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HISTOIRE MILITAIRE

DE LA RÉSISTANCE

EN FRANCE

(194 0 -1944)

Issue d’une défaite qui a placé brutalement la France sous la domination étroite du IIIe Reich, dont les armées occupent les trois cinquièmes de son territoire, la Résistance traduit d’abord son action sur le plan militaire. Dès l’automne 1940, l’objectif est de chasser l’occupant, mais cette lutte du faible contre le fort, nécessairement clandestine, s’exprimera de façon très diverse. Difficile à organiser et à coordonner, le combat sera surtout l’oeuvre d’initiatives personnelles qui tendent à se fédérer par affinités politiques ou spirituelles. S’inscrivant enfin dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, la Résistance est directement liée à l’évolution de la situation de la France. Aussi distingue-t-on dans son histoire deux périodes, que séparent, à l’automne de 1942, le débarquement allié en Afrique du Nord et l’occupation totale du pays par la Wehrmacht.

La France

des deux zones

La division de la France en deux zones, l’une où subsiste une petite armée de 100 000 hommes, l’autre qui vit directement sous la botte allemande, pose le problème de l’action de façon très différente : en France non occupée, il s’agit d’une entreprise commandée par l’état-major de l’armée, tandis que le terme de résistance s’applique alors quasi exclusivement à ceux qui, en zone occupée, sont au contact immé-

diat de l’adversaire.

Le commandement prépare

la « revanche »

Pour le général Weygand*, ministre de la Défense nationale et commandant en chef, « la mission de l’armée est de

préparer l’encadrement et l’armement de futures unités de combat et plus encore d’entretenir la flamme de la revanche ». Assisté du général Louis Colson (1875-1951), secrétaire d’État à la Guerre, il jette dès l’été de 1940 les bases d’une remobilisation clandestine.

Ce sera l’oeuvre du contrôleur général René Carmille (1886-1945), nommé

directeur du Service civil de la démographie (auj. Institut national de la statistique), qui utilisera, pour y parvenir, les ressources de la mécanographie.

Le commandant Émile Mollard (né en 1895) est chargé de son côté du Service du camouflage des matériels (C. D. M.)

[automitrailleuses, camions, canons, munitions, armes lourdes...]. Un plan de mobilisation prévoit la mise sur pied de 175 000 hommes par dédoublement, puis détriplement des unités d’active ; des plans de campagne sont étudiés pour aider au débarquement escompté des Alliés sur les côtes de France. Ces activités sont confiées à des officiers downloadModeText.vue.download 73 sur 621

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 17

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relevant du chef d’état-major de l’ar-mée par une hiérarchie parallèle. Quant au Service de renseignements, que dirige le général Louis Rivet, il continue strictement sa mission d’information sur l’Allemagne.

Le général Charles Huntziger (1880-1941), secrétaire d’État à la Guerre après le départ du général Weygand à Alger en septembre 1940, puis l’amiral Darlan* sont tenus au courant de ces activités clandestines, mais ils ne leur donneront plus d’impulsion personnelle ; l’initiative en appartiendra désormais à deux remarquables chefs d’état-major de l’armée, les généraux Odilon Picquendar (1883-1959) et

Verneau, qui, laissant aux ministres le jeu politique du moment, mèneront une action de stricte défense de l’intérêt supérieur du pays.

Dès la fin de 1940, généralisant

une initiative de démobilisés alsaciens, l’état-major de l’armée met en place, en zone occupée, les Groupes d’autodéfense (ou G. A. D.), véritable

ossature de commandement dont les responsables se recruteront sur place.

Ayant une mission de renseignement et d’action, ces groupes participeront en 1942 à l’évasion du général Giraud*

et seront ensuite les noyaux de l’Organisation de résistance de l’armée (O. R. A.) en zone nord.

Naissance

d’une résistance militaire

La préparation d’une armée clandestine dans le cadre « légal » en zone libre, la résistance « au nom du maré-

chal » en zone occupée supposent au minimum la complicité du régime

en place à Vichy... Certains, toutefois, commencent à en douter, puis beaucoup n’y croient plus. Plusieurs rejoignent alors le général de Gaulle et les Forces françaises libres ou bien reviennent en France prendre part en son nom à la lutte, tel le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves (né en 1901), fusillé par les Allemands le 29 août 1941 au mont Valérien ; d’autres se consacrent à la résistance clandestine. Dès l’automne de 1940, le capitaine Henri Frenay fonde avec quelques camarades, en zone sud, le Mouvement de libération nationale (qui deviendra Combat). En zone

nord, Combat s’appuie sur le capitaine Robert Guédon, qui crée Ceux de la Résistance ; le colonel Alfred Heurtaux, ancien chef de l’escadrille des « Cigognes », et le colonel Touny sont à l’origine de l’Organisation civile et militaire (O. C. M.). Certains, enfin, se spécialisent dans le renseignement et les évasions. Leurs réseaux se rattachent soit à l’Intelligence Service britannique (notamment réseaux Groussard et Loustanau-Lacau), soit au B. C. R. A. du général de Gaulle, qui constituera avec eux, le 25 juillet 1942, les Forces françaises combattantes.

La plupart de ces hommes restent, à leur début, en contact avec l’armée ; ils en reçoivent une aide matérielle et morale, et ils envisagent le plus souvent une résistance de style militaire.

Dans cette première période, les civils, qui prennent des initiatives analogues, s’occupent davantage de l’avenir politique du pays. Les uns et les autres se retrouveront peu à peu ; l’idée gaulliste fait également son chemin et, après

l’occupation totale du territoire, le nom du général de Gaulle* deviendra bientôt le symbole de la volonté de libération de la France.

La crise de novembre 1942

Le 11 novembre 1942, pour répondre au débarquement allié au Maroc et en Algérie, la Wehrmacht, violant l’armistice, occupe la zone libre. Alors que l’entrée en campagne de l’armée d’armistice n’avait été préparée que dans la seule hypothèse d’un débarquement allié en France, le général Verneau essaie, néanmoins, à l’insu du gouvernement, de s’opposer militairement à la violation allemande. Un décalage d’horaire dans l’exécution des projets allemands permet au général Eugène Bridoux (1888-1955), secrétaire d’État à la Guerre depuis le retour de Laval au pouvoir (avr. 1942), de faire avorter cette tentative, et seule aura lieu l’action symbolique du général de Lattre*

de Tassigny, commandant la 16e division militaire à Montpellier.

La résistance militaire

face à l’occupation totale

Création de l’O. R. A.

Le 27 novembre, les Allemands désar-ment l’armée d’armistice, et la flotte se saborde à Toulon. Que va devenir la résistance militaire ? Au moment où il quitte les fonctions de chef d’état-major de l’armée, le général Verneau crée en décembre 1942 une formation se-crète, l’Organisation de résistance de l’armée (O. R. A.), qui prend la suite de l’organisation de mobilisation clandestine de l’état-major, et en adopte les principes. Verneau se met aux ordres du général Frère, que Giraud, avant son départ de France le 3 novembre 1942, a désigné comme chef de l’ar-mée. Ainsi survivent en liaison avec l’O. R. A. les activités clandestines de l’armée d’armistice. Le Service de la statistique recense les démobilisés et les jeunes des Chantiers. Le Service de camouflage des matériels fournit de l’argent et des armes : il fusionnera avec l’O. R. A. en 1943. À la fin de cette année, l’organisation du général aviateur J. Carayon (né en 1895) rejoint l’O. R. A., qui, en outre, bénéficie