La politique de « concertation »
et la relance
Les accords de Grenelle, conclus le 27 mai 1968 entre les représentants du gouvernement (Georges Pompidou, Jean-Marcel Jeanneney et Jacques Chirac), du patronat (C. N. P. F. et Confédération générale des petites et moyennes entreprises) et des syndicats (C. G. T., C. F. D. T., F. O., C. F. T. C., C. G. C. et F. E. N.), prévoient une augmentation des salaires en moyenne de 10 p. 100, la réduction d’une ou de deux heures de la semaine de travail downloadModeText.vue.download 58 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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avant 1970, des garanties pour les libertés syndicales, etc.
Contestés comme insuffisants par
nombre d’ouvriers (Renault), ils
n’empêchent pas, dans l’immédiat, les grèves de se prolonger. De plus, ils provoquent une hausse des prix d’autant plus menaçante pour les exportations que celles de la République fédérale d’Allemagne sont favorisées
par la sous-évaluation du mark. Spéculant alors sur la réévaluation du mark et sur la probable dévaluation du franc, les détenteurs de cette dernière devise exportent leurs capitaux à l’étranger.
Déjà atteint par une première hémorragie financière au lendemain du 13 mai, le franc s’affaiblit une seconde fois, entraînant une diminution considé-
rable des réserves de la France en or et en devises. Le refus du général de Gaulle de dévaluer le franc le 23 novembre, le rétablissement du contrôle des changes le 25, l’adoption d’un programme d’austérité le 26 (majoration de la T. V. A. [taxe à la valeur ajoutée]) ralentissent la spéculation, qui reprend de nouveau au profit du mark à la suite de la démission du général de Gaulle le 28 avril 1969. Et c’est pour y mettre un terme définitif et relancer les exportations que Georges Pompidou se résout à dévaluer, par surprise, le franc de 12,5 p. 100, le 8 août 1969.
Les mesures d’accompagnement
décidées le 28 août (tirage sur le Fonds monétaire international ; emprunt aux pays de la C. E. E.), et l’adoption d’un plan d’austérité le 3 septembre assurent la réussite de la dévaluation à la veille de la mise en oeuvre du sixième plan (1971-1975), qui doit assurer le déblocage de la société française. La politique définie par Jacques Chaban-Delmas sur le thème de la « nouvelle société » le 16 septembre repose sur trois idées maîtresses : la participation aux résultats et à la gestion, la concertation et l’amélioration des conditions de travail et de vie.
Lancée depuis longtemps par le gé-
néral de Gaulle, amorcée par l’amendement Vallon à la loi du 12 juillet 1965, « garantissant les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actifs des entreprises dû à l’autofinancement », et par les ordonnances du 17 août 1967 sur l’intéressement*, la première de ces idées est reprise par Georges Pompidou lorsqu’il institue, par les lois du 2 janvier 1970 et du 4 janvier 1973, l’actionnariat ouvrier, d’abord chez Renault, puis dans de nombreuses entreprises nationales.
La concertation, pratiquée dans
le secteur privé (accords syndicats -
C. N. P. F. du 10 février 1969 sur la
sécurité de l’emploi), est étendue au secteur public par Jacques Chaban-Delmas avec la signature, le 10 décembre 1969, d’un premier « contrat de progrès » entre la direction et les syndicats de l’E. D. F. - G. D. F. à l’exclusion de la C. G. T. Enfin, de nombreuses mesures législatives contribuent à l’amé-
lioration des conditions de travail et de vie : substitution du S. M. I. C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance) au S. M. I. G. (salaire minimum interprofessionnel garanti) le 10 dé-
cembre 1969 ; mensualisation progressive des salaires à partir du 20 avril 1970 ; institution de la formation permanente par la loi du 16 juillet et les cinq décrets du 11 décembre 1971 ; amélioration du régime des retraites par la loi du 31 décembre 1971 ; réduction du temps de travail depuis 1971 ; création de nouvelles prestations familiales par les dispositions de la loi du 3 janvier 1972 ; enfin amélioration des conditions de travail prévue par le projet de loi du 15 décembre 1972.
