ou de « Mercier » meurt dans le train qui le déporte en Allemagne. Son sens de l’État et son patriotisme intransigeant font de lui une des plus pures figures du martyrologe français pendant la Seconde Guerre mondiale.
La pensée
de la Résistance
Les résistants voulaient que leur lutte ne soit pas vaine et leur victoire sans lendemain. Refus de l’Occupation, du downloadModeText.vue.download 72 sur 621
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17
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nazisme et du vichysme, la Résistance est aussi un temps de réflexion sur l’avenir de la France. « France, prends garde de perdre ton âme » titrent les Cahiers du témoignage chrétien. Les Cahiers politiques, les Cahiers de l’O. C. M. : les Cahiers de la Libération, la Revue libre, les Lettres françaises (fondées par Jacques Decour [1910-1942]), les Cahiers de notre jeunesse esquissent le schéma de la démocratie d’après guerre et précisent le sens du combat pour la liberté. Presque unanime, la Résistance répudie la IIIe Ré-
publique, « qui appartient au passé »
(Combat) ; la IVe République sera celle des hommes nouveaux, des partis nou-
veaux issus de la lutte clandestine. Elle sera celle de tous les Français, sans droite ni gauche. Une Assemblée d’un type nouveau, ardemment jacobine, sera l’organe d’une démocratie qui se rattachera aux valeurs de la Révolution de 1789, libérale et patriotique.
L’économie sera d’inspiration socialiste, distributive et capable de créer l’abondance pour tous. L’O. C. M. et les mouvements socialistes prônent les nationalisations.
À l’État sera impartie la tâche
d’équiper le pays et de promouvoir un salaire minimum vital des travailleurs, qui formeront une société fraternelle, dans laquelle chacun aura sa place en fonction de son mérite et de ses efforts.
À cette fin, il faudra des élites nouvelles : la scolarité prolongée, l’enseignement technique généralisé assureront une plus large possibilité d’accès de l’ouvrier aux postes de responsabilité. Il faudrait nuancer les divers programmes d’avenir échafaudés par les résistants.
Disons sans ambages qu’à la Libération et même avant, lors des débats de l’Assemblée consultative d’Alger, on s’apercevra que les vieilles méthodes rodées pendant soixante-cinq ans de république l’emporteront sur les projets de renouveau souhaité pendant quatre ans de recueillement. Et, en fait, il ne peut qu’en être ainsi si l’on se rappelle que les résistants ne constituaient qu’une minorité, à côté de la masse des attentistes, « demeurés en dehors du brassage d’idées ».
Après trente ans, peut-on porter un jugement équitable sur la Résistance?
Certes, elle a eu ses détracteurs, qui ont dénoncé la nocivité et la témérité des attentats contre un ennemi supérieurement équipé et dont les représailles s’abattirent sur les civils pris en otages.
En dépit de cela, elle fut une incontestable marque de vitalité de la France, à laquelle elle a rendu son honneur. Elle a inscrit une des plus belles pages de l’épopée nationale au même titre que les combattants de la Grande Guerre.
Sur le plan politique, ses résultats sont moins nets. En 1944, une nouvelle légitimité, née de la clandesti-
nité, s’est emparé des leviers de commande, autour du général de Gaulle, pour reconstruire la patrie exsangue.
Le gouvernement provisoire s’est attaché à réaliser le programme élaboré dans la nuit de l’Occupation : davantage de justice sociale, une économie en partie nationalisée et planifiée. Mais les luttes politiques déchirèrent l’unité patiemment tissée par Jean Moulin, et le grand parti né de la Résistance ne fut qu’un rêve. Seul Charles de Gaulle échappa à la terrible usure que l’exercice du gouvernement fit subir au parti socialiste et à la démocratie-chré-
tienne. Il garda intact le prestige acquis le 18 juin 1940 et pendant quatre ans de secrète présence : en 1958, il put fonder avec d’anciens compagnons de la Résistance cette Ve République* qui s’auréola de la gloire que la Résistance s’était acquise et s’inspira, au début du moins, de son esprit.
P. M.
Quelques grands
résistants
Emmanuel d’Astier de la Vigerie (Paris 1900 - id. 1969). Officier de marine et journaliste avant la guerre, il collabore à la revue Life et au Times. Puis il se lance dans une affaire d’actualités cinématographiques. En 1940, il fonde Libération-Sud, ce qui lui assure une place au C. N. R. De Gaulle lui confie le commissariat de l’Intérieur dans le Comité français de libération nationale à Alger. De 1943 à 1944, il siège à l’Assemblée consultative d’Alger et devient ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire en septembre 1944. Il se classe alors parmi les gaullistes de gauche.
Georges Bidault (Moulins 1899).
Agrégé d’histoire, professeur à Louis-le-Grand et au lycée du Parc à Lyon (1940), il milite dans les rangs du Sillon de Marc Sangnier et collabore à divers journaux, dont l’Aube de 1934 à 1939. Il entre au mouvement Combat en 1941 et préside le C. N. R. en 1943. À
la libération, de Gaulle lui confie les Affaires étrangères : il jouera un rôle important sous la IVe République*.
Marc BLOCH. V. l’article.
Pierre Brossolette (Paris 1903 - id.
1944). Brillant professeur et journaliste (le Populaire), il apporte son talent au clandestin Résistance en 1941, fait trois voyages à Londres et contribue avec Jean Moulin à la création du C. N. R. Au cours d’une dernière mission en France, il est arrêté avec le délégué général Émile Bollaert (né en 1890) en Bretagne. Cruellement torturé par la Gestapo, il se jette du cinquième étage des locaux de l’avenue Foch à Paris afin de ne pas révéler des secrets importants.
Jean Cavaillès (Saint-Maixent 1903 -
Arras 1944). Professeur de philosophie et mathématicien, ancien major de l’École normale supérieure (1923), il enseigne à Strasbourg, puis à la Sorbonne (1941). Il signe avec d’Astier de La Vigerie le premier manifeste de Libération-Sud et participe à la direction de Libération-Nord. Il crée ensuite le réseau « Cohors-Asturies ». Arrêté, il s’évade, revient d’Angleterre en 1942
et paie de sa personne dans diverses actions de sabotage. Cela ne l’empêche pas de rédiger Sur la logique et la théorie de la science (1946-1948), qui sera son testament philosophique. Arrêté de nouveau en août 1943, il est détenu à Fresnes, puis à Arras, où il est fusillé.
Médéric (Gilbert Védy, dit) [Cherbourg 1902 - Paris 1944]. Ingénieur, il participe à l’extension du mouvement Ceux de la Libération, dont il devient le chef. Son action se lie aux sabotages du corps franc Vengeance. Après plusieurs voyages en Angleterre, il siège à l’Assemblée consultative d’Alger. Revenu en France, alors qu’il est activement recherché un malheureux concours de circonstances provoque son arrestation. Il se suicide dans le commissariat de la brigade antiterroriste.
Gabriel Péri (Toulon 1902 - Paris 1941). Après de brillantes études (à dix-sept ans il est secrétaire d’une entreprise de navigation), il se lance dans le combat socialiste et, journaliste de l’Humanité, il rédige la rubrique de politique étrangère. Député d’Argen-teuil en 1932, il entre avec fougue dans la clandestinité en 1940 et anime les Cahiers clandestins du parti commu-
niste. Arrêté en mai 1941, il est fusillé le 15 décembre. « Dans cette incessante mêlée pour un avenir meilleur, je suis demeuré du bon côté. Et pareils sentiments suffisent à embellir une vie humaine, à la rendre heureuse. » Tel est son testament.