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Après l’islamisation des Turcs, on assiste, en Asie centrale, au développement des littératures karakhānide, khārezmehāh et djaghtaï (ces dénominations correspondent aux dynasties qui se sont succédé).

La littérature karakhānide s’étend du Xe au XIIIe s. Sous la dynastie karakhānide, les arts et les lettres sont florissants en Asie centrale : Yūsuf Khass Hadjib (Yusuf Has Hâcib) traite, en dialecte ouïgour et sous une forme poétique, de la nation, de l’État, de la justice et de la foi (1069-1070), tandis que Maḥmud al-Kāchgarī écrit,

contre l’envahissement de l’arabe, un dictionnaire de la langue turque (1072-1074). Il faut encore citer, pour cette période, les noms d’Aḥmad

ibn Maḥmud Yügnäkī (Edib Ahmed

bin Mahmud Yükneki) et de Aḥmad

Yasawī (Ahmed Yesevî) [† 1166]. La littérature des Khārezmchāh atteint son épanouissement au XIVe s. La littérature djaghataï correspond au règne de Tīmūr Lang (Tamerlan) et de ses fils (1370-1507). Elle est caractérisée par le développement de la langue turque (dialecte djaghataï ou tchagatay) aux dépens du persan, langue « noble » parlée dans les palais.

Il faut compléter ce classement chronologique de l’histoire de la littérature turque par une division géographique : les Oghouz, Turcs venus d’Asie centrale, sont passés par l’Europe orientale et les Balkans pour arriver jusqu’à la Méditerranée. On a l’habitude de faire, pour cette raison, à partir du XIIe s., une distinction entre les Oghouz

occidentaux (Anatolie occidentale) et les Oghouz orientaux (installés dans la région de l’Azerbaïdjan), qui parlaient le dialecte azerî (ou azéri). De la même façon, on parle de « littérature azerî » et de « littérature turque d’Anatolie ». Dans la littérature azerî, le dialecte azerî n’a été utilisé, au XIIe s.

et au XIIIe s., que pour les oeuvres folkloriques, tandis que les ouvrages classiques étaient écrits en persan. Ainsi, en Anatolie, au temps du sultanat seldjoukide* de Rūm Sultan Veled (1226-1312), Ahmed Fakih, Seyyad Hamza et Yunus Emre (v. 1238 - v. 1320), grand poète populaire, écrivent en turc, alors downloadModeText.vue.download 628 sur 631

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 19

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que Mevlānā Djalāl al-Dīn Rūmī (Me-vlânâ Celâled-din Rûmî, 1207-1273), le fondateur de l’ordre des Derviches tourneurs (Mevlevî), écrit en persan.

Ce n’est qu’au cours du XIVe s. que le dialecte azerî s’est implanté dans la littérature classique, avec Kadı Burha-neddin (1344-1398), Nesimî († 1404) et surtout le poète Fuzuli (1480 ou 1494?-1556).

Au XVe s., pour la période djaghataï, on peut donc faire une distinction entre Turcs de l’Ouest et Turcs de l’Est.

Les grands écrivains orientaux sont : Mīr ‘Alī Chīr Navā’ī (Ali Şir Nevaî, 1440-1501), poète et penseur, défenseur de la langue turque, et les poètes Yusuf Emirî et Lûtfî. Les « Occidentaux » demeurent sous l’influence de la littérature arabe et surtout celle de la littérature persane, très prisées dans la vie de palais des sultans. Au XVe s., à côté des oeuvres de Şeyhî (1375-1431), d’Ahmed Paşa Bursalı († 1497) et

d’Isa Necatî († 1509), celles de deux mystiques célèbres, Hacı Bayram Veli († 1429) et Eşrefoğlu Rumî († 1469), ainsi que les écrits de Süleyman Çelebi († 1422) prennent place dans l’histoire de la littérature. À ces grands noms de la littérature djaghataï, il faut ajouter ceux de Ḥusayn Bāyqarā (Hüseyin

Baykara, 1438-1506), de Muḥammad

Chaybānī (Şeybani, † 1510) et de Kul Ubeydî. Bābur (Bāber 1483-1530),

fondateur de l’Empire moghol en Inde,

a écrit en prose une sorte de chronique historique, et Ebül gazi Bahadır Han (1603-1663 ou 1664) une généalogie turque.

