Une copie de ces lettres parvient au pape avant même qu’elles aient été expédiées. Savonarole, conscient de la portée de ses actes et du risque encouru, recule.
L’épreuve du feu
Mais, dans sa prédication de carême, Savonarole n’atténue aucunement ses positions. Alors se produit un événement inattendu qui, par le retentissement profond qu’il a dans les esprits, transforme la situation. Un franciscain, Francesco di Puglia, prend à partie Savonarole et lui propose de subir en face de lui en public l’épreuve du feu.
Sans doute satisfaite par cette initiative qui la dispense d’intervenir, la Seigneurie donne aussitôt son accord et fournit les crédits nécessaires pour la manifestation. Savonarole, qui ne dissimule pas ses réticences, ne peut se dérober. Un ami fidèle, Domenico da Pescia, s’offre pour subir l’ordalie à sa place, tandis que les Franciscains présentent l’un des leurs, qui s’avance en tremblant « sûr d’être brûlé ».
L’épreuve ne paraît guère devoir se conclure au bénéfice des Franciscains.
Mais une exigence imprévue du prieur de San Marco retourne la situation en leur faveur : celui-ci réclame d’entrer dans le feu en portant sur lui l’eucharistie ; cette requête ayant été rejetée, il refuse l’ordalie. L’opinion publique conclut d’elle-même en faveur des Franciscains. Arrêté, Savonarole est déféré à l’Inquisition.
Le procès et la mort
Le procès, mené par ses adversaires, ne pouvait aboutir qu’à sa condamnation. Soumis à la question, Savonarole avoue avoir voulu s’opposer au pape. On l’accuse aussi d’avoir menti, mais on ne peut le convaincre d’avoir enseigné des erreurs. Il est condamné comme rebelle, non comme hérétique.
Le 23 mai 1498, aux côtés de Domenico da Pescia, il est pendu, puis brûlé sur la place de la Seigneurie. On jettera
leurs cendres dans l’Arno afin que leurs partisans ne puissent les recueillir pour en faire des reliques.
Certains gardèrent de Savonarole
la mémoire d’un saint et réclamèrent sa canonisation. Aujourd’hui encore, celle-ci a de fervents avocats. D’autres virent en lui une figure de l’Antéchrist, comme le montrent les fresques de Signorelli, peintes au dôme d’Orvieto.
Sans aller jusqu’à ces extrêmes, l’opinion publique est restée divisée. Pour les uns, Savonarole est un cas typique de fanatisme et d’intolérance ; pour les autres, il reste un exemple de courage et de droiture morale, apparu en plein coeur de la Renaissance. Savonarole a toujours rencontré aussi une certaine sympathie dans les milieux anarchistes downloadModeText.vue.download 560 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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ou d’extrême gauche. Il paraît difficile, par contre, de voir en lui, comme on l’a fait souvent aussi, un précurseur de la Réforme ou du concile de Trente.
Savonarole demeure, en tout cas, un témoin éloquent des conflits moraux qui remuèrent les hommes à l’époque de la Renaissance.
B.-D. D.
F Dominicains / Florence / Médicis (les).
J. Schnitzer, Hieronymus Savonarola. Ein Kulturbild aus der Zeit der Renaissance (Munich, 1924 ; 2 vol.). / R. Roeder, Savonarola (New York, 1930 ; trad. fr. Savonarole, A. Colin, 1933). / M. Brion, Savonarole, le héraut de Dieu (la Colombe, 1948). / M. Ferrari, Savonarola (Florence, 1952 ; 2 vol.). / A. Chastel, Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique (P. U. F., 1959). / G. Mounin, Savonarole (Club fr. du livre, 1960). / D. Weinstein, Savonarola und Florence (Princeton, 1970 ; trad. fr. Savonarole et Florence, Calmann-Lévy, 1973).
Sax (les
instruments de)
De tous les instruments créés par Adolphe Sax (1814-1894), seuls demeurent en usage deux groupes homo-
gènes : les saxophones et les saxhorns.
