tout système linguistique en utilisant deux types d’analyses simultanées : d’une part, l’étude des rapports syntagmatiques
qu’entretiennent les éléments entre eux au sein de la chaîne parlée (la
« valeur » de « beau » dans « Il fait beau temps » est étroitement liée aux termes qui l’environnent et auxquels il s’oppose) et, d’autre part, la mise en évidence des rapports associatifs (dans la terminologie structuraliste, on dira paradigmatiques) qui font que
« beau », par exemple, s’oppose également à tous les termes qui auraient pu prendre sa place dans la chaîne : « Il fait — temps ». Sans arriver à une définition très précise du phonème ou du morphème, si ce n’est par un recours à l’intuition générale des sujets parlants, tout comme, un peu plus tard, E. Sapir* aux États-Unis, F. de Saussure dégageait les concepts théoriques fondamentaux qui permettaient ces définitions et fondait la linguistique structurale.
Actuellement, la pensée saussurienne a largement dépassé le cadre de la linguistique. Diffusée par le cercle limité des « élèves », de Paris et de Genève, sous des formes différentes d’ailleurs, elle a dominé peu à peu et non sans controverses les écoles structuralistes européennes (Prague, Copenhague) et plus indirectement l’école américaine à ses débuts. Envahissant le domaine des sciences humaines après la Seconde Guerre mondiale (anthropologie, psychanalyse plus particulièrement), elle est devenue au cours des dix dernières années un des thèmes principaux de la réflexion philosophique.
G. P.-C.
F Langue / Linguistique / Phonologie / Sémiotique / Structuralisme.
R. Godel, les Sources manuscrites du
« Cours de linguistique générale » de Ferdinand de Saussure (Droz, Genève et Minard, 1957).
/ G. Mounin, Ferdinand de Saussure (Seghers, 1968). / J. Starobinski, les Mots sous les mots.
Les anagrammes de Ferdinand de Saussure (Gallimard, 1971). / R. Amacker, Linguistique saussurienne (Droz, Genève, 1975).
Sauterelles
Nom donné communément à certains
Acridiens qui peuvent, dans certaines régions, causer des dégâts considé-
rables aux cultures.
Plus qu’aucun autre pays, l’Algé-
rie a subi dans le passé l’invasion de différentes espèces de ces Orthoptères*, dont les plus redoutés sont les Stauronotes marocains et les Criquets pèlerins. Les premiers, surtout, ont occasionné des dommages importants à l’agriculture de ce pays, notamment de 1929 à 1931.
Le Criquet marocain (Dociostaurus maroccanus) est une espèce nord-africaine absolument autochtone, qu’on rencontre dans la zone des Hauts Plateaux, du Maroc à la Tunisie. La ponte a lieu vers la mi-juillet ; les éclosions débutent en avril suivant ; l’adulte apparaît en juin ; les Criquets larvaires, réunis par l’instinct grégaire, commencent à causer des dégâts dès le premier jour. Toutes les grandes cultures, sur le passage des bandes innombrables parties des lieux de ponte et se dépla-
çant à la vitesse de 1 500 à 1 800 m par jour, parfois sur plusieurs kilomètres de long, sont appelées à être dévorées.
Le Criquet pèlerin (Schistocerca
gregaria), de taille plus grande que le précédent, a une aire de dispersion considérable, qui englobe toute l’Afrique nord-équatoriale et une partie de l’Asie du Sud. Les années d’invasion, les vols, signalés par les postes du sud de l’Algérie, envahissent dès le début de novembre la région des Oasis pour atteindre, souvent dès février, dans les territoires du Nord, le Tell et même le littoral, commettant de grosses déprédations sur les différentes cultures rencontrées. À partir de mars, au cours de cette invasion des régions nord, se produisent quatre ou cinq pontes donnant naissance aux Criquets pèlerins. Responsables de nouveaux dégâts et devenant adultes de deuxième génération après six mues successives, ces Criquets disparaissent finalement (en prenant la direction du sud) dans les régions méridionales du désert.