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de temps après, il revient à l’Église, dont il s’efforce de comprendre la vie sacramentelle et liturgique. En même temps, il réfléchit sur les philosophes de la vie : Dilthey, Nietzsche, Bergson.

En 1913 paraîtra le fruit de ses méditations : De la phénoménologie et de la théorie des sentiments sympathiques et de l’amour et de la haine, devenu, dans la seconde édition remaniée de 1923 : Nature et formes de la sympathie

(Wesen und Formen der Sympathie).

En 1919, Scheler publie le Ren-

versement des valeurs (Vom Umsturz der Werte). À cette époque, il devient professeur à l’université de Cologne et est considéré comme le maître de la downloadModeText.vue.download 584 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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pensée catholique allemande : le Formalisme en éthique et l’éthique maté-

rielle des valeurs (Der Formalismus in der Ethik und die materiale Wertethik, 1913) et De l’éternel dans l’homme (Vom Ewigen im Menschen, 1921) exposent une philosophie des valeurs qui fait de la rencontre avec Dieu, conçu comme personnalité vivante, l’accomplissement dernier et indispensable de la personne humaine. Mais, bien-

tôt, Scheler connaît une nouvelle crise intellectuelle qui l’éloigne du catholicisme et se consacre désormais à la sociologie et à l’anthropologie. Il voit désormais, comme deux données complémentaires, d’une part la poussée vitale aveugle, mais puissante, d’autre part la liberté spirituelle, lumineuse, mais précaire.

Nature et formes de la sympathie

est son ouvrage le plus original. Répu-diant tous les vieux procédés d’analyse, Scheler présente la sympathie sous la forme d’un sentiment premier, originel. Il tient à la distinguer de ce qu’il appelle l’« Einfühlung », sorte de contagion sentimentale où deux êtres ne font plus qu’un, tels la mère et l’enfant ou les amants. C’est au niveau de l’esprit, du respect des différences, et de ce qu’il pense être la communion véritable que Scheler situe la sympathie proprement dite.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, Scheler tente le passage délicat de l’amour à l’éthique. L’amour, au plein sens du terme, ne s’adresse qu’aux personnes et se fonde sur la liberté et l’autonomie des sujets ; c’est en cela qu’il est véritablement reconnaissance de l’autre et, partant, éthique.

D. C.

P. Muller, De la psychologie à l’anthropologie. À travers l’oeuvre de Max Scheler (La Baconnière, Neuchâtel, 1946). / J. M. OEsterreicher, Walls are crumbling. Seven Jewish Philosophers discover Christ (New York, 1952 ; trad. fr.

Sept Philosophes juifs devant le Christ, Éd. du Cerf, 1955). / M. Dupuy, la Philosophie de Max Scheler (P. U. F., 1959 ; 2 vol.). / M. S. Frings, Zur Phänomenologie der Lebensgemeinschaft. Ein Versuch mit Max Scheler (Meisenheim, 1971).

Schelling

(Friedrich Wilhelm

Joseph von)

Philosophe allemand (Leonberg 1775 -

Ragaz 1854).

Après avoir été précepteur, il est nommé en 1798 professeur à l’université d’Iéna, où il reste jusqu’en 1803 ; il est appelé alors à l’université de Würzburg.

En 1806, il quitte cette ville pour Munich, où il est secrétaire de l’Acadé-

mie des beaux-arts ; il ne reprend une chaire qu’en 1820, à Erlangen, puis il enseigne à Munich (1827) et enfin à Berlin (1841). Ses principales oeuvres portent d’abord sur la philosophie de la Nature, puis sur la philosophie de l’identité.

Philosophe reconnu de l’école ro-

mantique, Schelling prend résolument parti contre Fichte* et développe une philosophie de la Nature qui renoue avec la tradition mystique et imaginative de la Renaissance. Cependant l’influence de Fichte, par rapport auquel il se situe constamment, reste prépondérante dans son oeuvre. La pensée de Schelling est en effet dominée par ce qu’on peut appeler le schéma traditionnel de la philosophie de la Nature : la Nature est indépendante et autonome, grâce à une puissance infinie de rajeunissement qui vient rétablir l’équilibre entre les forces opposées chaque fois que cet équilibre a été détruit par la prévalence de l’une d’entre elles —

thèse issue de Paracelse. Schelling va remplir ce schème par des images qu’il emprunte à la science de son temps, à la chimie et à la biologie en particulier (Ideen zu einer Philosophie der Natur,

« Idées pour une philosophie de la Nature », 1797).