Leur reconnaissance officielle ne fut effective qu’après d’interminables procès ; leur génial facteur serait même mort dans le dénuement si l’attention des pouvoirs publics n’avait été attirée sur lui par les grands musiciens, avec à leur tête Emmanuel Chabrier*.
y Les saxophones comportaient à
l’origine deux familles : l’une en fa, destinée à l’orchestre symphonique ; l’autre en si bémol, qui devait s’in-sérer dans les harmonies militaires.
Seule cette dernière a survécu, ré-
pondant à sa destination originelle.
Mais elle a pris place également
dans l’orchestre symphonique, que des soli lui aient été confiés (Hamlet d’Ambroise Thomas, 1868 ; l’Arlé-
sienne de G. Bizet*, 1872 ; Tableaux d’une exposition : Il Vecchio Castello de Moussorgski-Ravel, 1922 ; Háry János de Z. Kodály*, 1926) ou que, plus rarement, elle ait été utilisée au complet. Les saxophones ont alors pu se substituer très heureusement aux cors dans Jeanne d’Arc au bûcher de A. Honegger* (1935). Un des premiers saxophonistes qui aient sollicité la composition d’oeuvres solistes pour saxophone fut l’Américaine
Elisa Hall, mais seuls répondirent à sa demande V. d’Indy* (Choral varié, 1904) et C. Debussy* (Rapsodie,
1903).
Tenue par Adolphe Sax à partir
de 1857, la classe de saxophone du Conservatoire de Paris fut supprimée en 1870 ; elle ne devait être rétablie qu’en 1942 par Claude Delvincourt (1888-1954). Son nouveau titulaire, Marcel Mule (né en 1901) — à qui Daniel Deffayet a succédé —, s’avéra un pédagogue exceptionnel, tout comme il avait été un virtuose de premier plan, susceptible d’inspirer quantité de pièces solistes ou concertantes : le premier concerto en date devait être celui (opus 65, 1934) de Pierre Vellones (1889-1939). Cet excellent musicien s’attacha à réhabiliter l’instrument, injustement décrié en raison de son emploi limité au jazz et aux variétés.
Une abondante littérature pour quatuor de saxophones doit également d’avoir vu le jour à la formation exemplaire
animée par Marcel Mule. Le saxophone a pu trouver place dans certains ensembles originaux, destinés ou non à accompagner les voix.
y En raison peut-être de la réussite inégale de ses différents membres, la famille des saxhorns, moins fortunée, n’a pris place que dans les harmonies-fanfares*. Son apport y est indispensable pour la balance des volumes comme pour la rondeur des sonorités. Les chefs de musique du second Empire ou de la Belle
Époque ont pu consacrer au baryton de brillants soli à travers des pièces de fantaisies (la Fée des Alpes de Gabriel Parès, 1884) ; mais, en dehors de l’orchestre symphonique, ils n’ont guère utilisé les saxhorns qu’associés aux cuivres clairs, aux saxophones et à la percussion dans l’orchestre dit
« de fanfare ». Les formations russes encore employées en U. R. S. S. se rapprochent de cet ensemble : les saxophones en sont absents ; on y trouve, en revanche, outre les cornets, des saxhorns ténors en si bémol, barytons en si bémol et mi bémol, basses et contrebasses en ut. Dans le Brass Band britannique, comme dans certains groupes scandinaves, des équivalents de saxhorns, tels les basses et les euphoniums, se joignent à des cornets et à des cuivres clairs, trompettes exceptées. Un concertino y est constitué par un cornet soprano en mi bémol (équivalent du petit bugle en mi bémol) et un bugle solo en si bémol dénommé Flügelhorn.
Ce n’est, une fois encore, qu’asso-ciés aux saxophones et aux cuivres que les saxhorns ont pris place dans l’orchestre symphonique à travers des oeuvres de dimensions insolites (le Chant de midi d’Albert Doyen, 1919), des scènes particulières d’opéras (l’Or du Rhin de R. Wagner*, 1854 ; Fer-vaal de V. d’Indy, 1897 ; Katerina Izmaïlova de D. Chostakovitch*, 1932) ou des mouvements de symphonies
(adagio de la septième symphonie de A. Bruckner*, 1881-1883 ; premier tempo de la Sinfonietta de L. Janáček*, 1926). Des saxhorns isolés, dont certains ont disparu (saxhorn piccolo dans le Te Deum de L. H. Berlioz, 1855), se sont introduits dans des orchestres