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Ampleur du vibrato, inflexions, notes longues et comme enveloppées, allure nonchalante : la manière de Hodges, soulignée par certaines compositions d’Ellington, allait devenir synonyme de charme et de langueur, et être imitée avec plus ou moins de bonheur pendant des années. Comme « The Rabbit » (le lapin, surnom de Hodges), Benny Carter fit partie de grands orchestres dès le milieu des années 20 et, comme lui, fit de l’alto un instrument de douceur.

Jugé souvent moins subtil, moins élé-

gant, le style de Willie Smith, qui fut surtout mis en valeur dans l’orchestre de Jimmie Lunceford, indiquait une voie différente, où l’accent portait plutôt sur la vitalité rythmique. Hil-ton Jefferson (dans les orchestres de Fletcher Henderson et Cab Calloway), Stomp Evans, Otto Hardwicke (un des premiers compagnons d’Ellington,

qui jouait aussi du soprano), Charlie Holmes (qui travailla avec Luis Russell et Louis Armstrong), Russell Procope (également clarinettiste chez Ellington), les chefs d’orchestre Charlie

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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Barnet et Woody Herman, Johnny Bo-thwell, Ted Buckner, autant de noms à ajouter à la généalogie de l’alto et qui s’organisent autour — mais le plus souvent à la suite — d’un axe double Hodges-Carter. Parallèlement à celle des altos de grand orchestre devait se développer une manière plus rugueuse et plus épaisse avec Earl Bostic, Tab Smith, Louis Jordan et autres musiciens de rhythm and blues qui préfiguraient les saxophonistes hurleurs du rock* and roll.

Extrêmement rares, les enregistrements de Buster Smith n’ont commencé d’intéresser les historiens que lorsque certains d’entre eux eurent « découvert » que ce saxophoniste avait dans son orchestre, en 1937, un musicien nommé Charlie Parker* et que celui-ci, plus tard, citait Smith comme son principal inspirateur. C’est dire l’importance accordée à Parker. « L’histoire du saxophone alto, écrit André Hodeir, se divise en trois périodes distinctes : l’ère pré-parkérienne, l’ère parkérienne, l’ère post-parkérienne. »

Charles « The Bird » (l’oiseau) Parker bouleversa les conceptions traditionnelles non seulement de l’alto, mais aussi des autres saxophones et, en fait, de toute la musique afro-américaine.

Outre les innombrables altistes qui ont reproduit son discours de façon plus ou moins littérale, rares sont les saxophonistes pour qui, à un moment de leur carrière, il n’a pas été un inspirateur décisif. Hank Crawford, Lou Donald-son, Leo Wright, Sonny Red, Vi Redd, Gene Quill, Ernie Henry, Anthony

Ortega, Joe Maini ont été, à des degrés divers, ses disciples les plus immé-

diats. D’autres, comme Sonny Stitt, Sonny Criss, Phil Woods, Charlie Ma-riano, Gigi Gryce, James Moody (qui joue aussi du ténor et de la flûte), John Handy, Jackie McLean, Cannonball

Adderley, Charles McPherson, ont plutôt utilisé son influence comme point de départ et comme source d’énergie créatrice.

Associé aux travaux du pianiste Lennie Tristano, Lee Konitz devait apparaître, à la fin des années 40, comme le premier altiste « non parkérien ».

Apparemment dénué de vibrato, son discours semble être sinon indiffé-

rent, du moins distancié par rapport au contexte rythmique de l’ensemble ; à ce niveau, il n’est pas sans rappeler celui de Bix Beiderbecke ou, surtout, celui du saxophoniste ténor Lester Young*. Alors que Paul Desmond (aux côtés du pianiste Dave Brubeck), Bud Shank, Lennie Niehaus, Herb Geller, Paul Horn et Art Pepper en Californie prolongeaient, en la nuançant (et parfois en y mêlant certaines audaces d’inspiration parkérienne), cette impression de lisse, de fragile et cette apparente « froideur », Eric Dolphy, aux côtés de Charles Mingus*, puis de John Coltrane*, allait permettre le passage du jazz au free* jazz. Après avoir hésité entre les conceptions de Parker et celles de Konitz, et sous l’influence de Jackie McLean, de John Coltrane et d’Ornette Coleman, il remit en question les règles de l’improvisation post-bop (v. be-bop) et entreprit, à force de contrastes, de ruptures, de saccades et de mélanges, de désarticuler la ligne mélodique en séries de sons d’apparence chaotique. À la suite de Dolphy et surtout d’Ornette Coleman

