pas les Italiens de proclamer la république par le référendum du 2 juin 1946, qui écarte du pouvoir politique une dynastie millénaire, dont le dernier représentant part en exil le 13 juin, sans avoir renoncé formellement à la couronne.
Mais, pendant cette ultime période de son histoire, la Savoie, oubliant les liens qui l’ont unie à cette dynastie, découvre sa vocation française. Divisée en deux départements (Savoie et Haute-Savoie) eux-mêmes subdivisés en arrondissements correspondant aux anciennes provinces du duché, dotée d’une cour d’appel et même, de 1862
à 1918, d’un rectorat, la Savoie réalise rapidement son intégration au sein de l’Empire, puis de la République française au prix de quelques sacrifices, dont le plus important est celui de la Banque de Savoie, née en 1851
à Chambéry et supprimée le 19 mars 1865 afin de préserver le monopole d’émission de la Banque de France.
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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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Cette intégration sera d’ailleurs facilitée par les conséquences économiques de l’annexion de 1860 : extension de la zone franche, qui, jusqu’en 1923, bénéficie au nord de la Savoie ; mise en place, entre 1860 et 1914, d’un réseau ferroviaire de 535 km, soudant étroitement la province au territoire fran-
çais tout en l’unissant à l’Italie depuis l’achèvement, en 1871, du tunnel du Mont-Cenis ; modernisation du réseau routier, auquel l’ouverture du tunnel du Mont-Blanc en 1965 donne un nouvel accès à l’Italie ; mise en place progressive d’un important réseau autoroutier, dont l’achèvement doit faciliter l’essor du tourisme et la commercialisation des produits d’une agriculture qui s’oriente de plus en plus vers les spéculations pastorales et d’une industrie qui, renonçant aux activités traditionnelles (textiles, travail du bois), s’est orientée de plus en plus vers l’électro-chimie, l’électro-métallurgie et la mécanique de précision grâce à l’abondance de la houille blanche.
En 1870 et en 1871, mobiles et francs-tireurs savoyards luttent activement contre les Prussiens en Bourgogne ; de 1914 à 1918, les chasseurs alpins s’illustrent sur tous les champs de bataille ; de 1939 à 1944, enfin, non seulement la Savoie résiste à l’épreuve de l’occupation italienne, mais encore elle abrite, surtout à partir de 1943, de nombreux maquis, dont le plus célèbre, celui du plateau des Chères, témoigne, par le sacrifice de ses membres face aux « Forces du maintien de l’ordre »
et à celles de la Wehrmacht (31 janv. -
26 mars 1944), de la profondeur de l’adhésion à la communauté nationale d’une province à laquelle le traité de Paris du 10 février 1947 a rattaché le plateau du Mont-Cenis.
Le Piémont
Partie intégrante des provinces romaines de Transpadane et de Ligurie, contrôlée tour à tour par Odoacre (476-493), par les Ostrogoths (493-555) et par les Byzantins (555-568), incorporée par les Lombards à la Longobardia et divisée par eux en du-chés (568-774), le Piémont naît vraiment au VIIIe et au IXe s. de la transformation de ces derniers en sept comtés francs : ceux d’Ivrée, de Turin, de Verceil, d’Asti, de Novare, de Bredulus et d’Auriate. Région à prédominance agricole, relativement réfractaire au fait communal, le « pays »
se regroupe, après les invasions sarrasines et hongroises du IXe s., sous l’autorité du marquis d’Ivrée (Xe s.), dont les territoires se scindent vers 950 en trois marches nouvelles : Ivrée proprement dite, Turin et Ligurie. Après avoir réuni la première à la seconde de ces marches, le marquis de Turin Oderic (ou Ulric) Manfred donne ses biens (Suse, Turin, Ivrée, Pignerol et plusieurs autres fiefs) en dot à sa fille unique, Adélaïde de Suse (1015-1091), lorsqu’elle épouse vers 1046 le comte Odon Ier de Savoie, fils d’Humbert Ier Blanche-Main : le Piémont est né. Il assure dès lors à la maison de Savoie la maîtrise totale de la route du Mont-Cenis.