Cependant, dès le printemps 1970, les conflits sociaux se multiplient. Les commerçants et les artisans, à l’instigation du C. I. D. - U. N. A. T. I. (Comité d’information et de défense — Union nationale des artisans et travailleurs indépendants) de Gérard Nicoud, s’estiment lésés par la fiscalité et par l’extension des grandes surfaces ; ils ob-tiendront finalement le vote, en 1973, de la loi Royer, garantissant leurs intérêts. Victimes de l’inflation accé-
lérée par la crise du mark en mai 1971, par celle du dollar, dévalué le 18 dé-
cembre 1971 et le 12 février 1973, et par la hausse des matières premières, les travailleurs multiplient les grèves tant dans le secteur public nationalisé (Charbonnages, P. T. T., S. N. C. F., O. R. T. F.) que dans le secteur privé et adoptent des formes de lutte nouvelles (notamment chez Lip à Besançon, à la suite de la faillite de cette entreprise le 21 juin 1973). En réduisant le taux de la T. V. A. de 3 p. 100 le 1er janvier 1973, en lançant un emprunt d’État de 6,5 milliards de francs le 16 janvier, en proposant un nouveau plan de lutte contre l’inflation, en accord avec les autres membres de la C. E. E., en juillet, le gouvernement français tente de pallier les effets économiques de l’inflation, que relancent les hausses de
prix du pétrole.
En janvier 1974, décision est prise de faire flotter le franc. Cependant, la situation de l’emploi s’aggrave et la hausse des prix correspond, dans le premier trimestre 1974, au rythme record de 13 p. 100 par an.
Les difficultés économiques
Après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République, le gouvernement Chirac, dans lequel Jean-Pierre Fourcade est ministre de l’Économie et des Finances, met au point un programme d’austé-
rité et d’assainissement économique, destiné à combattre l’inflation et le déficit de la balance commerciale (rationnement de l’énergie, majoration de l’impôt, lutte contre la hausse des prix, resserrement du crédit, etc.).
Cependant, au cours du dernier trimestre 1974, la crise frappe un certain nombre d’entreprises (l’automobile en particulier que le gouvernement doit aider) et les conflits sociaux se multiplient, à l’O. R. T. F. et aux P. T. T.
entre autres (une grève des postiers paralyse le pays pendant plus d’un mois).
Tandis que le chômage augmente fortement, est instituée une allocation supplémentaire d’attente aux salariés licenciés pour motif économique.
La politique étrangère
de la Ve République
La politique étrangère du général de Gaulle, appliquée de 1958 à 1968 par le ministre des Affaires étrangères Maurice Couve de Murville, s’assigne pour but à la fois la remise en cause du système bipolaire américano-soviétique établi en 1945 à Yalta et à Potsdam, et le rétablissement du prestige extérieur de la France sur le triple plan économique (restauration du franc), militaire (création d’un armement nucléaire) et colonial (émancipation des territoires d’outremer).
Le désengagement
Dès 1958, le gouvernement prend
les mesures susceptibles de restaurer le pouvoir d’achat du franc et de
rembourser par étapes les dettes exté-
rieures de la France, afin de la libérer de l’emprise américaine en matière économique et financière, et de rendre possible un premier abaissement de 10 p. 100 des droits de douane entre les Six à la date prévue du 1er janvier 1959. Pour accélérer la réalisation d’une force nationale de dissuasion, il fait éclater le 13 février 1960 la première bombe atomique française à Reggane, puis le 24 août 1968 la première bombe thermonucléaire française à Fangataufa, en Polynésie. Complétée par la multiplication et la diversification des engins vecteurs, cette politique permet au général de Gaulle d’entamer un processus de dégagement à l’égard non pas de l’Alliance atlantique, mais de l’O. T. A. N. ; ce processus trouve son terme lorsque la France se retire définitivement de cet organisme le 7 mars 1966. Parallèlement, la création de la Communauté, acceptée par tous les pays africains et malgaches de l’ancienne Union française, à l’exception de la Guinée, par le référendum du 28 septembre 1958, ainsi que la reconnaissance par le général de Gaulle, le 10 novembre 1959, du droit de ces pays à l’indépendance facilitent la signature, en 1960, des accords de transfert de compétences avec les anciennes colonies françaises ; les nouveaux États reçoivent dès lors tous les attributs de la souveraineté, deux ans avant que les accords d’Évian du 18 mars 1962