— tous deux étant considérés comme les principaux initiateurs de la « new thing », la nouvelle musique noire des années 60 —, nombre de jeunes altistes entreprirent de rompre avec la tradition parkérienne ou de la prolonger dans des directions imprévues, tels Byron Allen, Giuseppi Logan, Marion Brown, John Tchicai, Anthony Braxton, Byard Lancaster, Charles Tyler, Sonny Sim-mons, Noah Howard, Jimmy Woods,

Jimmy Lyons, le Français Michel Portal... (v. free jazz).

Extrêmes et marginaux

En dépit des problèmes techniques particuliers qu’ils posent à leurs utilisateurs, le soprano et le baryton ont eu dans l’histoire de la musique né-

gro-américaine un nombre croissant d’adeptes. Mais, à l’exception de Steve Lacy, fort rares sont les saxophonistes qui se sont consacrés exclusivement au soprano — Sidney Bechet était d’abord

clarinettiste ; Lucky Thompson, John Coltrane, Sam Rivers, Archie Shepp, Pharoah Sanders, Roscoe Mitchell, Joseph Jarman, Tom Scott, l’Anglais John Surman, Jerome Richardson, Joe Farrell, Roland Kirk, Oliver Nelson sont plus connus pour leur travail au ténor ou à l’alto. Tous, pourtant, ont imposé le soprano, aujourd’hui considéré comme une des voix essentielles du jazz le plus vivant, alors que la clarinette a été peu à peu dédaignée par les jazzmen.

Harry Carney (dans l’orchestre

de Duke Ellington) et, dans une

moindre mesure, Ernie Caceres et Jack Washington ouvrirent la voie aux nombreux saxophonistes barytons apparus au temps du be-bop. Aujourd’hui encore, l’influence de Carney — contemporain pourtant de Coleman Hawkins

— est décelable dans le discours des barytons les plus audacieux. Mais, dans la mesure où le travail de Charlie Parker, altiste, fut déterminant pour tous les boppers, la pratique du baryton dans le contexte bop constituait une gageure technique. Parmi les saxophonistes qui surent relever ce défi, citons Leo Parker, Cecil Payne, Serge Chaloff, Gerry Mulligan et, plus tard, Jack Nimitz, Bob Gordon, Sahib Shihab, Pepper Adams, Ronnie Cuber, Virgil Gonsalves, Nick Brignola, le baryton « free » étant représenté par John Surman, Howard Johnson, Charles

Davis et Pat Patrick, ces deux derniers ayant fait partie de l’orchestre de Sun Ra. (V. free jazz.)

La révolution du ténor,

les ténors de la révolte

Comme l’alto, le saxophone ténor ne s’est imposé qu’assez tard dans l’univers musical négro-américain. « Au début, écrit J. E. Berendt, nous trouvons en tout et pour tout un homme : Coleman Hawkins*. Aujourd’hui, le nombre des ténors [...] est tel que le spécialiste lui-même a du mal à s’y reconnaître. C’est le jazz moderne tout entier [...] qui est ténorisé. » Gene Sedric avec Fats Waller, Barney Bigard chez Duke Ellington, Benny Waters, Joe Garland, Foots Thomas, des musiciens blancs de Chicago comme Frankie Trumbauer et Frank Teschemacher,

plus tard Arthur Rollini et Vido Musso, Joe Thomas (dans l’orchestre de Jimmie Lunceford) méritent d’être cités en tant que premiers utilisateurs du ténor.