L’oxygène serait le principe rajeu-nissant qui réveille les énergies endormies sur la terre, grâce à l’action chimique essentielle, la combustion ; cette action renouvelle sans cesse ses propres conditions grâce à la permanence de l’air atmosphérique assurée par les actions combinées et inverses du monde animal, qui corrompt, et du monde végétal, qui restitue l’oxygène.

Mais ce n’est pas tant la valeur de ce schème pour l’interprétation des phé-

nomènes qui intéresse Schelling que la parenté intime qu’il croit découvrir, et de plus en plus, entre ce schème de la Nature, et la méthode dialectique de Fichte dans la Théorie de la science.

Si au moi, tel que Fichte l’avait défini, on substitue la Nature, celle-ci apparaît bien comme l’activité infinie qui d’une part s’affirme en pesant ce à quoi elle s’oppose, et qui d’autre part

est infinie en rétablissant sans fin les oppositions qu’elle a détruites. Schelling rêve donc alors de construire une philosophie de la Nature qui se maintienne au même niveau d’abstraction que la Théorie de la science, considérée comme un traité de la méthode dont cette philosophie serait une application. Mais, par ce dessein, Schelling s’écarte d’autant du mysticisme, vers lequel le conduisait le naturalisme traditionnel, et cela l’amène, vers 1803

à sa « philosophie de l’identité » qui lui est propre. (Darstellung meines Systems der Philosophie, « Exposition de ma philosophie », 1801 ; Bruno, 1802).

Il faut d’abord la replacer dans son contexte historique pour la définir ensuite dans ce qui fait son originalité : selon une conception influencée à la fois (et selon Schelling) par Giordano Bruno, le platonicien de la Renaissance, et par Spinoza, l’Absolu serait l’indifférence des opposés (il ne serait donc ni sujet ni objet, ni esprit ni nature), proche en cela de l’Un du Parménide de Platon ou de l’Un tel que le définit Plotin. Cet Absolu n’a aucune activité véritable, aucune tran-sitivité. Donc, affirme Schelling, les philosophes de l’époque classique et du XVIIIe s. ont eu tort de prendre la Nature pour l’objet, l’Esprit pour le sujet, comme deux morceaux détachés de

l’Absolu. En fait, la « philosophie de la Nature », que prône Schelling, constitue une démonstration selon laquelle la Nature est, comme l’Absolu, sujet-objet ; l’« idéalisme transcendantal », tel que Schelling le considère à partir de Kant, fait de l’Esprit un objet-sujet. Seule restriction à cette philosophie qui vise à démontrer l’identité des contraires (dite « philosophie de l’identité ») : il y a ce que Schelling appelle un « excès d’objectivité » dans le sujet-objet Nature et un « excès de subjectivité » dans l’objet-sujet Esprit.

Mais Schelling a changé après le

Bruno. Dans sa dernière philosophie, il se détache de ces belles formules et verse de nouveau du côté d’une pensée moins rationaliste.

Cela va l’amener à sortir de la pré-

occupation exclusive de l’Absolu, et d’abord à admettre que l’être fini, ne

pouvant naître de l’Absolu, qui reste en soi, doit se poser par un acte entièrement libre, analogue à celui que Plotin prêtait aux âmes qui veulent vivre pour elles-mêmes et se détacher de l’âme du monde ; cet acte libre, cet écart de l’Absolu, c’est, chez les êtres spirituels, la chute ; et l’histoire, avec sa double épopée, l’Iliade, où elle s’éloigne du centre, l’Odyssée, où elle y rentre, contient la conséquence de la chute et la restauration finale. Ce que Schelling affirmait déjà dans Philosophie und Religion (1804) sera repris sous une autre forme en 1809 dans les Philosophische Untersuchungen über das Wesen der menschlichen Freiheit (« Recherches sur l’essence de la liberté humaine »), qui racontent un drame mystique. Mais l’originalité de Schelling est de concevoir non pas seulement le devenir de la Nature et de l’homme, mais celui de Dieu même. Pour que l’homme soit, il faut que l’homme vienne du non-être, du germe primitif, qui est sa première puissance (ou, en d’autres termes, sa potentialité à exister) ; par opposition à ce « germe », Dieu est l’être qui est, et c’est là sa seconde puissance ; enfin, il est l’union hiérarchique de l’être et du non-être, et c’est là sa troisième puissance. Ce mouvement ne cessera que par l’avènement d’une volonté supé-