Dominé par une féodalité nombreuse, agitée et hostile au mouvement communal, amputé de Turin, qui, au XIIe s., ne reconnaît plus que l’autorité de son évêque, réduit à la fin du XIIe s. à la seule ville de Suse par l’empereur Henri IV, qui s’empare du reste du Piémont, considéré
par lui comme l’héritage de son épouse, Berthe de Savoie († 1087), le comté est reconstitué en grande partie par Thomas Ier (1189-1233), qui reconquiert Pignerol et obtient de l’empereur Chieri et Tortona. Il devient même une principauté indépendante lorsque le comte Amédée IV doit le constituer en apanage en faveur de son frère Thomas II (1245-1259), à qui succè-
dent son fils Thomas III (1259-1282) et son petit-fils Philippe d’Achaïe (1282-1334).
Écartée de la succession du comté de Savoie au profit d’Amédée V le Grand, frère cadet de Thomas III, la branche de Savoie-Piémont, puis celle de Piémont-Achaïe se perpétuent jusqu’à ce que, faute d’héritier mâle, le comté de Piémont soit réincorporé en 1418 par Amédée VIII aux États de la maison de Savoie, dont le centre de gravité se trouve ainsi déplacé vers l’est.
Le Piémont est doté d’une université en 1404 par le dernier représentant de la branche de Piémont-Achaïe, le duc Louis (1402-1418), et d’un « Conseil deçà les Monts » qui dispense ses habitants d’avoir recours en appel au « Conseil résident » de Chambéry. Augmenté de Verceil en 1427, il devient sous la régence de Yolande de France (1472-1478) le centre du gouvernement savoyard, mis ainsi à l’abri à la fois d’un coup de main de la noblesse et d’une intervention trop pressante du roi de France.
Partie désormais intégrante des États de la maison de Savoie, il en partage l’histoire.
Occupé par François Ier en 1536, puis par Louis XIII, qui se fait céder la forteresse de Pignerol en 1630, il est devenu en fait le coeur des États de la maison de Savoie depuis le transfert, en 1562, de leur capitale de Chambéry à Turin par Emmanuel-Philibert. Il le reste et en partage l’histoire jusqu’au milieu du XIXe s., époque à laquelle Massimo d’Azeglio, puis Benso Cavour en font l’instrument de la rénovation, puis de l’émancipation de l’Italie de 1849 à 1860, au prix, il est vrai, de la rupture de ses liens ancestraux avec la Savoie française et Nice en 1860.
La zone franche
Destinée à désenclaver économiquement Genève, seul centre urbain de la région, et à maintenir avec cette ville une liberté d’échanges indispensable à des populations que le relief isole des grandes agglomérations françaises, la zone franche est
constituée en fait de trois zones nées à des époques différentes : la « zone sarde de Saint-Julien-en-Genevois », de 151 km 2, créée par le traité de Turin du 16 mars 1816 et englobant les territoires savoyards limitrophes de la frontière sud du canton de Genève du Rhône au Léman ; la « zone sarde de Saint-Gingolph », de 39 km 2, créée unilatéralement par le gouvernement pié-
montais en 1829 ; la « grande zone », dite
« d’annexion », de 3 112 km 2, instituée volontairement par le gouvernement impérial en vertu du sénatus-consulte du 12 juin 1860, englobant les arrondissements de Thonon-les-Bains et de Bonneville, une partie de celui de Saint-Julien et une parcelle de deux communes de l’arrondissement d’Annecy, Évires et Thorens, et s’accroissant enfin de Frangy et de Sallenôves le 1er novembre 1888. À la suite de la convention franco-helvétique du 14 juin 1881, avantageuse pour la Suisse et renouvelée en 1912, cette dernière zone utilise le profit de ses franchises pour couvrir ses achats en France, dont elle est séparée par un cordon douanier à travers lequel est ouverte une large brèche en faveur de produits agricoles et des articles français manufacturés dans les usines existant à la date du 1er janvier 1893.