La littérature ottomane

Au XVIe s., on assiste à la décadence de la littérature djaghataï, tandis que la littérature azerî — et son grand repré-

sentant Fuzuli — prennent une importance accrue. C’est l’époque de la littérature « classique » ottomane, de la poésie du divan (influencée par le persan et l’arabe) avec Baki (1526-1600), Bağdtalı Ruhî († 1605), Taşlıcalı

Yahya († 1582), Zâtî (1471-1546),

Nev’î (1533-1559), Lamiî Çelebi

(1472-1532) et Fazlî Çelebi († 1563).

Tandis que Âşık Çelebi (1520-1572), Hasan Çelebi Kınalızade (1546-1607), Ahdi, Edirneli Sehî († 1548) et Latifî (1491-1542) se distinguent en prose, Mahremi Tatavlalı († 1535) et Edirneli Nazmi tentent de turquiser la langue poétique. Alors que fleurit la littérature populaire avec Kul Mehmed et Öksüz Đede et que le courant mystique se prolonge avec Ümmü Sinan († 1551)

et Ahmed Sârban († 1546), pour la première fois Pir Sultan Abdal et Köroğlu abordent les problèmes sociaux de leur temps.

Au XVIIe s., la langue écrite prend ses distances à l’égard de la langue parlée, provoquant l’apparition de deux tendances littéraires, l’une proarabe, l’autre proturque. Koçu Bey Risalesi et Evliya Çelebi (1611-1682) sont les représentants de la tendance proturque pour la prose, Nergisî († 1635), Veysî (1561-1628), et Abdülaziz efendi Kara-

çelebizade (1591-1658) s’en tenant à la tradition arabo-persane. Les poètes du divan (Nef’i [1572-1635], Şeyhülislâm Yahya [1553-1644], Azmizade Haletî

[1570-1631], Nevîzade Atâî [1583-

1635], Nailî [† 1666], Fehim [1627-1648] et Nabi [1641-1712]) s’opposent aux poètes « populaires » Aşik Örner, Gevherî et Karacaoğlan. Le grand prosateur de l’école du divan est Kâtip Çelebi (1609-1657), connu sous le nom de Haci Halife.

Au XVIIIe s., la vie littéraire ottomane est très active. La première imprimerie est fondée en 1727. On traduit

alors de nombreuses oeuvres persanes et arabes : Yirmisekiz Mehmet Çelebi († 1732) tente une simplification de la langue, et Naima (1655-1716) rédige un livre d’histoire. Un courant moderniste apparaît, lié à un certain désir de rapprochement avec la civilisation occidentale. Les grands noms de la poésie du divan sont Şeyh Galib (1757-1799), Nedim (1680-1730) et Koca Ragib

Paşa (1699-1763), tandis que Fasihî, Şermi, Sezaî (1669-1738), Safayî

(† 1781), Salim, Şeyhî et Ramiz (1718-1784) illustrent le courant populaire et mystique. L’affrontement entre la litté-

rature populaire et la littérature savante se prolongera jusqu’au milieu du XIXe s.

Il faut noter que ceux qui ont voulu simplifier et rendre plus naturelles la langue et la littérature turques ont été plus sensibles à l’influence de l’Europe qu’à celle de la littérature populaire.

Celle-ci se distingue d’abord de la littérature savante par la forme : alors que la poésie arabo-persane, et par là la poésie ottomane classique, repose sur une métrique quantitative, la poésie populaire est fondée sur les syllabes et sur leur nombre. La production poé-

tique populaire la plus courante est le mâni, sorte de quatrain lyrique, tandis que le destan est la forme de la poé-

sie épique ou narrative. Cette poésie populaire n’était pas « récitée », mais chantée, les poètes, en même temps musiciens, s’accompagnant du saz —

instrument à cordes rudimentaires : on les appelait d’ailleurs saz şairleri.

À cette littérature populaire tombée en décadence au début du XIXe s. il faut ajouter les différents genres du théâtre populaire : le Meddah, l’Ortaoyunu et le Karagöz.

Le Meddah était un conteur d’his-

toires réalistes et drolatiques, ayant pour accessoires un bâton et un mouchoir, dont il se servait pour contrefaire sa voix.

L’Ortaoyunu (« Jeu du milieu »)

correspond à peu près à nos farces du Moyen Âge. Le spectacle n’a pas lieu sur une scène, mais au milieu du public, avec des accessoires rudimentaires. Il fait intervenir acteurs, musiciens et danseurs. Les acteurs se réduisent essentiellement à deux personnages : un lettré (Pişekâr) et un